
Les financiers cassent les codes du recrutement

Le 19 septembre dernier, Lucille Girard, 25 ans, conseillère de clientèle à l’agence du Crédit Agricole d’Ile-de-France (IDF) Paris La Boétie, a participé à une activité différente de ses missions habituelles : un « afterwork recrutement », organisé par la banque en début de soirée, durant lequel elle a échangé avec des candidats autour d’un cocktail. « Si on me le proposait à nouveau, j’accepterais ! confie la jeune femme. J’ai rencontré des personnes expérimentées dans la banque ou l’assurance. Leurs questions sur le métier de conseiller en agence étaient très concrètes et comme nous étions dans mon agence, convertie récemment au concept ‘Active’ moderne et connecté, cela a suscité chez eux beaucoup de curiosité. »
Le Crédit Agricole IDF n’est pas le seul à mettre en place des événements « physiques » visant à dénicher de futurs collaborateurs. « Jobmeeting » chez Groupama, « job dating » pour le spécialiste du paiement Monext et à la Société Générale, « speed-recruiting » du côté de LCL…, de nombreux acteurs du secteur financier se lancent dans ces formats originaux. Des initiatives qui peuvent surprendre à l’heure où la « digitalisation » bouleverse les processus de recrutement. « Nous avons le souci de renouveler notre politique de recrutement et nous testons régulièrement de nouvelles méthodes. C’est la première fois que nous mettons en place un ‘afterwork’ entre candidats et collaborateurs-conseillers. Un événement à renouveler ! déclare Jean-Marc Cros, directeur des ressources humaines (DRH) du Crédit Agricole IDF. Si nous sommes présents sur les réseaux sociaux pour communiquer autour de nos actions de recrutement, nous continuons à développer le contact humain car il est essentiel dans les métiers de conseil, eux-mêmes centrés sur la relation humaine. »
L’assureur Groupama, qui vient d’organiser, en octobre, une tournée de « jobmeetings-afterworks » dans neuf villes en France, est quant à lui un habitué de l’exercice. « Ce ‘jobmeeting’ était notre 7e édition. Nous avons toujours intégré à notre stratégie de recrutement des événements en réel, car la proximité fait partie des valeurs du groupe. C’est pourquoi nous organisons depuis sept ans des ‘jobmeetings’ dans toute la France et dans différentes implantations, explique Sylvie Toudic, responsable de la marque employeur du groupe. L’aspect humain est essentiel, d’ailleurs nos conseillers ne travaillent pas uniquement sur des tablettes et des ordinateurs ! » Un peu plus de 80 candidats (82 précisément) sont venus à l’afterwork du Crédit Agricole IDF. « Une trentaine passe des tests en ce moment. Parmi eux, environ dix seront recrutés », précise Jean-Marc Cros. Les jobmeetings de Groupama ont reçu 286 inscriptions pour 160 personnes conviées. « A ce jour, dix recrutements ont été effectués. Nous devrions atteindre le double, dans les neuf villes en France », indique Sylvie Toudic.
Si ces événements de « recrutement convivial », selon l’expression d’un DRH, ont le vent en poupe malgré la grande vague numérique, c’est parce qu’ils permettent de sortir du cadre très formel et structuré du recrutement classique. « A un moment, j’avais oublié que j’étais venu pour éventuellement postuler ! raconte Tarek*, 26 ans, qui a récemment participé à une soirée de networking d’une grande institution financière. Je n’ai pas hésité à poser toutes les questions aux managers présents, même celles sur la rémunération. A un entretien classique, je n’aurais pas demandé autant de choses car le stress et le côté très formaté ne s’y prêtent pas. Au bout du compte, j’ai candidaté ! » « L’objectif du ‘jobmeeting’ est bien sûr de recruter mais aussi de casser les codes, de dédramatiser le processus de recrutement en commençant d’abord par faire connaissance avec les candidats dans des lieux conviviaux, en dehors d’un espace de travail, souligne Sylvie Toudic. L’idée est également qu’ils se fassent une idée de notre culture d’entreprise, afin qu’ils voient si celle-ci leur correspond ou non. »
Diversifier les profils
L’autre avantage de ces rencontres « désacralisées » est de favoriser la diversité des profils chez les postulants, même si ces derniers sont sélectionnés après s’être d’abord inscrits. « Les recruteurs présents ont eu de jolies surprises, poursuit Sylvie Toudic. Ils ont rencontré des candidats qui, au vu de leurs CV, n’auraient pas forcément été conviés en entretien. Lors du ‘jobmeeting’, ils se sont rendu compte que ces postulants avaient les qualités recherchées. » En outre, ces événements attirent des professionnels en poste et qui ne sont pas en recherche d’emploi (lire aussi l’entretien avec Vincent Picard), ainsi qu’une autre population très prisée des établissements financiers : les jeunes de la fameuse « génération Y ». « Du fait de leurs âges, nos jeunes recrues sont des ‘millennials’, reconnaît ainsi Jean-Marc Cros. Nous nous adressons à cette nouvelle génération de façon moins solennelle et via les réseaux sociaux. Toutefois, nous continuons les vraies rencontres car les plus jeunes restent très attachés à la relation humaine. » La place de l’humain dans le dispositif de recrutement n’est donc pas remise en cause. Même les acteurs « disruptifs » de ce marché l’admettent, comme Mickaël Cabrol, dirigeant et fondateur de la jeune société Easyrecrue (créée en 2013), spécialisée dans les entretiens vidéo : « Nos solutions ‘digitalisent’ seulement une partie du processus, la partie humaine est toujours nécessaire et c’est le souhait de nos clients. La culture d’entreprise, l’environnement de travail, l’esprit du management... se transmettent à travers des échanges directs. Mais la technologie et l’humain coexistent très bien. » Reste à savoir si cet équilibre sera durable à long terme…
*Le prénom a été changé. {"title":"Les recruteurs pr\u00e9sents ont rencontr\u00e9 des candidats qui, au vu de leurs CV, n\u2019auraient pas forc\u00e9ment \u00e9t\u00e9 convi\u00e9s en entretien»,"name":"SYLVIE TOUDIC, Groupama»,"body":"","image":0,"legend":"","credit":""}
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