
Les crises géopolitiques ont un impact limité sur les actions

L’attentisme reste de mise sur les marchés financiers face au conflit israélo-palestinien. En dehors des pics de volatilité à chaque de veille de week-end, dans la crainte que l’Etat hébreu ne mette à exécution sa menace d’une opération terrestre à Gaza, la baisse des actions est jusque-là restée limitée. Elle semble même davantage liée à la récente correction sur les taux longs qu’aux inquiétudes des investisseurs sur une escalade du conflit dans la région.
Depuis l’attaque du Hamas en Israël, le recul des places boursières est de l’ordre de 2% à 3%. L’Europe baisse davantage (-2,7% pour l’indice Stoxx 600) que Wall Street (-2,3% pour le S&P 500). La Bourse de Londres fait preuve d’une plus grande résistance et ne recule que de 1,4%, aidée par la forte pondération des valeurs des secteurs de l’énergie et des matières premières, car l’or et le pétrole affichent les plus fortes progressions depuis le début du conflit. La Bourse de Tokyo résiste davantage encore, de même que certaines actions des marchés émergents (+0,7% pour l’indice Bovespa au Brésil). Les actions chinoises (-4,5%) affichent l’une des plus fortes baisses depuis le début du conflit, mais pour des raisons domestiques.
Résistance malgré les risques
La bonne résistance des places boursières est d’autant plus étonnante qu’elle intervient dans un contexte où le risque géopolitique était déjà élevé, avec la guerre en Ukraine et les tensions entre les Etats-Unis et la Chine. Dès lors, pour de nombreux observateurs sur les marchés, l’une des meilleures couvertures face à ce risque, en outre peu coûteuse, est d’avoir un portefeuille diversifié avec des positions sur le long terme. «Les événements politiques et géopolitiques sont imprévisibles, relèvent les stratégistes d’UBS WM. Certaines couvertures peuvent s’avérer coûteuses une fois l'événement à risque passé. Et un ajustement de ces couvertures peut être complexe dans des marchés en évolution rapide. Une autre approche consiste à maintenir un portefeuille diversifié dans toutes les classes d’actifs, régions et zones géographiques.»
De fait, l’histoire boursière montre qu’après un premier ajustement au moment où le conflit est déclenché, avec un pic de volatilité, les actions ignorent les conflits géopolitiques et ont tendance à récupérer rapidement leurs pertes. «Un dicton boursier dit qu’au son des canons, il faut acheter les marchés boursiers», rappelle John Plassard, stratégiste chez Mirabaud. Si graves que soient les escalades, le passé montre que les impacts sur les fondamentaux de l'économie américaine ou sur les bénéfices des entreprises ont été très limités, explique-t-il. Au cours des deux guerres mondiales au vingtième siècle, les actions américaines ont enregistré un gain combiné de 115%.
Il n’y a toutefois pas de règle. La perte maximale lors de différents conflits majeurs depuis 1940 va de -20,3% après Pearl Harbor en 1941 à -1,6% après la guerre des Six Jours en 1967. Il en est de même pour le nombre de jours avant le point bas ou celui jusqu’au retour au niveau qui prévalait avant le conflit. Toutefois, une constante est la reprise assez rapide du marché. Les analystes de Deutsche Bank calculent qu’il a fallu en moyenne trois semaines pour atteindre le plancher et trois autres pour revenir au point de départ, avec une baisse médiane de 5,7%.
L’exception des récessions
Surtout, les actions affichent des gains parfois substantiels au bout d’un an. «Si les conflits militaires mettent à l'épreuve la détermination des investisseurs à respecter leur plan d’investissement, l’histoire montre que ces événements n’ont pas fait dérailler la croissance à long terme des marchés financiers. C’est pourquoi il est essentiel que les investisseurs conservent leur perspective à long terme», relève Brian Levitt, stratégiste marchés mondiaux chez Invesco. Ce dernier a calculé que lors des pics de l’indice de risque géopolitique pendant dix événements intervenus depuis les années 1960, le S&P 500 avait nettement rebondi un an après. Selon les analystes de Deutsche Bank, la hausse médiane six et douze mois après les différents événements recensés depuis la Deuxième Guerre mondiale a été de 6,5% et 13%.
Et cette résilience a pu s’accentuer lors des périodes récentes. «Ces dernières années, les marchés ont été conditionnés à ne pas réagir de manière excessive aux chocs politiques et géopolitiques pour deux raisons, ajoute John Plassard. Premièrement, la conviction qu’il n’y aurait pas d’intensification ultérieure significative du choc initial, et deuxièmement, que les banques centrales étaient prêtes et capables de réprimer la volatilité financière.»
L’étude de l’impact sur les marchés actions des événements passés montre toutefois qu’en deux occasions, la reprise n’a pas été systématique : en 1973 après la guerre du Kippour et en 2001 après les attentats du 11 septembre. Dans les deux cas, en période de récession. «La guerre du Kippour en 1973 a été suivie d’une grave récession et d’une forte baisse des marchés, souligne Brian Levitt. Cette situation peut inquiéter les investisseurs en raison des similitudes avec le conflit actuel, mais il existe des différences très importantes.» La récession avait été alimentée par l’embargo sur le pétrole, or les Etats-Unis sont aujourd’hui indépendants de ce point de vue. Par ailleurs, l’inflation a déjà passé son pic, alors qu’elle avait été déclenchée par cet événement, il y 50 ans. Enfin, la Fed est aujourd’hui crédible pour les marchés, avec des anticipations d’inflation ancrées, contrairement à l’époque.
«Il faut évidemment être vigilant, affirme Alberto Matellan, chef économiste chez Mapfre AM. Les conflits géopolitiques, les guerres, les attentats ou les catastrophes naturelles génèrent tous un problème spécifique et ponctuel, dans la mesure où ils sont limités dans le temps. Il reste à voir si le conflit (israélo-palestinien) représente un changement fondamental en termes de performances économiques ou non, et ce n’est que dans ce cas que cela entraînerait un changement dans le portefeuille. Pour le moment, nous n’avons aucune information qui le laisse entendre.»
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