
Karin van Baardwijk: «Les ETF actifs sont un investissement d’avenir»

Après une année 2022 difficile, comment s’est passée 2023 pour Robeco ?
Depuis 2022, année durant laquelle j’ai pris la tête de Robeco, l’environnement a clairement changé. Les vents porteurs sont devenus des vents contraires et la volatilité a bondi. L’année 2023 a été compliquée pour tous et les performances ne sont pas à la hauteur de nos attentes. Nous avons enregistré un fort appétit pour nos stratégies quantitatives, qui ont bien performé, mais aussi pour nos stratégies crédit et obligataires et nos solutions durables, avec à fin juin 181 milliards d’euros sous gestion - dont 178 milliards intègrent des critères ESG (environnement, social, gouvernance, NDLR). Face à cette conjoncture complexe, la question est de savoir dans quelle mesure cela va encore affecter notre industrie en 2024. Pour nous, il ne fait aucun doute que nous devrons encore affronter de nombreuses incertitudes cette année. Le marché prédit un atterrissage en douceur. Mais nous sommes plus pessimistes. Nous pensons que les banques centrales auront des difficultés à maîtriser l’inflation et à s’assurer que le chômage reste faible.
181 milliards d’euros d’encours sous gestion
Dans ce contexte, l’adaptabilité et la résilience sont déterminantes. Nous avons la chance de disposer d’une activité bien diversifiée et d’une couverture mondiale. Nous sommes donc bien positionnés pour faire face aux défis du marché, mais aussi pour saisir les occasions qui se présentent.
L’intérêt pour les fonds ESG semble faiblir. Faites-vous ce constat ?
L’investissement durable n’est pas un sujet que l’on peut envisager sur une seule année. La performance des investissements durables n’a pas été supérieure à la performance des autres stratégies en 2023, c’est vrai. Cela sera aussi peut-être le cas en 2024. Mais un investisseur institutionnel avec un horizon très long terme va regarder cela sur dix ans.
Et en ce qui nous concerne, nous croyons fortement que, de plus en plus, les capitaux se porteront sur des placements durables. Nous sommes convaincus que les entreprises gagnantes du futur sont celles qui, aujourd’hui, embrassent le sujet de l’investissement durable et de la transition énergétique. L’investissement durable est donc un moyen de repérer les sociétés qui seront à la pointe demain.
En matière d’investissement durable, chacun a sa définition, son appétence, sa maturité… Le monde a les yeux rivés sur l’Europe, qui est à la pointe dans ce domaine. Mais en Asie, où je me suis rendue récemment, l’investissement durable est aussi un sujet que les investisseurs étudient avec attention. Certes, certaines régions ne pas sont aussi avancées que nous et ne disposent pas de réglementation dans ce domaine. Mais elles cherchent à tirer les leçons de ce qui se passe en Europe. Elles s’intéressent particulièrement au financement de la transition. Même si l’investissement durable a un biais différent dans chaque région ou pays, il existe une prise de conscience mondiale que nous avons une responsabilité partagée de favoriser la transition vers une économie moins carbonée. Le rythme est différent en fonction d’où vous êtes situé dans le monde, mais la direction est la même.
Vous venez de recruter Nick King pour piloter votre activité ETF. N’est-ce pas un peu tard pour se lancer sur ce marché ?
Non, car nous nous intéressons uniquement aux ETF (exchange-traded funds) actifs, et non aux ETF passifs. Aux Etats-Unis, le segment des ETF actifs a atteint sa maturité, grâce aux avantages fiscaux que ces produits procurent outre-Atlantique. En Europe, le marché des ETF actifs n’en est qu’à ses balbutiements. De ce point de vue, nous n’arrivons pas trop tard.
Nous pensons que les ETF constituent un véhicule pertinent pour proposer nos stratégies d’investissement au marché, dans un contexte où les clients ont tendance à se détourner des fonds. Cela permettra à nos clients de profiter de trois éléments : la transparence, la liquidité et l’immédiateté. Nous considérons cette incursion dans les ETF comme un investissement stratégique pour l’avenir. La prochaine étape sera de définir la nature des premiers ETF que nous allons lancer, en capitalisant sur nos savoir-faire et notre palette de stratégies d’investissement. Il pourra s’agir d’un ETF quantitatif, d’un ETF durable… Nous lancerons notre premier ETF au second semestre 2024. D’autres suivront.
Votre stratégie 2021-2025 prévoit de renforcer votre position de leader de l’investissement durable. Comment cherchez-vous à atteindre cet objectif ?
Concernant cet objectif, nous sommes fiers que Morningstar nous compte parmi les huit leaders mondiaux dans ce domaine.
Aujourd’hui, tout le monde affirme être un investisseur durable et il est donc important de pouvoir se distinguer. Nous gérons des stratégies durables depuis 25 ans et disposons d’un centre d’expertise composé d’une cinquantaine de personnes. Pour conserver notre avance, il est important de continuer à innover. Par exemple, nous avons décidé de donner accès à certaines données ESG propriétaires. Nos partenariats sont aussi très importants. Ainsi, dans la biodiversité, nous nous sommes associés avec IceBerg Data Lab et WWF. Cela nous donne accès à des spécialistes et des informations d’une grande richesse.
Je suis consciente que de nombreux acteurs sont intéressés par Robeco
Nous sommes aussi attentifs à disposer de toutes les briques durables dont nos clients ont besoin, afin de pouvoir concevoir des solutions sur mesure pour chacun d’eux dans chaque partie du monde, quel que soit leur niveau de maturité. Renforcer nos solutions en matière d’engagement et d’actionnariat actif est aussi crucial.
Votre deuxième objectif est de croître de manière rentable. Comment ciblez-vous cela ?
Cet objectif s’appuie dans une large mesure sur notre croissance organique. Mais nous avons aussi des perspectives de croissance externe. La croissance organique repose sur nos cinq spécialités : l’obligataire, le crédit, la gestion quantitative, les marchés émergents et la gestion durable. La gestion durable a d’importantes perspectives de croissance que nous avons déjà évoquées. S’agissant de la gestion quantitative, qui fait partie de notre ADN, nous entrevoyons d’énormes développements. Nous avons investi dans les infrastructures, les gérants, les data scientists, travaillons sur une nouvelle génération de solutions quantitatives et réfléchissons à la manière d’appliquer ces outils à l’investissement durable. Par exemple, nous étudions comment nous appuyer sur le traitement du langage pour identifier le greenwashing ou les controverses avant tout le monde. Pour notre croissance organique, nous comptons aussi beaucoup sur les ETF. Enfin, en termes géographiques, l’Asie et les Etats-Unis sont des régions où nous anticipons une forte croissance à long terme.
Quid de la croissance externe ?
Le paysage des fusions-acquisitions est dominé par la quête de nouvelles capacités d’investissement, afin d’accroître les compétences, les encours, accéder à de nouvelles technologies, de nouveaux segments de distribution… Nous disposons déjà de capacités d’investissement très larges et diversifiées. Aussi nos acquisitions doivent-elles être très ciblées et vraiment représenter un moteur de croissance. Les marchés privés collent à cette définition. Nous nous intéressons plus précisément au crédit privé et aux loans. C’est une recherche que nous avons entreprise très tôt. Mais nous n’avons pas encore trouvé la perle rare, c’est-à-dire une société de qualité et qui corresponde bien à notre culture d’entreprise.
Dans un environnement devenu plus difficile pour les sociétés de gestion, avec une forte pression sur les coûts, avez-vous besoin de réduire la voilure comme l’ont fait certains concurrents ?
Les coûts augmentent clairement dans cet environnement inflationniste. Mais nous n’avons pas lancé de programme de réduction des coûts. Lors de la définition de notre budget, nous avons constaté que nos dépenses se situaient dans une fourchette raisonnable par rapport aux concurrents de notre taille. D’une manière générale, Robeco a une approche prudente. Lorsque nous augmentons nos dépenses, nous le faisons pour une bonne raison et avec un objectif de rentabilité en tête.
Votre troisième pilier est d’être un employeur de choix. Que cela signifie-t-il ?
Depuis le Covid, notre force de travail s’est considérablement internationalisée. Cela signifie que nous avons des collaborateurs qui reflètent l’ensemble des marchés sur lesquels nous sommes présents. Etre un acteur international avec des collaborateurs mondiaux nous confère aussi une responsabilité : attirer des talents est important mais les retenir l’est encore plus ! Pour cela, nous cherchons à créer une culture qui soit inclusive, qui permette aux personnes d’être authentiques, et de se sentir chez elles au sein de Robeco. La diversité et l’inclusion sont des sujets cruciaux. Avec des opinions diverses, il n’est pas plus facile de prendre des décisions, mais cela conduit à des choix de meilleure qualité et, in fine, de meilleurs résultats.
Au-delà de la diversité, la raison d’être devient un sujet de plus en plus important, notamment pour les jeunes générations qui arrivent sur le marché du travail. Ces dernières veulent appartenir à une communauté inclusive, mais aussi que les organisations pour lesquelles elles travaillent sachent où elles vont, pas uniquement d’un point de vue financier mais d’un point de vue sociétal. Avec notre ancrage dans la durabilité, nous sommes bien placés pour répondre à ces attentes. Mais cela nous rend comptables : il faut absolument faire ce que l’on dit qu’on fait.
La réglementation en matière d’ESG change tout le temps. Que vous inspire cette instabilité ?
Je me demande souvent si la réglementation est une bénédiction ou un poids. Côté inconvénients, la réglementation exige des efforts, des dépenses et des ressources énormes. Et la réglementation est imparfaite et ne répond jamais à toutes les questions du marché. Côté avantages, la réglementation oblige les sociétés de gestion à s’intéresser au sujet de l’investissement durable, à se demander comment elles intègrent les critères E, S et G dans leur processus d’investissement. En outre, plus vous donnez d’informations sur ces sujets aux clients, plus ces derniers vont mûrir dans ce domaine. Au bout du compte, nos clients sont capables de faire la différence entre les sociétés de gestion qui s’intéressent à la finance durable uniquement d’un point de vue marketing et celles qui sont réellement sincères, qui ont mis les moyens et qui ont placé la durabilité au cœur de tout ce qu’elles font. Pour nous, c’est clairement un avantage.
Le problème aujourd’hui est qu’il n’y a pas de taxonomie mondiale. Nous avons SFDR en Europe et il y aura des versions asiatique, américaine, britannique de ce texte… En tant que client, comment faire face à cette complexité et naviguer ? Avec le temps, j’espère que nous arriverons au stade où il n’y aura que des bonnes pratiques et que cela sera le point d’équilibre qui nous permettra d’avoir des définitions mondiales. Dans le monde actuel, ce patchwork conduit à de nombreuses inefficiences. Mais aujourd’hui, il faut faire avec et notre rôle est d’aider les clients à y voir plus clair.
En tant que leader de l’ESG, vous pourriez être une cible pour un acteur qui voudrait se renforcer dans ce domaine. Cela m’amène à vous poser la question de vos relations avec votre actionnaire japonais Orix. Pensez-vous qu’il pourrait vous vendre ?
Je suis consciente que de nombreux acteurs sont intéressés par Robeco. Mais à chaque fois, Orix a décliné l’offre. Orix est notre actionnaire à 100 % depuis 2013 et nous avons établi une relation de confiance avec lui. En novembre, j’ai rencontré le directeur général au Japon et nous avons abordé ce sujet. La conclusion est qu’Orix est fier d’avoir acquis Robeco. Nous avons été sa première acquisition majeure à l’international et elle est intervenue au bon moment. Le directeur général veut continuer à nous voir croître, de manière organique et externe, plutôt que nous céder. Il nous le confirme régulièrement.
Orix soutient donc vos projets de croissance…
C’est un actionnaire qui nous apporte son soutien total. Orix travaille avec nous sur les fusions et acquisitions. Il nous fournit aussi des capitaux d’amorçage pour que nous puissions lancer de nouveaux fonds. En revanche, Orix n’est pas impliqué dans la gestion quotidienne de l’entreprise, car il fait confiance à l’équipe dirigeante. Tant que cette relation sera transparente et de confiance – deux valeurs importantes dans la culture japonaise –, j’espère qu’elle continuera ! ■
SON PARCOURS
Karin van Baardwijk est titulaire d’un master en économie d’entreprise et d’un master en droit des entreprises de l’université d’Utrecht aux Pays-Bas.
Elle a débuté dans le secteur de la finance en 2004 chez Atos Consulting. Elle rejoint Robeco en 2006 pour s’occuper des risques et du contrôle interne. Au fil des années, elle a exercé de nombreuses responsabilités au sein de la société de gestion néerlandaise, notamment aux fonctions de directrice générale adjointe, directrice des opérations, responsable de l'équipe services mondiaux d’information et responsable de la gestion des risques opérationnels. Karin van Baardwijk est directrice générale de Robeco et présidente du comité exécutif depuis 2022.
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