Bruxelles lève le voile sur les arrangements entre Dublin et Apple

Le géant a bénéficié d’aides fiscales. Mais l’issue de l’enquête, qui porte sur des dizaines de milliards de profits insuffisamment taxés, reste incertaine
Florence Autret, à Bruxelles

Les bénéfices de la filiale irlandaise d’Apple sont calculés sur «une base non scientifique», selon une conversation entre l’administration et le conseil fiscal du groupe rendue publique par la Commission européenne mardi. Ces informations, qui figurent dans une version expurgée de la lettre adressée en juin par le commissaire à la Concurrence aux autorités irlandaises, montrent que les coûts imputables à cette société étaient calculés sur une base amiable «afin de ne pas empêcher le développement des opérations en Irlande», autrement dit sous la menace d’un chantage.

Pour l’année 1989, les enquêteurs mettent en regard une taxation sur la base d’un profit de 30 à 40 millions d’euros, alors qu’un document comptable interne produit par Apple affichait un bénéfice de 270 millions de dollars (pour 751 millions de chiffre d’affaires). Bruxelles a en revanche expurgé l’essentiel des données chiffrées de la période 2004-2014, sur laquelle porte l’enquête.

Le gendarme européen de la concurrence met au jour un montage complexe qui avait déjà attiré l’attention des autorités américaines et permet la défiscalisation des profits réalisés hors des Etats-Unis. Il repose sur la filiale ASI (Apple Sales International), établie en Irlande en tant que société non-résidente, donc non sujette à l’impôt, laquelle transfère une part minime de ses résultats à sa branche irlandaise, qui n’a pas d’obligations comptables mais est l’entité imposable au regard du droit irlandais. Les enquêteurs cherchent à savoir si les prix de transfert utilisés correspondent à des conditions de marché normales, base sur laquelle ils pourraient établir l’existence d’une aide illégale et demander un remboursement des impôts non payés.

Ils relèvent que le chiffre d’affaires comptable d’ASI a été multiplié par 4 entre 2009 et 2012 (où il a atteint 64 milliards de dollars), alors que les coûts opérationnels utilisés dans le calcul du bénéfice imposable de la succursale irlandaise ne progressaient que de «10 à 20%». «A ce stade, l’augmentation des ventes ne peut être mise en relation avec une augmentation comparable des coûts, ce qui pourrait indiquer une incohérence dans l’allocation des profits aux activités irlandaises», indique le document.

Bruxelles ouvrira ce mois-ci une phase de consultation d’un mois et a demandé des informations à Dublin sur les pratiques de valorisation des droits de propriété intellectuelle au sein du groupe. La durée maximale usuelle de ses enquêtes est de dix-huit mois.

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