
Les entreprises saluent le dispositif anticorruption Sapin 2

Les entreprises se félicitent de la création d’un dispositif de transaction pour les affaires de corruption. Contenu dans le projet de loi dit « Sapin 2 » qui devrait être présenté à la fin du mois de mars en conseil des ministres, ce dispositif leur permettrait d’éviter des procédures pénales aussi longues que dommageables pour leur réputation et de redorer l’image de la France en matière de lutte contre la corruption.
Selon une version du projet consulté par l’Agefi, le dispositif de « convention de compensation d’intérêt public », permet au procureur de la République de proposer aux entreprises mises en cause dans des affaires de corruption de verser au Trésor une amende et/ou de se soumettre pour un maximum de trois ans à un programme de mise en conformité. «Cela fait gagner du temps par rapport à la procédure pénale », se satisfait Joëlle Simon, en charge de la direction du droit de l’entreprise au Mouvement des entreprises de France (Medef).
Une remise à niveau de la France
Pour éviter aujourd’hui un procès, les entreprises peuvent déjà opter pour le « plaider-coupable » mais elles rechignent à le faire dans la plupart des cas de peur d’être mises à l’index et de ne plus avoir accès à certains marchés. « Un pas est franchi avec l’instauration d’une véritable transaction qui est négociée avec les parties et qui ne suppose pas de reconnaissance de culpabilité. Par rapport au dispositif que nous connaissons, c’est un changement décisif », explique Joëlle Simon.
« C’est quelque chose de novateur en droit pénal français qui nous met au niveau des standards internationaux », poursuit la représentante du mouvement patronal. Des dispositifs similaires existent déjà à l’étranger notamment en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, pays qui figurent en tête des classements de l’OCDE pour la lutte contre la corruption. La France au contraire est souvent pointée du doigt pour le peu de condamnations prononcées dans des affaires de corruption alors que plusieurs entreprises tricolores ont dû s’acquitter d’amendes auprès des autorités américaines.
Les entreprises espèrent que le dispositif de transaction pénale permettra d’effacer cette image de laxisme. « L’objectif c’est d’être à armes égales [avec les Américains] et de garder le dossier chez nous plutôt que de le laisser partir aux Etats-Unis », explique ainsi Joëlle Simon. « Il faut être lucide sur le fait que ce n’est pas une garantie face aux autorités américaines. Celles-ci continueront probablement à agir comme par le passé, même si la justice française agit également de son côté », relativise cependant Bruno Quentin, avocat chez Gide.
Des amendes jugées élevées
Satisfait dans l’ensemble du nouveau dispositif, le Medef espère cependant qu’il sera modifié lors de la discussion budgétaire. «Nous trouvons que le plafond [de sanction] est trop élevé », explique Joëlle Simon. Le projet de loi prévoit que les amendes devront être proportionnelles « aux avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30% du chiffres d’affaires annuel ». «Il faut qu’il y ait une possibilité d’amende forte. Sinon, cela ne remplira pas un des objectifs de la loi Sapin qui est de crédibiliser la répression anticorruption en France », souligne Charles-Henri Boeringer, avocat chez Clifford Chance.
Le projet limite aussi la convention de compensation d’intérêt public aux personnes morales. « Je pense qu’il y a une vraie difficulté du fait que les personnes physiques en soient exclues. Il faut les inclure mais c’est compliqué en termes politiques », estime Caroline Diot, avocate chez Altana. Selon elle, il pourrait, en l’état, y avoir des poursuites au pénal à côté de la transaction ce qui réduirait son intérêt. Pour Joëlle Simon du Medef, l’extension du dispositif aux personnes physiques «fait partie des sujets qui sont sur la table et qui doivent être approfondis ».
Des obligations de prévention
Le projet de loi Sapin 2 prévoit aussi la création d’une agence de prévention et de détection de la corruption qui aura notamment la charge de veiller à ce que les entreprises ayant des comptes consolidés ou les dirigeants de sociétés dont le chiffre d’affaires dépasse 100 millions d’euros ont bien mis en place des programmes de prévention de la corruption. L’agence sera dotée d’une commission des sanctions. Celle-ci pourra infliger des amendes de 200.000 euros pour les personnes physiques et de 1 million d’euros pour les personnes morales qui manquent à ces obligations. « En rentrant dans le détail, nous regrettons que le texte s’appuie sur une approche essentiellement répressive », estime Joëlle Simon.
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« Aucun regret » : les manifestants népalais blessés fiers d'avoir porté le changement
Katmandou - Le 8 septembre, l’étudiant Aditya Rawal a vu 14 personnes tomber devant lui sous les balles de la police près du Parlement népalais où il manifestait contre le blocage des réseaux sociaux et la corruption du gouvernement. Il s’est précipité, les mains en l’air, pour aider l’un de ses camarades quand il a été lui-même atteint à un bras et au ventre. «J’avais entendu quelque part qu’en levant les deux mains, ils ne nous tireraient pas dessus», raconte à l’AFP ce jeune spécialiste de marketing numérique de 22 ans, depuis son lit d’un hôpital de la capitale Katmandou. «Mais j'étais leur cible», ajoute-t-il. Ce lundi-là, Aditya Rawal avait rejoint le cortège de milliers de jeunes, réunis sous la bannière de la «Génération Z», qui dénonçaient un gouvernement à leur yeux corrompu et incapable de satisfaire leurs exigences, notamment en matière d’emploi. Plus de 20% des jeunes Népalais de 15 à 24 ans sont au chômage, selon les estimations de la Banque mondiale. «Il y avait eu beaucoup de manifestations auxquelles participaient des personnes plus âgées, mais lors de la nôtre, ils ont eu recours à des armes à feu», se désole-t-il. Au lendemain de la manifestation, la colère s’est prolongée dans les rues de la capitale, où les principaux symboles du pouvoir - Parlement, bâtiments gouvernementaux, résidences d'élus - ont été incendiés ou détruits. Selon le dernier bilan officiel, ces émeutes, les plus graves depuis l’abolition de la monarchie au Népal en 2008, ont fait au moins 72 morts. Et 191 blessés étaient encore hospitalisés dimanche, comme Aditya Rawal. Le Premier ministre KP Sharma Oli n’a eu d’autre choix que de démissionner, remplacé vendredi par l’ex-cheffe de la Cour suprême Sushila Kalki, 73 ans, à la tête d’un gouvernement provisoire jusqu’aux élections prévues le 5 mars 2026. «Du courage» L’infirmière Usha Khanal, 36 ans, raconte avoir soigné des blessés avec des gants «imbibés de sang» au milieu des gaz lacrymogènes tirés à proximité par les forces de l’ordre. L’hôpital public de Katmandou a admis 458 manifestants blessés, six y sont morts dont quatre âgés de moins de 30 ans. «Nous voulons un gouvernement transparent, sans corruption et pas une dictature», met en garde Aditya Rawal. «S’il n’y a pas de changement, nous avons encore le temps de nous battre.» La cousine d’Aditya Rawal, Puja Kunwar, 20 ans, reste à son chevet depuis lundi. «Il a agi pour notre pays», assure la jeune femme, «cela me donne vraiment du courage». Dans le même service, Subash Dhakal, un manifestant de 19 ans grièvement blessé aux genoux, a été informé par ses médecins. Il devra rester alité pendant six mois. Les sacrifices des victimes «ne doivent pas être vains», souligne-t-il. «Ce que nous avons fait a fait tomber le gouvernement et permis d’en nommer un autre (...) nous ne voulons pas que le pays retourne en arrière». Sa mère enseignante dans une école publique, Bhawani Dhakal, 45 ans, lui avait donné de l’argent pour rejoindre en bus les manifestations depuis leur ville natale, à 30 km de Katmandou. Elle raconte avoir elle-même manifesté, il y a quelques mois, avec des collègues contre un projet de loi sur l'éducation. Sans résultat. «C’est incroyable qu’ils aient réussi à susciter un tel changement en seulement vingt-quatre heures», se félicite-t-elle. «Nos enfants ont fait partir tous les dirigeants corrompus.» Subash Dhakal est tout aussi fier. «Je n’ai aucun regret,» affirme-t-il. «Je ne l’ai pas fait que pour moi mais pour tout le monde, de ma famille à tous les frères. La douleur (de ma blessure) est éphémère, elle aura surtout permis des changements». Glenda KWEK and Anup OJHA © Agence France-Presse -
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