
VIE : missionnés pour l’international

« Nous recevons chaque année 30.000 candidatures pour 350 à 400 postes de VIE à pourvoir. Il y a cinq ans, le nombre de postulants ne dépassait pas les 20.000… » Ce propos d’Hélène Krief, directrice du recrutement et de la mobilité du groupe Société Générale, illustre l’appétence grandissante des jeunes pour le volontariat international en entreprise (VIE), un dispositif qui permet aux étudiants et jeunes diplômés âgés de 18 à 28 ans de partir en mission à l’étranger pour une durée qui oscille entre six et vingt-quatre mois. « Les VIE représentent même 10 % des candidatures que nous recevons pour l’ensemble du groupe, ce qui est énorme », ajoute Hélène Krief. Sûrement la rançon du succès, puisque la Société Générale, avec ses 630 VIE en poste aux Etats-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne, au Luxembourg, en Asie et en Afrique, se révèle le premier pourvoyeur de VIE en France, tous secteurs d’activités confondus.
Tous les métiers
Même engouement chez Amundi, qui n’a aucun mal à pourvoir la douzaine de postes de VIE proposés chaque année en Chine, à Singapour, au Japon, à Hong Kong, au Luxembourg ou au Canada. « Ces missions sont de plus en plus recherchées, car le marché du CDI s’est sensiblement durci ces dernières années pour les jeunes diplômés, observe Nathalie Rauhoff, responsable du développement RH et de la gestion des talents chez Amundi. Ils sont donc de plus en plus nombreux à se tourner vers ce dispositif, qui offre une formidable occasion de vivre une expérience à l’international en début de carrière. » Une opportunité qui concerne tous les métiers et de nombreuses destinations. Caceis, filiale du Crédit Agricole, accueille par exemple près de 70 VIE en Europe (Allemagne, Belgique, Irlande, Suisse, Royaume-Uni et Luxembourg). « Nous proposons des missions en front office, mais aussi dans toutes nos fonctions support : le risque, la conformité, l’informatique, le marketing, les RH, l’organisation, la gestion de projet… », souligne Anne-Catherine Loiseau, DRH de Caceis Bank Luxembourg Branch.
Paul Padiou, 24 ans, a saisi cette possibilité de débuter sa carrière à l’étranger avant la fin de ses études, à Centrale Lyon. « J’ai appris que des étudiants des promotions précédentes avaient effectué un VIE à la place de leur stage de fin d’études. J’ai décidé de tenter ma chance, car j’avais beaucoup apprécié mon année passée en échange universitaire en Australie pour décrocher un Master en mathématiques financières. » Etudiant en théorie de la mesure, une branche des mathématiques très prisée en finance, Paul Padiou concentre ses recherches sur les salles de marché, des banques. Une stratégie fructueuse : en avril 2018, il est retenu par Natixis AM pour un poste d’IT Quant sur le desk equity à New York.
Gauthier Saint Olive, 26 ans, a pour sa part décroché un VIE fin 2015 chez Amundi AM à Hong Kong, dans la foulée de son stage de fin d’études au sein de l’équipe d’investissements parisienne du gestionnaire d’actifs. « Mon manager m’avait annoncé qu’il ne pourrait pas me recruter à cause du gel des embauches lié à l’introduction en Bourse, raconte-t-il. Je lui ai alors fait part de mon envie de retourner en Asie. J’avais passé un an en Corée du Sud pendant ma dernière année de Bachelor à l’Ieseg School of Management, et six mois en Thaïlande pendant mon année de césure. J’y avais fait de l’humanitaire dans des camps abritant des réfugiés karens, un peuple persécuté en Birmanie. Quelques jours plus tard, il me proposait de partir à Hong Kong en VIE pour devenir l’assistant du chief operating officer (COO). J’ai sauté sur l’occasion. »
Convoitises
Pour sélectionner les heureux élus parmi le flux de candidats qui se bousculent au portillon, les DRH appliquent des processus de recrutement spécifiques. Pour espérer boucler ses valises, un bac+5 et un bon niveau en anglais sont des prérequis indispensables. Une première expérience à l’international acquise lors d’un stage ou d’un semestre d’études à l’étranger constitue un plus. « Le spectre des profils que nous recrutons en VIE se révèle plus ouvert que pour les stages et l’alternance où nous avons tendance à nous concentrer sur les « grandes écoles » , confie Hélène Krief. Tous les diplômés d’écoles de commerce et d’ingénieurs et les universitaires titulaires d’un bac + 5 peuvent postuler depuis la plateforme Civiweb de Business France [Agence dédiée à l’internationalisation de l’économie française, qui a en charge le VIE, NDLR] ou sur notre site de recrutement. »
Si ce programme suscite autant de convoitises chez les jeunes, c’est aussi parce qu’il offre une forme de sécurité aux volontaires qui voient leur rémunération et leur protection sociale prises en charge par Business France (voir encadré p. 39), les entreprises s’engageant à les accompagner pour faciliter leur intégration et la réussite de leur mission. « Lorsqu’un nouveau VIE nous rejoint, nous lui fournissons un ‘welcome pack’ avec des adresses utiles : administrations, agences immobilières…, explique Anne-Catherine Loiseau. Nous le mettons aussi en contact avec les VIE en fin de mission qui s’apprêtent à quitter leur appartement. Nous réunissons enfin toutes nos recrues deux fois par mois le jeudi soir pour des afterworks qui facilitent l’intégration. »
Intégration
Paul Padiou n’a rencontré aucun problème à son arrivée à New York. « J’ai tout de suite trouvé une colocation dans l’Upper West Side. Je l’ai quittée au bout de deux mois pour en rejoindre une autre, moins chère, dans une vieille usine à Brooklyn que je partage avec huit personnes de nationalités différentes. » Sa phase d’intégration professionnelle s’est déroulée sans accroc. « Les trois premiers mois, je me suis formé aux outils propriétaires et aux spécificités des marchés à New York. Et dès le deuxième trimestre, on m’a confié les mêmes responsabilités qu’aux deux autres IT Quant de l’équipe. » Gauthier Saint Olive s’est, lui aussi, rapidement retroussé les manches lors de sa deuxième mission en tant que VIE. « Après avoir assisté le COO pendant un an, j’ai été recruté comme assistant par la spécialiste produits des actions asiatiques. Trois mois plus tard, celle-ci a changé d’équipe. Je me suis donc retrouvé en première ligne auprès des trois gérants de portefeuille sur les stratégies actions d’Amundi en Chine, à Hong Kong et en Inde. »
Gauthier Saint Olive s’est bien acclimaté à sa nouvelle vie dans l’ancienne colonie britannique. Son intégration a été facilitée par la présence des 30.000 Français résidant à Hong Kong. « Dans des quartiers comme Sheung Wan , vous avez même l’impression d’être un peu à Paris. Il y a plein de boulangeries, de fromageries, de crêperies… », explique le jeune homme. Paul Padiou savoure lui aussi tous les jours sa vie new-yorkaise. « Le jour, je travaille à Manhattan dans une ambiance qui, contrairement à ce que l’on pourrait penser, est très décontractée. Le soir, je change complètement d’univers : Brooklyn est un quartier très bohème, avec beaucoup de bars, de restaurants, de galeries d’artistes indépendants… »
Mais sa mission se termine en avril prochain. Alors, lorsqu’on l’interroge sur la suite qu’il compte donner à sa carrière, Paul Padiou formule déjà un regret. « A cause de la réglementation sur les visas, je ne pourrai pas rester en poste à New York comme je l’aurais souhaité. J’aimerais donc enchaîner par une autre expérience internationale, rejoindre, par exemple, Natixis à Londres. » A la fin de son VIE en décembre 2017, Gauthier Saint Olive a, de son côté, vu son poste transformé en contrat local. Après trois années passées à Hong Kong, il aimerait aujourd’hui se rapprocher de la France. « Je suis actuellement en discussion pour un potentiel transfert à Londres, car le hub qui gère les stratégies actions sur les marchés émergents a été transféré à la City. »
A la Société Générale, 50 à 70 % des volontaires internationaux sont embauchés en CDI à la fin de leur contrat, soit en contrat local soit dans une des entités du groupe en France. « Les VIE constituent, au même titre que les stages et l’alternance, un levier de pré-recrutement d’excellence, reconnaît Nathalie Rauhoff d’Amundi. Cette expérience développe des qualités que l’on recherche chez tout bon candidat : le dynamisme, la créativité, l’adaptabilité, l’ouverture d’esprit, la capacité à s’exposer et à repousser ses propres limites. Mais aussi à apporter un nouveau regard et à challenger les processus en place. »
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