
La Place défend une régulation sur mesure pour les ICO
L’industrie financière s’intéresse de près à l’encadrement des Initial Coin Offerings (ICO). Avec environ 80 réponses, dont une quinzaine provenant de l’étranger, la consultation lancée fin octobre dernier par l’Autorité des marchés financiers (AMF) et ouverte moins de deux mois est un indéniable succès. La forte participation d’entreprises étrangères est également perçue comme un signe de l’intérêt porté à l’étranger à l’initiative du régulateur français, le seul à avoir adopté une approche aussi ouverte. Dans les réponses que L’Agefi a pu consulter, l’option privilégiée parmi les pistes envisagées par l’AMF pour encadrer ces levées de fonds d’un nouveau genre associe la mise en place d’un guide de bonne pratiques et d’un label facultatif délivré par l’Autorité des marchés, permettant de mettre en valeur les opérations les plus sérieuses.
Faire fuir les ICO de mauvaise qualité
Si la rédaction d’un guide de bonnes pratiques fait l’unanimité, son caractère plus ou moins contraignant a donné lieu à de vifs débats au sein de l’Association française des marchés financiers (Amafi), qui a rédigé sa réponse en collaboration avec le Labex Refi spécialisé dans la régulation financière, et de Paris Europlace. Les deux associations parviennent à une conclusion différente sur l’opposabilité du guide de bonne pratique, soutenue par Paris Europlace mais jugée inefficace et «porteuse d’un message négatif» par l’Amafi. «Rendre un contrôle de l’AMF toujours possible permet de faire fuir les ICO de mauvaise qualité», explique Hubert de Vauplane, président du comité blockchain d’Europlace. Pour limiter leur pouvoir de nuisance, l’Amafi préfère établir une «liste noire» des ICO ne répondant pas aux bonnes pratiques.
Les deux associations de Place se retrouvent sur la nécessaire qualification juridique des jetons (ou tokens), divisée entre les jetons assimilables à des titres financiers, dont les ICO se trouvent de fait dans le champ de la directive européenne prospectus, et les autres, soumis à la régulation spécifique envisagée par l’AMF. Dans ce dernier cas, Paris Europlace estime important de ne pas «enfermer ces tokens dans une qualification juridique spécifique et prédéterminée ou limitative». L’Amafi propose quant à elle d’introduire une catégorie «bien divers 3» au sein du Code monétaire et financier, «visant uniquement les émissions via une chaîne de blocs» ne répondant pas à un régime préexistant. Idéalement toutefois, l’Amafi propose une réglementation plus uniforme, recouvrant l’ensemble des ICO, dont la mise en pratique nécessite des évolutions législatives au niveau européen notamment.
Un rôle prépondérant pour l’AMF
Qu’il soit nécessaire d’en passer par une nouvelle loi ou non, la plupart des réponses préconisent un rôle prépondérant de l’AMF. «L’AMF est déjà compétente pour autoriser l’offre de titres financiers ou de biens divers, elle offre l’avantage de crédibiliser le visa et dispose de l’expertise pour l’attribuer», explique Faustine Fleuret, chargée d’études activités de marchés à l’Amafi. Sur la forme, l’Association française de gestion des cybermonnaies (AFGC) défend un label délivré par un organisme indépendant, avec toujours l’objectif de «signaler a minima les opérations qui répondent aux meilleurs standards de transparence», explique Karim Saaba, son trésorier. L’accent est souvent mis sur le «white paper» décrivant l’ICO, avec une certaine standardisation du formulaire. Outre des informations sur les porteurs de projets, les modalités de l’opération et son objectif, les émetteurs de jetons labellisés pourraient se voir astreindre à des obligations d’informations sur la poursuite de l’activité.
Prévoir ou non la possibilité de participer aux ICO sans passer par des cryptomonnaies, en acquérant les jetons directement avec de la monnaie fiduciaire, influence par ailleurs les obligations de lutte antiblanchiment. La plupart des réponses soulignent l’intérêt à restreindre les ICO aux cryptomonnaies achetées via des plates-formes d’échanges, déjà régulées en France et soumises aux exigences de lutte antiblanchiment. «Les plates-formes d’échange permettent d’écrémer les investisseurs non qualifiés», souligne Clément Francomme, président-fondateur de la start-up Utocat spécialisée dans les services financiers basés sur la blockchain. Pour éviter d’ouvrir les ICO les plus risquées à l’ensemble des particuliers sans pour autant les restreindre aux seuls professionnels, l’AFGC propose de créer un statut d’investisseur «qualifié technologiquement». L’opérateur d’ICO Chaineum défend au contraire une vision professionnalisée des ICO, où les porteurs de projets assument les risques liés aux exigences en matière de lutte antiblanchiment et peuvent ainsi accepter de la monnaie fiduciaire. «La conformité est importante mais il faut laisser de la souplesse, de la liberté aux porteurs de projets car certaines start-up ont besoin des fonds tout de suite», explique Laurent Leloup, président de Chaineum, qui a répondu à la consultation avec France Blocktech.
La fiscalité et les marchés secondaires restent à traiter
Des aspects complémentaires aux ICO sont évoqués à plusieurs reprises, de l’encadrement des marchés secondaires à la la fiscalité pesant sur les jetons – selon les modalités, elle peut atteindre jusqu’à 60% en France contre 0% en Allemagne – en passant par leur comptabilité, ces facteurs étant perçus comme déterminants pour l’attractivité de la Place de Paris. L’AMF seule ne pourra répondre à ces questions, mais «la volonté d’associer l’industrie aux réflexions du régulateur est la bienvenue, souligne Faustine Fleuret. On sent une forte détermination de l’AMF, et de l’ensemble des pouvoirs publics, d’être moteurs face aux nouvelles technologies financières».
L’AMF devrait publier d’ici la fin du premier trimestre un premier retour sur la consultation, préalable à un rapport plus complet, incluant des analyses économiques actuellement en cours, d’ici l’automne. L’accompagnement des porteurs d’ICO via le programme Unicorn, impliquant déjà une quinzaine de projets, doit également se poursuivre en parallèle de groupes de travail auxquels participe l’autorité aux niveaux internationaux et européens.
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Paris - Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu qui a entamé une série de rendez-vous avec les partenaires sociaux «n’a pas donné de position» sur le sujet des retraites, a déclaré vendredi la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon, au sortir d’une rencontre avec M. Lecornu à Matignon. «Il n’a pas donné de position sur ce qu’il allait donner comme suite sur le sujet des retraites», a déclaré Marylise Léon à la presse, en répétant que la CFDT était fermement opposée à une éventuelle réouverture du conclave lancé l’année dernière par François Bayrou, et qui avait échoué avant l'été. «Il n’y a pas eu de terrain d’atterrissage au moment de la fin du conclave, donc on ne reprend pas les discussions», a-t-elle estimé. S’agissant de la préparation du budget, Mme Léon a estimé qu’il était «hors de question que ce soit le monde du travail qui paye la question de la réduction des déficits». «Nous lui avons réaffirmé que nous étions plus que jamais motivés pour aller dans la rue, et que nous réussirons la mobilisation du 18 septembre», a-t-elle dit. M. Lecornu «n’a pas démenti qu’il pourrait y avoir un certain nombre d'éléments, de travaux, sur une contribution des plus hauts revenus», mais «selon quelles modalités, ça n’est pas encore complètement défini», a précisé Mme Léon. «Ce qu’attendent les travailleurs et les travailleuses, c’est qu’il y ait des preuves» de la «rupture» annoncée par le nouveau Premier ministre, «et qu’on puisse avoir une démonstration qu’il y a véritablement un changement de méthode», a-t-elle ajouté. La consultation des partenaires sociaux se poursuivra vendredi soir avec le Medef qui sera reçu à 19H45 par le nouveau Premier ministre. La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, sera elle, reçue lundi à 11H00 à Matignon puis la CFTC à 14H30 et les deux organisations patronales CPME et U2P, respectivement lundi à 17H00 et mardi à 11H00. © Agence France-Presse -
Londres : des hôtels accueillant des demandeurs d'asile pris pour cible par l'extrême droite
Londres - Dans la capitale britannique, plusieurs hôtels hébergeant des demandeurs d’asile ont été pris pour cible lors de manifestations anti-immigration, suscitant désormais la crainte de ceux qui y sont logés mais aussi de certains habitants. L’entrée de l’hôtel Thistle Barbican, qui héberge quelque 600 demandeurs d’asile dans le centre de la capitale, est bloquée par des barrières en acier et des planches de bois. «Je ne me sens pas en sécurité parce que les gens pensent que nous sommes leurs ennemis», déclare l’un d’eux à l’AFP, préférant rester anonyme. Cet homme originaire d’un pays africain y est logé depuis deux ans, pendant l’examen de sa demande d’asile, en vertu de l’obligation du gouvernement britannique de lui fournir un toit. Mais «ces deux derniers mois, les gens ont changé», dit-il, ressentant une hostilité croissante après les manifestations de l'été en Angleterre. Celles-ci ont démarré devant un hôtel d’Epping, au nord-est de Londres, où un demandeur d’asile qui y était hébergé a été accusé d’avoir notamment tenté d’embrasser une adolescente de 14 ans. Il a été condamné pour agressions sexuelles la semaine dernière. La colère a aussi enflé sur les réseaux sociaux, avec des publications accusant les migrants d'être logés dans des hôtels luxueux et de bénéficier d’avantages dont les Britanniques sont privés. «Je ne suis pas ici pour m’en prendre aux femmes ou aux enfants, mais pour obtenir une protection», défend le demandeur d’asile interrogé par l’AFP, regrettant que certains manifestants ne les considèrent pas «comme leurs égaux». Les résidents de l’hôtel ont «très peur maintenant», abonde Mo Naeimi, réfugié iranien de 29 ans qui y a lui-même été hébergé par le passé, et travaille pour une association aidant les demandeurs d’asile. À l’extérieur de l’hôtel, des manifestants ont peint les couleurs du drapeau de l’Angleterre - une croix rouge sur fond blanc - sur des murs ou des cabines téléphoniques. Ces dernières semaines, les étendards anglais et britannique ont essaimé dans le pays, une démonstration de patriotisme largement alimentée par l’extrême droite et liée à ces manifestations anti-immigration. Elles interviennent au moment où le gouvernement de Keir Starmer peine à endiguer les traversées clandestines de la Manche, avec plus de 30.000 arrivées de migrants sur des petits bateaux depuis début janvier. «Tension palpable» En face du Thistle Barbican, un commerçant d’origine pakistanaise, arrivé à Londres il y a 20 ans, a accroché le drapeau anglais dans sa vitrine. La raison: il veut protéger son entreprise et ses employés immigrés des manifestants, explique-t-il. «Je ne suis pas blanc, bien sûr que j’ai peur», confie cet homme de 45 ans à l’AFP. «Ils pourraient venir casser les fenêtres et nous attaquer à la place» des demandeurs d’asile, dit-il, ajoutant que ces derniers n’ont jusque-là posé «aucun problème». Dans l’est de la capitale, le quartier d’affaires de Canary Wharf a aussi été secoué par des manifestations après l’annonce en juillet que l’hôtel Britannia allait héberger des demandeurs d’asile. Lorsque Britt-Marie Monks, commerçante de 43 ans vivant à proximité, a appris la nouvelle, son «coeur s’est arrêté», raconte-t-elle à l’AFP. Cette mère de famille dit aussi bien se méfier des demandeurs d’asile logés que des personnes venant manifester leur colère devant l’hôtel, et elle «évite» désormais la route qui passe à côté. Andrew Woods, ancien conseiller municipal, juge que la présence de l’hôtel a «divisé» les habitants. En marge d’une manifestation, des affrontements ont éclaté avec la police dans un centre commercial haut de gamme du quartier d’affaires, conduisant à l’arrestation de quatre personnes. «C’est le dernier endroit où je m’attendrais que ça arrive», s'étonne Ziaur Rahman, expert en informatique qui vit et travaille à Canary Wharf. Pour Britt-Marie Monks, il s’agit principalement d’habitants frustrés qui voudraient que le gouvernement s’occupe de leurs problèmes en priorité. Mais Mo Naeimi craint que les demandeurs d’asile servent de boucs émissaires, à un moment où les conditions de vie se dégradent pour certains Britanniques. Samedi, l’activiste d’extrême droite Tommy Robinson organise à Londres une grande marche pour la défense de la «liberté d’expression», qui fait craindre que les hôtels hébergeant des demandeurs d’asile soient à nouveau ciblés. "Ça va s’intensifier», prédit Britt-Marie Monks, qui dit ressentir «une tension palpable» dans l’air. Akshata KAPOOR © Agence France-Presse