
Le marché de la dette privée secondaire se structure

Le marché de la dette privée a connu une transformation significative, arborant désormais toutes les caractéristiques d’une classe d’actifs mature. Une vague croissante de capitaux a trouvé sa voie vers ce compartiment. Au total, en France, pas moins de 12,4 milliards ont été levés pour financer les entreprises en dette privée en 2022, selon France Invest. Les portefeuilles sont aujourd’hui négociés avec une taille et une sophistication comparables à celles du marché du private equity, attirant ainsi l’attention des grands investisseurs. Au fil du temps, le marché s’est structuré, et la dette privée compte désormais environ 1.500 milliards de dollars d’actifs sous gestion au niveau mondial, estime Preqin. Et avec cet essor du marché primaire, s’est développé naturellement le marché secondaire. Des fonds dédiés de dette privée secondaire ont fleuri, et cette classe représente aujourd’hui 4 % du marché secondaire (voir le graphique).
La cession de parts de dette privée a toujours existé. « Les opérations secondaires de dette privée étaient, par le passé, intégrées à la marge dans les portefeuilles cédés de part de fonds de private equity », explique Cécile Mayer-Lévi, directrice de l’activité de dette privée chez Tikehau Capital. Les gestionnaires de fonds n’ont fait que répondre à l’appel. « Aujourd’hui, avec le marché primaire de dette privée qui gagne en maturité et la demande croissante des investisseurs en quête de décotes et de rendements attrayants sur le marché secondaire, il y a un véritable intérêt de structurer une offre secondaire dédiée à cette classe d’actifs », poursuit-elle.
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Un marché porté par les initiatives des investisseurs
Historiquement, ce marché de niche était porté par les fonds de distressed et les fonds de mezzanine. « Le marché s’est structuré et est devenu plus dynamique depuis. Les portefeuilles de dettes privées sont maintenant mieux identifiés et incluent une part grandissante de fonds de direct lending », souligne Bernhard Engelien, dirigeant de l’équipe de private capital advisory pour l’Europe chez Greenhill. Mais si la dette privée secondaire a tardé à décoller, « c’est aussi parce qu’il n’y a pas la même pression en termes de liquidité et la même tolérance à la décote que pour les fonds de buy-out par exemple, poursuit Bernhard Engelien. Les produits de dette privée de type direct lending sont remboursables sur un horizon court de 3 à 5 ans, ce qui équivaut à un mécanisme de rédemption quasi naturel. »
Sur le marché de la dette privée, les opérations initiées par des LP représentent la part du lion des flux secondaires
Alors que les opérations GP-led, c’est-à-dire initiées par les gestionnaires de fonds eux-mêmes pour répondre aux besoins de liquidité de leurs investisseurs, représentent la moitié du marché du private equity secondaire, la dette privée secondaire est davantage portée par la cession de parts de fonds à l’initiative des investisseurs (LP-led). « Sur le marché de la dette privée, les opérations initiées par des LP représentent la part du lion des flux secondaires », constate Cécile Mayer-Lévi. Les GP-led sont quant à elles utilisées pour apporter de la liquidité immédiate. « Quand un gérant initie une opération secondaire, c’est généralement pour permettre aux investisseurs de participer à la nouvelle levée de fonds d’un fonds successeur », note Markus Geiger, responsable de la dette privée chez Oddo BHF AM.
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Sur le marché secondaire du private equity, les gérants qui souhaitent fournir de la liquidité à certains investisseurs et s’offrir un scénario de sortie idéal peuvent recourir aux transactions secondaires portant sur un seul actif (appelés GP-led single-asset secondary). « Ce type de transaction, initié par des gérants, n’est pas adapté à la dette privée où il est difficile d’isoler un seul actif et où les portefeuilles portent sur plusieurs expositions », explique Markus Geiger. Alors que de plus en plus de gestionnaires sur le marché du private equity se tournent vers la création de fonds de continuation pour conserver des actifs prometteurs dotés d’un potentiel de création de valeur à la fin de la durée du fonds, ce scénario secondaire commence tout juste à voir le jour sur le marché de la dette privée. Et pour cause, les motivations sont différentes : « Les rares GP que nous avons conseillés, ou qui envisagent un fonds de continuation en dette privée dans le contexte de marché actuel, semblent davantage motivés par la nécessité de rééquilibrer leurs portefeuilles ou la volonté de consolider des portefeuilles existants », souligne Ngowari Adikibi, avocate associée en structuration de fonds du cabinet Stephenson Harwood.
Mais la situation pourrait évoluer maintenant que les acteurs du marché ont créé un cercle vertueux pour les transactions secondaires de dette privée. Le décollage du marché pourrait être imminent.
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