
Le non coté mise son avenir sur la clientèle privée

Le monde de la fortune privée semble devenir le nouvel eldorado des fonds de private equity à la recherche de capitaux. Si le recours à cette nouvelle poche de liquidités n’en est qu’à ses prémisses, plusieurs géants de la gestion alternative affichent de grandes ambitions en matière de levées de fonds auprès des particuliers fortunés (high net worth individuals, HNWI), relève Preqin dans une nouvelle étude.
Plusieurs facteurs expliquent cette ouverture à une nouvelle typologie de clientèle. Après avoir levé des milliers de milliards de dollars auprès d’investisseurs institutionnels ces dernières années, l’industrie du non coté fait face à des vents contraires depuis plusieurs mois. «Pour des raisons structurelles et liées aux conditions de marché, un nombre croissant d’investisseurs commence à atteindre leur capacité maximale d’investissement dans ces classes d’actifs», analyse Preqin. Le fournisseur de données estime que les levées de fonds par l’industrie du non coté dans le monde passera de 1.160 milliards en 2022 à 1.580 milliards en 2027. Ceci représente un taux de croissance annuel moyen de 3,57%, à comparer aux 11,70% constatés entre 2015 et 2021, le capital-investissement et le capital-risque étant attendus comme les premières victimes de ce ralentissement.
Une manne gigantesque
Les grands fonds de non coté avaient anticipé ces difficultés en développant des plateformes afin de lever des fonds sur plusieurs stratégies d’investissement pour diversifier l’origine de leurs frais de gestion. Ils explorent depuis quelques années de nouvelles sources de capital et se concentrent donc désormais sur les family offices et les clients particuliers. Ils cherchent dès lors à pousser les investisseurs particuliers à abandonner le traditionnel portefeuille 60/40 (60% actions, 40% obligations) au profit d’un panachage 50/30/20 incluant des actifs alternatifs. Preqin estime l’allocation des HNWI aux marchés privés à moins de 5% dans la plupart des cas.
L’association Chartered Alternative Investment Analyst a calculé qu’en 2018, les quelques 10.000 family offices mondiaux géraient environ 4000 milliards de dollars. De son côté, la gestion privée représenterait 130.000 milliards de capital. Si l’on ajoute la clientèle retail, le potentiel est immense. D’où le développement récent de nouveaux intermédiaires cherchant à ouvrir l’accès aux clients particuliers à l’investissement en non coté. Les défis à relever sont nombreux : assurer l’accès aux meilleurs fonds malgré des tickets d’investissement plus faibles ; apporter des solutions aux gérants pour surmonter les coûts de la gestion de très nombreux clients ; garantir des due diligences des fonds de haut niveau ; éduquer les investisseurs sur les caractéristiques des actifs non cotés ; et permettre une liquidité secondaire.
Deux modèles ont donc été retenus par ces nouvelles plateformes. Le BtoBtoC, en partenariat avec les gestionnaires de fortune, est le plus développé à l’heure actuel du fait d’un réseau de distribution préexistant. Mais certains prestataires permettent aussi la distribution en BtoC, à l’image de Moonfare ou Titanbay en Europe. Ces plateformes cherchent à « disrupter » le monde de la gestion de patrimoine en misant sur la distribution digitale afin de limiter les coûts.
A lire aussi: Non-coté, la démocratisation sera digitale ou ne sera pas
Coup de pouce des législateurs
Ces différents moteurs de la démocratisation du non coté bénéficient en outre de carburant réglementaire. Aux Etats-Unis, la Securities and Exchange Commission (SEC), qui a toujours limité la distribution de ces classes d’actifs aux particuliers, est en train d’infléchir sa politique. En 2020, elle a élargi sa définition d’investisseur qualifié et en 2022, a pris des mesures pour accroître l’accès, mais aussi la protection, des investisseurs particuliers au non coté au travers de l’Investment Advisers Act of 1040. Au Royaume-Uni, le nouveau véhicule Long-Term Asset Fund (LTAF) permet désormais de commercialiser la classe d’actif auprès de tout type de clients.
Dans l’Union européenne, une nouvelle version du fonds Eltif (European long-term investment fund), appelée Eltif 2.0, a été approuvée en février 2023. Elle a fortement assoupli les investissements éligibles et les règles de gestion de ce véhicule créé en 2015 pour donner davantage accès au retail à diverses classes d’actifs mais dont le succès avait jusqu’ici été très limité.
Toutes ces avancées récentes donnent donc de grandes ambitions aux gérants d’actifs privés. Parmi les plus grands acteurs mondiaux, Preqin rappelle que KKR, qui a déjà levé à ce jour 66 milliards de dollars auprès des particuliers, vise 30% à 50% des levées de fonds en provenance de la clientèle privée dans les prochaines années. Apollo, quant à lui, a pour objectif de collecter 50 milliards de la même manière entre 2022 et 2026.
Plus d'articles Capital investissement
-
Le fonds de retournement Sapaudia est à l’arrêt faute de capitaux
Exclusif - La société, qui visait initialement 100 millions d’euros pour son premier fonds, n’a collecté que 5 millions. Elle n’a pu réaliser qu’un seul investissement. -
Le professeur Oliver Gottschalg lance Gottschalg Analytics
Le chercheur spécialisé sur le private equity fait rentrer en majoritaire Long Term Assets à l’occasion. -
Qualium boucle la levée de fonds de son troisième millésime à 500 millions d’euros
Qualium Fund III a bénéficié du soutien d’une vingtaine de nouveaux investisseurs ainsi que de ses investisseurs historiques.
Contenu de nos partenaires
- Climat : BNP Paribas droite dans ses bottes face aux ONG
- Slawomir Krupa doit redorer le blason boursier de la Société Générale
- La BCE inflige une amende à Goldman Sachs
- L’alliance mondiale des assureurs «net zéro» fait pschitt
- Arnaud Llinas (Amundi ETF): «80% de notre collecte du premier trimestre s’est faite sur les ETF ESG»
- Carrefour s’apprête à supprimer 1.000 postes dans ses sièges en France
- Le pari gagnant d’UBS sur Credit Suisse laisse les actionnaires de marbre
- La succession d’Olivier Klein à la tête de la Bred se précise
- Casino obtient l’ouverture d’une procédure de conciliation avec ses créanciers
-
Classique
Présidence du Medef: Patrick Martin, le candidat du «produire plus»
Le candidat à la succession de Geoffroy Roux de Bézieux insiste sur la nécessité d'augmenter la croissance, moteur indispensable pour le pouvoir d'achat, l'emploi et les investissements vertueux au profit du climat -
Piège
Saint-Brévin: le RN rattrapé par l'activisme de l'extrême droite
Alors que les frontistes s'institutionnalisent, d'autres forces, comme Reconquête!, le parti d'Eric Zemmour, et des groupuscules ultra-radicaux, comme Civitas, veulent occuper le terrain et prendre la lumière -
Première étape
Bruxelles et Washington prêtes à établir des normes provisoires sur l’IA
L’UE et les Etats-Unis sont prêts à renforcer leur coopération en matière d’intelligence artificielle afin d’établir des standards minimaux avant la mise en place de législations en la matière, a déclaré mardi Margrethe Vestager, commissaire européenne à la Concurrence et responsable des questions de technologie au sein de l’UE