
« Une banque paneuropéenne : le modèle est là et déjà établi »

A l’issue de « Transform 2019 », vous présenterez un nouveau plan, le 3 décembre à Londres. Quels en sont les fondements ?
La stratégie de la banque se construit dans le temps, pour les clients. Nous avons une équipe de management remaniée, qui va mettre au point et exécutera le nouveau plan. Chacun a changé de fonction pour augmenter ses expertises. Tous sont en binôme (co-head) : l’équipe apprend ainsi à travailler ensemble, avec les métiers et les pays. Cette organisation doit aussi permettre de préparer ma succession.
La croissance des revenus doit être raisonnable, en ligne avec la croissance nominale européenne, soit 1,5 % à 2 % selon nos projections. Globalement, les profils de risque sont plus bas, avec une taille de bilan réduite. Le modèle vers lequel pousse le régulateur ramène aux années 1970. Celui d’UniCredit est une banque commerciale paneuropéenne simple, avec une BFI (Banque de financement et d’investissement, NDLR) totalement intégrée, qui sert un réseau unique en Europe de l’Ouest, centrale et orientale, sous une seule marque pour 26 millions de clients. Ces cinq dernières années, UniCredit a cessé des activités trop complexes qui ne correspondaient plus aux demandes des clients. Les nouveaux produits dérivés, c’est le cash management !
La gestion d’actifs et le courtage actions seraient de celles-là ?
Non. Depuis mon arrivée chez UniCredit, je tends vers une simplification, pour deux raisons. Tout d’abord réduire les coûts en abandonnant des activités complexes, comme les produits structurés de crédit. Ensuite, rechercher la taille critique, comme dans la cession du courtage actions à Kepler Cheuvreux : une sorte de fusion synthétique avec plus de quatre banques utilisant maintenant cette plate-forme. En transférant son activité, le groupe bénéficie d’un des plus gros distributeurs européens tout en continuant à originer les dossiers. Dans le cas de la gestion d’actifs, avoir vendu Pioneer à Amundi nous permet d’offrir une gamme de produits plus large et plus compétitive à nos clients, avec des coûts de production bien moindre, tout en gardant la même structure de commission pour nos réseaux.
Les cessions, dont celles de Pioneer et de Pekao en Pologne, ont-elles changé le profil d’activité ?
En résultat net 2018, la banque commerciale d’Europe centrale et orientale reste la plus profitable (1,73 milliard d’euros), suivie par l’Italie (1,32 milliard). La BFI aurait dû atteindre 1,2 milliard d’euros de résultat hors exceptionnels (897 millions d’euros publiés). Elle est totalement intégrée aux autres activités, pour les servir. Et son coefficient d’exploitation (coex) n’est que de 41 %.
Devez-vous encore réduire les coûts pour atteindre certains objectifs 2019 ?
Le coex du groupe s’élève à 54,2 % en 2018. L’objectif 2019 se situe entre 52 % et 53 %. L’évolution des taux n’est pas neutre. Avec un taux à zéro en Allemagne, notre coex (69 % en 2018) se réduit mécaniquement de dix points. Nous confirmons nos objectifs 2019 et en avons même déjà dépassé certains. C’est le cas pour la baisse de 20 % du nombre de salariés : nous dépasserons notre objectif de 14.000 postes en moins, en gérant le turn-over de manière dynamique. C’est le cas aussi pour la baisse de 25 % du nombre d’agences : presque 1.000 au total, dont 813 en Italie. A l’avenir, nous devrons respecter une modération des coûts. Nous ne parlons plus de baisse. Pour les prêts non performants, sur la partie non core, nous avons ramené l’horizon d’une réduction à zéro de 2025 à 2021. En termes de ROTE (return on tangible equity), nous maintenons notre objectif 2019 à plus de 10 % pour l’activité core et 9 % au global, sachant que nous aurions largement dépassé 10,1 % en 2018 sans l’ajustement de valeur de notre banque turque Yapi, notamment, et surtout la provision pour les sanctions américaines. En matière de solvabilité, nous avons terminé 2018 avec un coussin de fonds propres durs de 200 pb et un CET 1 de 12,07 %. Nous pouvons faire remonter ce coussin à 250 pb, son niveau du début de l’an dernier. Par ailleurs, nous allons porter à 30 % le taux de redistribution en 2019 (payable en 2020). J’ai confiance en l’avenir.
La situation italienne constitue-t-elle un frein à une consolidation bancaire en Europe ?
Désormais, les Italiens veulent réformer l’Europe de l’intérieur : on ne parle plus de sortie de l’Union. Quant au contexte économique, il faut relativiser : la richesse moyenne en Italie est supérieure à celle de l’Allemagne. En revanche, la problématique sociale en Europe ne se prête pas à annoncer des fusions transfrontalières qui reposeraient a priori sur une complémentarité, mais aussi une nécessité de réduction de coûts.
La Société Générale répondrait-elle à vos critères, quitte à attendre deux ou trois ans ?
On nous a prêté des tas d’alliances, en France, au Royaume-Uni, en Allemagne ou en Espagne. Notre plan actuel est basé sur des hypothèses purement organiques. En Italie, nous contribuons de manière solidaire au fonds de soutien volontaire interbancaire dans la proportion de notre part dans le fonds de garantie des dépôts : 18 % du montant. Nous ne faisons aucun autre commentaire. Beaucoup pensent que la consolidation paneuropéenne ne pourra pas avoir lieu tant que l’Union bancaire et l’Union des marchés de capitaux (UMC) ne seront pas achevées. En attendant, UniCredit est déjà un établissement paneuropéen, présent avec ses banques dans 14 pays : cela se gère très bien. D’ailleurs nous comptons six nationalités dans l’équipe de management. Le modèle est là et déjà établi.
L’enjeu pour l’Europe est d’avoir des banques fortes pour accompagner les PME qui représentent entre 60 % et 70 % des emplois. Ce n’est pas encore le cas dans tous les pays. A titre d’exemple, en Allemagne, notre banque est la troisième banque privée du pays : nous ne représentons que 2 % de part de marché en prêts, mais 22 % en lettres de crédit export ! Au-delà du rôle de financement des banques, il faut que l’UMC de la Commission à venir travaille à donner aux PME un accès au capital.
C’est ce que vous attendez de l’UMC ?
L’UMC doit d’abord corriger son erreur originelle de séparer les emprunteurs des prêteurs. En Europe, à l’inverse des Etats-Unis, les PME sont trop petites pour se financer sur les marchés de capitaux. Si leur financement doit être assuré par les banques, il faut faire croître la capacité des investisseurs à prendre des risques de fonds propres. Il faut aussi que les différents secteurs d’activité européens cotés soient plus transparents et homogènes pour attirer plus de capitaux. Nous avons fait les dernières opérations d’émission d’UniCredit - des obligations senior non preferred - en dollar, pour 6 milliards, car le marché euro n’a pas encore assez de profondeur.
Dans la cadre du Finance Summit 2019, vous êtes intervenu sur le futur de la banque. A quoi ressemble-t-il ?
En premier lieu, il existe ! Les banques doivent changer, mais leur vocation restera financer, donc prendre des risques. C’est pourquoi elles ont des fonds propres importants pour servir un grand nombre de clients. Les fintech n’ont ni l’un ni l’autre, mais représentent pour les banques une opportunité pour revoir leur modèle de business. Les gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon, NDLR) utilisent leur capital à d’autres fins, avec des rendements bien plus importants. Le futur des banques est d’abord d’améliorer le présent. Par exemple en simplifiant et automatisant les processus. Grâce au digital, en Allemagne, nous avons réduit le temps d’ouverture d’un compte bancaire de 80 à 15 minutes en allégeant la procédure, permettant ainsi de vendre quatre produits par client et d’en conquérir tout au long de 2018.
Quel rôle aurait la banque dans la société de demain ?
Je crois aux initiatives sociales. D’ailleurs, nous allons donner à des musées certaines œuvres d’art de la banque, mais aussi en vendre pour intervenir dans la formation des jeunes à l’usage des services bancaires, octroyer des prêts en microfinance à des entreprises, et fournir des prêts sociaux. C’est un message fort en interne. Il faut faire évoluer la culture d’entreprise.
Mais vous n’incluez pas les femmes dans la direction…
Ma priorité, depuis 2016, a été de redresser la banque. Aujourd’hui, nous avons une diversité dans le comité de direction en termes de nationalité. Nous travaillons à un meilleur équilibre hommes/femmes pour l’avenir en embauchant désormais 59 % de femmes. Nous avons à ce stade 20 % des femmes deux niveaux en dessous de la direction. Dans deux ans, cela doit être le cas au niveau N – 1.
Comment l’esprit de corps peut-il exister dans un groupe présent à titre divers dans 18 pays ?
Cela passe par l’adoption de valeurs communes. Mais aussi certains symboles. Par exemple, dans le groupe, tout le monde porte du rouge – la couleur du groupe et de mes cravates ! Depuis le lancement du plan stratégique en cours, nous avons aussi une mascotte : Elkette, un petit élan que tout le monde s’arrache désormais. Nous en avons commandé 20.000 à ce jour au fabricant suédois !
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