
Le marché scrutera à la loupe la solvabilité des banques françaises

Les ratios de solvabilité bancaire reviennent sur le devant de la scène. Durant la saison des publications de résultats trimestriels du secteur en France, dont BNP Paribas donnera le coup d’envoi mercredi, analystes et investisseurs devraient prêter moins d’attention à l’activité des banques qu’à la solidité de leurs bilans. D’abord parce que le métier de banque de détail en zone euro devrait, sans surprise, avoir une nouvelle fois pâti de la faiblesse des taux. La mauvaise tenue du courtage, en particulier dans le fixed income, semble, elle aussi, acquise, les résultats des banques américaines et de certains établissements européens en ayant donné un avant-goût.
Ensuite, l’avertissement sur ses résultats lancé le 17 janvier par la Société Générale et sa décision de proposer le paiement du dividende en actions ou en numéraire, et non plus seulement en cash, ont mis la puce à l’oreille du marché. Ce mécanisme de scrip dividend avait été très utilisé par les banques au cours des crises de 2008 et de 2011 pour augmenter leurs fonds propres sans faire appel au marché. «La Société Générale est la première grande banque européenne à revenir au paiement optionnel du dividende en actions pour renforcer sa solvabilité dans l’environnement de marché actuel […], ce qui nous remémore hélas les heures sombres des crises des ‘subprime’ et des liquidités», soulignent les analystes de Jefferies dans une étude.
Une génération de capital lente
Pour ces derniers, «l’élément clé dans l’analyse de la Société Générale porte désormais moins sur la capacité du groupe à atteindre ses objectifs de coûts qu’à générer du capital». La banque a indiqué, le 17 janvier, que son ratio de solvabilité common equity tier one pour le quatrième trimestre 2018 oscillerait entre 11,4% et 11,6%, contre 11,4% un an plus tôt. Mais «nous manquons de visibilité sur la solvabilité [du groupe] en 2019», regrette Jefferies. Le courtier invoque les possibles ajustements consécutifs à l’examen des modèles internes des grandes banques par la BCE (Targeted Review of Internal Models), ainsi que les conséquences de l’entrée en vigueur de la norme IFRS 16, relative aux contrats de location. Des conséquences potentiellement «significatives» pour la Société Générale, compte tenu de ses positions dans le leasing, prévient Jefferies.
Cette problématique du bilan ne se cantonne pas à la banque de La Défense. «Les niveaux de fonds propres de BNP Paribas et de Crédit Agricole SA (CASA) ne devraient pas susciter autant de débats, mais il n’en demeure pas moins que la génération de capital reste lente», soulignent les analystes de JPMorgan Cazenove. Ils estiment à 11,7% et 11,5%, respectivement, les ratios CET1 de BNP Paribas et de CASA à la fin 2018, soit une quasi-stabilité sur un an glissant.
Les opérations de repo sujettes à caution
Si l’attention des analystes et des investisseurs s’est déplacée vers les ratios de solvabilité des banques, c’est également en raison de techniques – au demeurant légales – d’habillage de bilan récemment dénoncées par certaines autorités. En octobre, le Comité de Bâle a fustigé les débouclages de positions auxquels de grandes banques européennes procèdent sur le marché des pensions livrées (repo), aux alentours des dates de publication de leurs états financiers. En diminuant artificiellement la taille de leurs bilans, les opérations de repo – vente temporaire de titres en échange de cash – permettent en effet aux banques d’afficher pour quelques jours des ratios de levier (fonds propres rapportés au total des actifs) plus flatteurs qu’ils ne le sont en réalité.
Or, les banques françaises, «dont les ratios de levier se limitent à environ 4%, contre une moyenne de 5% pour le secteur, sont les participants européens les plus actifs aux marchés du repo», selon les analystes de Barclays. «La publication des ‘vrais’ ratios de levier des banques pourrait montrer qu’elles ne disposent pas de la puissance de feu nécessaire pour maintenir ou accroître leurs revenus», s’inquiètent-ils.
La revalorisation boursière de l’industrie bancaire ne semble donc pas près de s’opérer. Après des chutes de plus de 30% l’an dernier, en raison d’une rentabilité toujours sous la pression des taux d’intérêt, et désormais en butte au ralentissement économique en zone euro, les actions Société Générale, BNP Paribas, CASA et Natixis valent entre 0,4 et 0,8 fois l’actif net seulement, contre un multiple de 1,38 pour l’indice CAC 40, selon les données de Bloomberg.
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