
Courtepaille est pris en otage dans une bataille de fonds actionnaires
Dans le dossier Courtepaille, Fondations Capital et ICG sont au moins d’accord sur un point: la chaîne de restaurant de grillades, rachetée en 2011 pour 245 millions d’euros, porte une dette lourde et chère. Pour le reste, comme l’avait révélé L’Agefi le 15 avril, les deux fonds se disputent publiquement le contrôle du groupe. La bataille est emblématique des relations musclées entre actionnaires et créanciers d’un LBO qui n’a pas tenu ses promesses.
Actionnaire à 9,87% de GPA Courtepaille, la holding de tête de la chaîne, et surtout seul créancier avec une dette unitranche de 160 millions d’euros, ICG a dégainé début avril. Du fait d’un bris de covenant à fin 2014, le fonds a fait jouer le nantissement dont il bénéficiait sur les actions de la holding luxembourgeoise qui porte les 53% de Fondations Capital dans GPA. Il a aussi fait main basse sur les 21,94% du CM-CIC. Les salariés et dirigeants (15,12%) y échapperaient. La prise de contrôle a été notifiée à l’Autorité de la concurrence. Dans la foulée, le conseil de surveillance de GPA a élu à sa présidence Benoît Durteste, le responsable des activités françaises d’ICG, en lieu et place de Xavier Marin, patron de Fondations Capital.
Ce dernier a aussitôt contesté les deux décisions: au Luxembourg, pour bloquer le transfert des titres, et au tribunal de commerce d’Evry, qui a suspendu provisoirement les décisions du conseil. Des audiences se tiennent aujourd’hui à Evry et le 4 mai à Luxembourg. Le CM-CIC a engagé sa propre procédure, en France.
Chez Fondations Capital, on crie au hold-up. Le 30 mars, l’actionnaire majoritaire avait signé avec ICG un protocole qui lui laissait dix mois de plus pour trouver une solution afin d’alléger la dette de Courtepaille. Faute d’accord des autres actionnaires sur ce texte, ICG aurait subitement tourné casaque. Fondations Capital, défendu par Jean-Pierre Martel, l’accuse d’avoir prétexté le non-respect, à fin 2014, du covenant de dette (un plafond de dette nette de 6,5 fois l’Ebitda), pour tenter de s’emparer de la chaîne de restaurants. Tout en continuant à se payer via la dette unitranche dont la marge, renchérie par les bris de covenants, atteindrait 14%. Les intérêts, en grande partie capitalisés, l’ont fait grossir jusqu’à 190 millions.
L’entreprise n’a pas pu tenir son plan d’affaires de 2011, en raison notamment des hausses de TVA et de la récession en France, mais elle demeure rentable. Son Ebitda 2014 s’est élevé à 28 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires groupe de 225 millions, qui atteint 288 millions en incluant les restaurants sous enseigne. Cette année, le budget, voté aussi par ICG, prévoit un Ebitda de 32,5 millions. Avant service de la dette, la société dégagerait 20 millions de cash en 2015.
Courtepaille, une belle proie victime d’un fonds vautour ? La réalité est un peu plus complexe. Dès 2013, il apparaît que le groupe risque de casser ses covenants en fin d’année. Un autre minoritaire, Salvepar, jette l’éponge et revend ses parts au CM-CIC, déjà présent au capital. Mi-2013, puis fin 2013, le conseil de surveillance est formellement saisi du problème. ICG se dit alors prêt à participer à une recapitalisation du groupe, si Fondations Capital et le CM-CIC se mettent d’accord.
Mais début 2014, Fondations Capital annonce son souhait de refinancer la dette de la chaîne, sans injecter d’equity. Puis il recrute, seul, en mai, un nouveau patron pour la société, Vincent Quandalle, issu de McDonald’s, ce qui retarde le processus de refinancement. Fondations Capital cherchera ensuite à lever 180 millions d’euros de dette, un levier encore très élevé. Fin 2014, avec un conseil externe, une autre solution aurait été envisagée: une nouvelle dette senior, autour de 130 millions, ce qui supposerait d’injecter plus de 50 millions d’euros de fonds propres.
Cette idée n’aura aucune traduction. Par manque de temps ? En novembre, ICG a pourtant accordé un waiver jusqu’au 15 mars 2015, par lequel il renonce au remboursement anticipé de sa créance si les covenants sont cassés. Par manque d’argent ? «Depuis deux ans, Fondations Capital n’a jamais pu ou voulu injecter d’equity, affirme un bon connaisseur du dossier. Ce serait reconnaître la perte de valeur de son plus gros investissement». Le fonds LBO assure de son côté être capable aujourd’hui de recapitaliser GPA, avec de mystérieux co-investisseurs. Sans qu’une offre concrète ait jamais été mise sur la table.
Les tribunaux diront qui de Fondations Capital ou d’ICG a raison sur le terrain du droit. Mais quelle que soit l’issue du conflit, et même si ses résultats s’améliorent, le spécialiste de la grillade ne pourra faire l’économie de ce refinancement.
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Paris - Une photographie de l’exposition aux pesticides: les riverains des vignes sont plus imprégnés que les autres Français, démontre une étude nationale inédite, dévoilée lundi par deux agences sanitaires, sans déterminer à ce stade les impacts potentiels sur la santé. Très attendue, dans un contexte d’inquiétudes croissantes mais aussi de tensions avec une partie du monde agricole, l'étude PestiRiv a mesuré la présence de 56 substances dans l’urine et les cheveux de 1.946 adultes et 742 enfants, ainsi que dans l’air extérieur, les poussières et l’air des habitations, plus quelques potagers. D’une ampleur inédite, elle a porté en 2021-2022 sur 265 sites dans six régions viticoles (Grand Ouest, Bourgogne Franche-Comté, Auvergne Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine). Ce travail de Santé publique France et de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a aussi recherché d’autres sources d’exposition potentielles (alimentation, modes de vie). «Cohérents» avec ceux d'études aux Etats-Unis et aux Pays-Bas, selon les deux agences, les résultats montrent que les riverains des vignobles «sont plus exposés aux produits phytopharmaceutiques (fongicides, herbicides, insecticides ndlr) que ce(ux) vivant loin de toute culture». Ils ont été communiqués aux parties prenantes (exploitants, élus locaux, ONG...) La majorité des substances, spécifiques à cette culture (folpel, métirame) ou pas (glyphosate, fosétyl-aluminium, spiroxamine...), ont été retrouvées près des vignes - culture choisie pour sa forte consommation de ces produits et sa proximité des habitations. Enfants plus imprégnés Dans les zones viticoles (à moins de 500 mètres) ont été retrouvés des niveaux de contamination parfois supérieurs de «45% dans les urines», «plus de 1.000% dans les poussières», «12 fois» plus grands dans l’air ambiant, comparé aux zones à plus d’un kilomètre de toute culture, a détaillé à la presse Clémence Fillol (SpF). En période de traitement des cultures, les «niveaux de contamination pouvaient augmenter de jusqu'à 60% dans les urines ou selon les pesticides mesurés», de «plus de 700% dans les poussières, jusqu'à «45 fois dans l’air ambiant», a-t-elle poursuivi. Deux facteurs principaux sont apparus dans cette exposition: elle augmente avec la quantité de pesticides épandue et diminue avec l'éloignement des vignes, a précisé Ohri Yamada (Anses). La durée d’aération du logement et du temps passé à l’extérieur jouent aussi, dans une moindre mesure. Les enfants de 3 à 6 ans étaient plus imprégnés, car «davantage en contact avec le sol» ou portant les mains à leur bouche, «par leur apport alimentaire aussi», a précisé Mme Fillol. Les moins de trois ans n’ont pas été inclus, les scientifiques invoquant des difficultés concrètes (recueil d’urine...). Et trop peu de viticulteurs et ouvriers agricoles ont participé pour établir une imprégnation spécifique. Autre limite: les chercheurs n’ont pas pu accéder aux «données réelles d’utilisation des produits phytopharmaceutiques», et ont dû employer «une méthode très complexe et très chronophage» pour reconstituer les quantités de pesticides épandues. Surtout, cette photographie n'évalue pas les effets de ces expositions sur la santé. «Nous ne disposons pas aujourd’hui de lien entre les niveaux d’imprégnation retrouvés et des éléments cliniques en santé humaine», notamment sur des cancers, a résumé Benoît Vallet, directeur général de l’Anses. D’autant que d’autres expositions environnementales (métaux lourds, particules fines, etc) peuvent influer. Cette étude «ne prétend pas répondre à toutes les questions», a souligné Caroline Semaille, directrice générale de SpF, et «d’autres grandes enquêtes avec l’Anses viendront compléter ses premiers résultats». Même si les niveaux d’exposition ne dépassent pas ceux anticipés dans les autorisations de mise sur le marché (AMM) de pesticides, les agences recommandent, par précaution, de «réduire au strict nécessaire le recours aux produits phytopharmaceutiques», avec notamment une application «ambitieuse» de la stratégie Ecophyto. Autre préconisation: informer les habitants avant les traitements pour qu’ils puissent adapter leur comportement: se déchausser en rentrant chez soi, nettoyer le sol, sécher le linge à l’intérieur, etc. «Cette étude confirme nos craintes», a commenté à l’AFP François Veillerette, porte-parole de Générations futures, inquiet du «peu d’empressement (de l’Etat ndlr) à relancer le plan Ecophyto», qui prévoit de diminuer par deux l’usage des pesticides d’ici 2030. L’ONG appelle à élargir les zones sans traitement (actuellement 10 mètres pour la vigne) et à accélérer la conversion au bio. Le Comité national des interprofessions des vins (CNIV) a insisté sur une amélioration des pratiques du secteur depuis dix ans, appelant aussi les fabricants de pesticides à faire évoluer leurs produits. Rébecca FRASQUET © Agence France-Presse