
Les banques européennes cherchent à optimiser leurs opérations de refinancement

S’enrichir pendant la crise n’est pas acceptable. Du moins, politiquement. C’est ce que sous-entend un article publié ce dimanche 3 juillet par le Financial Times, qui affirme que la Banque centrale européenne (BCE) cherche à revoir les conditions avantageuses des opérations ciblées de refinancement à long terme (TLTRO, pour targeted longer-term refinancing operations), ces prêts accordés aux banques pendant la crise pour soutenir la production de crédit.
Avec un taux très avantageux fixé à -1% entre le 24 juin 2021 et le 23 juin 2022, soit un écart de 50 points de base avec le taux auquel sont rémunérés les dépôts, ces prêts ont agi comme une «subvention implicite» pour les banques européennes, explique Eric Dor, directeur des études économiques à l’Ieseg School of Management, leur permettant de compenser les pertes entraînées par la moindre rémunération de leurs dépôts.
La perspective d’une remontée des taux après l’invasion de l’Ukraine a conduit les banques européennes à changer de stratégie vis-à-vis des TLTRO. «Quelques trimestres avant la guerre en Ukraine, les banques européennes ne croyaient pas en une remontée des taux à l’actif. Nous nous attendions à ce qu’elles remboursent massivement leurs TLTRO en juin pour les amortir», explique Rafael Quina, analyste chez Fitch Ratings.
Les banques diffèrent leurs remboursements
«Notre premier scénario avant le durcissement des politiques monétaires tablait sur 650 milliards d’euros de remboursements anticipés. Les banques européennes n’ont finalement remboursé que 76 milliards d’euros», précise Samy Lakhdari, analyste banques chez Natixis. Au vu du calendrier annoncé par la BCE pour la remontée des taux, les banques estiment, en effet, qu’elles ont davantage à gagner si elles conservent leurs TLTRO jusqu’à leur terme (soit trois ans après en avoir bénéficié).
«Si la BCE remonte le taux de dépôt (à -0,25% en juillet et peut-être même à +0,25% en septembre), les banques pourraient réaliser un profit en gardant simplement l’argent sur leur compte à la BCE où elles obtiendraient -0,25% (ou même +0,25% à partir de septembre), alors que leur coût d’emprunt était de -1% avant juin et de -0,50% depuis juin», explique à L’Agefi une source bien informée.
D’après une note de Morgan Stanley citée par le Financial Times, les banques européennes pourraient ainsi réaliser entre 4 et 24 milliards d’euros de profits jusqu’à la fin du dispositif en décembre 2024. Un chiffre qui avoisinerait plutôt 12 milliards d’euros, selon une source proche de la BCE citée par le quotidien britannique. Pour ne pas subventionner les banques européennes au-delà du raisonnable alors que les ménages et les entreprises souffrent actuellement de l’inflation, la BCE réfléchirait donc à «des moyens» de limiter ces gains.
Inquiétudes sur la fin des TLTRO
«Les TLTRO ont été conçus pour compenser les effets négatifs induits par la politique monétaire de la BCE et inciter les banques à maintenir la production de crédit pendant la crise du Covid. Si la BCE change de politique monétaire, il est normal qu’elle change également les modalités de ces instruments compensateurs», juge Laurent Quignon, économiste bancaire chez BNP Paribas. Il met toutefois en garde contre «un coup d’arrêt trop brutal donné à ce dispositif». «Il ne faut pas oublier qu’avant la guerre en Ukraine les banques ont accordé des crédits à l’habitat à des taux très bas, ce qui pèse sur leur rentabilité», rappelle-t-il.
Samy Lakhdari s’inquiète, quant à lui, de possibles effets délétères sur la liquidité de certains établissements de la zone euro. «Sur un échantillon de 16 banques européennes passées en revue par Natixis, la fin des TLTRO pourrait faire chuter le ratio LCR moyen de 80 points. Pour les banques françaises, il n’y a pas vraiment de sujet d’inquiétude. Mais la moitié des banques de l’échantillon, notamment les italiennes Monte dei Paschi et Intesa Sanpaolo, verront leur LCR passer sous la barre des 100%», explique-t-il. Il juge donc probable que la BCE annonce, à la rentrée ou en fin d’année, un nouveau programme, destiné à soutenir la liquidité des banques européennes.
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Le procès de Bolsonaro « n'était pas une chasse aux sorcières », répond Lula à Trump
Brasilia - Le procès de l’ancien président d’extrême droite brésilien Jair Bolsonaro «n'était pas une chasse aux sorcières», a assuré dimanche l’actuel chef de l’État brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, en réponse aux critiques de son homologue américain Donald Trump. Dans sa première réaction après la condamnation à 27 ans de prison de son opposant, Lula s’est dit «fier de la Cour suprême du Brésil pour sa décision historique» et a affirmé, dans une tribune publiée par le quotidien américain New York Times, que «ce n'était pas une chasse aux sorcières». Le président Trump a qualifié cette semaine la condamnation de Jair Bolsonaro à 27 ans de prison de «très surprenante». Lula a intitulé son texte : «La démocratie et la souveraineté du Brésil ne sont pas négociables». Il est confronté à une crise diplomatique avec les États-Unis en raison du procès contre M. Bolsonaro, principal dirigeant de la droite et de l’extrême droite au Brésil et proche allié de Donald Trump. Le président américain a puni le Brésil en lui imposant des droits de douane de 50%, parmi les plus élevés au monde, sur une grande partie de ses produits. Plusieurs magistrats de la Cour suprême brésilienne font également l’objet de sanctions de la part de Washington pour leur gestion de l’affaire Bolsonaro. L’ancien président, âgé de 70 ans, a été condamné cette semaine pour avoir dirigé un complot infructueux visant à empêcher l’investiture de Lula, qui l’a devancé aux élections de 2022. «Le jugement est le résultat de procédures menées conformément à la Constitution brésilienne de 1988, promulguée après deux décennies de lutte contre une dictature militaire», a poursuivi Lula dans ce texte publié en anglais. «Des mois d’enquête (...) ont révélé des plans visant à m’assassiner, ainsi que le vice-président et un juge de la Cour suprême», a-t-il ajouté. «Les autorités ont également découvert un projet de décret qui aurait effectivement annulé les résultats des élections de 2022.» Relation «de plus de 200 ans» «Lorsque les Etats-Unis tournent le dos à une relation vieille de plus de 200 ans, comme celle qu’ils entretiennent avec le Brésil, tout le monde y perd», a ajouté Lula. «Président Trump, nous restons ouverts à toute négociation susceptible d’apporter des avantages mutuels. Mais la démocratie et la souveraineté du Brésil ne sont pas négociables». Donald Trump, pour sa part, a déclaré après la condamnation de M. Bolsonaro que ce procès rappelait «vraiment ce qu’ils ont essayé de me faire», en référence à ses propres problèmes judiciaires après la prise du Capitole à Washington par ses partisans, le 6 janvier 2021. La justice brésilienne a tenu l’ancien président pour responsable d’avoir incité à l'émeute du 8 janvier 2023 contre les sièges des pouvoirs publics à Brasilia. Jair Bolsonaro se dit victime de «persécution» et sa défense a annoncé qu’il ferait appel du jugement de la Cour suprême, y compris devant les instances internationales. Dimanche, lors de sa première apparition publique après sa condamnation, il a quitté son domicile pendant quelques heures avec l’autorisation de la justice pour subir une biopsie cutanée. A sa sortie d’un hôpital de Brasilia, il ne s’est pas adressé à la presse et s’est contenté d’observer les dizaines de sympathisants qui l’attendaient avec des drapeaux brésiliens et en chantant l’hymne national. Jair Bolsonaro garde le silence depuis fin juillet, date à laquelle la Cour suprême lui a interdit de s’exprimer sur les réseaux sociaux, estimant qu’il les avait utilisés pour entraver la justice. «Huit lésions cutanées ont été retirées et envoyées en biopsie pour évaluation», a déclaré le docteur Claudio Birolini à la presse. «En raison de toutes les interventions chirurgicales qu’il a subies et de la situation actuelle, (Bolsonaro) est assez affaibli», a-t-il ajouté. L’ancien président a subi plusieurs opérations en raison de complications liées à un coup de couteau à l’abdomen reçu en 2018, alors qu’il était candidat. La Cour suprême doit examiner les recours déposés par la défense de M. Bolsonaro avant d'éventuellement l’envoyer en prison. L’ancien président pourrait demander à purger sa peine à domicile, invoquant son état de santé. © Agence France-Presse -
Sébastien Lecornu « sera censuré, dans quelques semaines ou quelques mois », prévient Marine Le Pen
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Turquie : avant une audience cruciale pour le CHP, des dizaines de milliers de personnes défilent à Ankara
Ankara - Des dizaines de milliers de personnes ont défilé dimanche à Ankara, à la veille d’une audience cruciale devant la justice pour le CHP, le principal parti d’opposition au président turc Recep Tayyip Erdogan, dont la direction pourrait être chamboulée en raison d’une accusation de fraudes. L’audience est prévue pour débuter à 10h00 heure locale (07h00 GMT), devant le 42e tribunal civil de première instance de la capitale turque. Selon certains observateurs, l’affaire s’apparente à une tentative des autorités de saper le plus ancien parti politique de Turquie, qui a remporté une énorme victoire contre l’AKP (Parti de la justice et du développement, conservateur) du président Erdogan aux élections locales de 2024 et gagne en popularité dans les sondages. Le CHP (Parti républicain du peuple, social démocrate) rejette les accusations et estime que le gouvernement tente de l’affaiblir en tant que force d’opposition. Sa popularité a augmenté depuis qu’il a organisé les plus grandes manifestations de rue de Turquie en une décennie, déclenchées par l’emprisonnement en mars de son candidat à la présidence de la République, le maire d’Istanbul Ekrem Imamoglu. «Fraude électorale» L’audience doit statuer sur la possible annulation des résultats du congrès du CHP en novembre 2023. Pendant ce congrès, les délégués avaient évincé le président de longue date du parti, Kemal Kilicdaroglu, tombé en disgrâce, et élu Özgür Özel. L’acte d’accusation désigne M. Kilicdaroglu comme étant la partie lésée et réclame des peines de prison pouvant aller jusqu'à trois ans pour M. Imamoglu et 10 autres maires et responsables du CHP, accusés de «fraude électorale». Si la justice le décidait, M. Özel pourrait donc se voir démettre de ses fonctions à la tête de cette formation. Le 2 septembre, un tribunal a destitué la direction de la branche d’Istanbul du CHP en raison d’accusations d’achats de votes au cours de son congrès provincial et nommé un administrateur pour prendre le relais. Cette décision, qui a été largement perçue comme pouvant faire jurisprudence, a déclenché de vives protestations et entraîné une chute de 5,5% de la Bourse, faisant craindre que le résultat de lundi ne nuise également à la fragile économie de la Turquie. Si le tribunal d’Ankara déclarait les résultats du congrès du CHP nuls et non avenus, cela pourrait annoncer le retour de son ancien leader Kemal Kilicdaroglu, qui a accumulé une série de défaites électorales ayant plongé le parti dans une crise. Dans une tentative de protéger sa direction, le CHP a convoqué un congrès extraordinaire le 21 septembre. Si le tribunal destituait M. Özel et rétablissait M. Kilicdaroglu, les membres du parti pourraient donc tout simplement réélire Özgür Özel six jours plus tard. «Ce procès est politique» À la veille de l’audience, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées en soutien au CHP dans le centre de la capitale turque. «Ecoute cette place Erdogan», a lancé M. Özel dimanche soir devant les manifestants qui scandaient «Erdogan, démission !». «Aujourd’hui, nous sommes confrontés aux graves conséquences de l’abandon du train de la démocratie par le gouvernement démocratiquement élu en Turquie, qui a choisi de gouverner le pays par l’oppression plutôt que par les urnes. Quiconque représente une menace démocratique pour lui est désormais sa cible», a affirmé M. Özel. «Ce procès est politique, les allégations sont calomnieuses. C’est un coup d'État et nous résisterons», a-t-il martelé. «Il ne s’agit pas du CHP mais de l’existence ou de l’absence de démocratie en Turquie», a déclaré pour sa part Ekrem Imamoglu aux journalistes vendredi, après avoir comparu devant un tribunal pour des accusations sans lien avec cette affaire. Lorsque Özgür Özel a pris sa direction en novembre 2023, le CHP était en crise mais, en mars 2024, il a conduit le parti à une éclatante victoire aux élections locales. Depuis l’arrestation du maire d’Istanbul en mars dernier, M. Özel a su galvaniser les foules, s’attirant les foudres du pouvoir en organisant chaque semaine des rassemblements, jusque dans des villes longtemps considérées comme des bastions du président Erdogan. Burcin GERCEK © Agence France-Presse