Arkéa tente son va-tout dans sa lutte contre la CNCM

Le conseil d’administration doit voter demain sur un mandat donné aux dirigeants pour constituer un réseau mutualiste indépendant du Crédit Mutuel.
Julien Beauvieux
Arkéa Jean-Pierre Denis
Jean-Pierre Denis, président du Crédit Mutuel Arkéa.  -  Photo Arkéa.

Un nouveau chapitre s’ouvre dans le conflit entre Arkéa et la Confédération nationale du Crédit Mutuel (CNCM). Jusque-là désireux de défendre son indépendance vis-à-vis de la CNCM, son organe central qu’il accuse de conflits d’intérêts du fait de sa proximité avec la puissante fédération de l’Est, Crédit Mutuel CM11, le groupe breton présidé par Jean-Pierre Denis entend désormais lancer un processus de sécession. Initialement relayée par Le Monde, l’information a été confirmée à L’Agefi et devrait se matérialiser dans un premier temps lors du conseil d’administration d’Arkéa programmé ce mercredi à 9h. Une éventuelle séparation soulève de nombreuses questions sur l’avenir d’Arkéa.

«Le conseil d’administration du groupe se prononcera sur le mandat donné aux dirigeants pour engager toutes les actions permettant à notre groupe de préserver sa liberté d’entreprendre, en obtenant le statut d’un groupe bancaire coopératif et mutualiste indépendant, distinct du reste du Crédit Mutuel», souligne une communication aux salariés dont L’Agefi a obtenu une copie. Dans le sillage de ce conseil se tiendront le même jour deux réunions des instances du personnel, un comité central d’entreprise puis un Comité de groupe. Arkéa indique que deux des fédérations qui la composent, les fédérations de Bretagne et du Sud-Ouest, réuniront leur conseil d’administration vendredi. La troisième, la fédération du Massif Central, «sera également invitée à se prononcer sur ce processus» alors même qu’elle souhaite être rattachée à Crédit Mutuel CM11.

La nouvelle n’a pas manqué de faire réagir les organisations syndicales, d’autant plus surprises que la CNCM n’a pour l’heure été saisie d’aucune demande de séparation officielle. «L’inquiétude ne cesse de grandir chez les salariés depuis le dernier conseil d’administration de la Fédération de Bretagne (le 8 décembre, ndlr). Au cours de cette réunion, le président Jean-Pierre Denis aurais pris le contrepied de toutes ses annonces précédentes en déclarant que l’autonomie était désormais plus importante que la conservation de la marque Crédit Mutuel», écrivent les syndicats dans une lettre aux administrateurs. Privé de la marque Crédit Mutuel, porteuse en termes d’image, Arkéa devrait par ailleurs faire face à la fin de la clause sur la territorialité, qui ouvrirait la voie à l’ouverture d’agences Crédit Mutuel CM11 sur son propre territoire.

Coup de bluff ?

Pour certains, la manœuvre d’Arkéa fait figure de coup de bluff après plusieurs défaites judiciaires ces derniers mois. Arkéa, certes, devrait avoir gain de cause aujourd’hui concernant la décision de la cour d’appel de Paris sur la transformation de l’association CNCM en société, une mue requise par la BCE dans le cadre de ses activités de supervision. Mais de l’eau a depuis coulé sous les ponts et les régulateurs semblent se satisfaire du compromis statutaire présenté par la CNCM. Le Tribunal de l’Union européenne a d’ailleurs entériné ce statu quo en décembre, tout en ajoutant que les surcharges en capital imposées à Arkéa par la BCE face au risque de sortie du groupe étaient justifiées, afin de tenir compte de la perte éventuelle du mécanisme de solidarité prévalant au sein du Crédit Mutuel. Deux semaines plus tôt, l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle avait par ailleurs rendu son verdict sur l’usage de la marque Crédit Mutuel, jugé «réservé aux entités affiliées à la CNCM qui en est la propriétaire et la gardienne».

Une sortie définitive de la sphère Crédit Mutuel se traduirait donc à ce stade par la perte de la marque et un traitement réglementaire moins favorable gravé dans le marbre. «Notre notation sur la place financière serait vraisemblablement révisée de manière négative», craignent par ailleurs les syndicats malgré un ratio CET1 de 16,9% à fin juin 2017. La question du capital levé grâce aux parts sociales, qui représentent environ un tiers des fonds propres, est en outre posée. Ces dernières sont en effet émises par les «caisses affiliées à la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel», selon un prospectus visé par l’AMF.

Instituées par l’ordonnance de 1958, les caisses de Crédit Mutuel sont par ailleurs encadrées par la loi à l’instar des autres mutualistes, Crédit Agricole et BPCE, dont la création avait nécessité une loi en 2009. Le projet d’Arkéa de créer un groupe bancaire mutualiste indépendant nécessiterait dans tous les cas un nouveau cadre légal. «Je ne vois pas le gouvernement légiférer sous la pression», relève une source syndicale.

Sur le plan réglementaire, un Arkéa indépendant devrait aussi obtenir un agrément bancaire, ce qui est loin d’être acté. Alors que les caisses locales d’Arkéa s’apprêtaient à voter une résolution visant à créer un deuxième organe central propre au groupe, l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) et le Trésor avaient adressé un rappel à l’ordre à Arkéa en octobre 2016. «La CNCM est le seul et unique organe central du Crédit Mutuel», estimaient notamment François Villeroy de Galhau et Odile Renaud-Basso.

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