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Dette privée : le complément idéal des obligations en période de stagflation


Le constat est sans appel: le rebond massif des taux en 2022, en centaines de points de base, a provoqué un recul drastique des valorisations des portefeuilles obligataires, impactés par des chutes de 20 à 25% selon les durations et les segments des marchés de taux ou de crédit. S’immuniser contre une poursuite de ce phénomène est ainsi devenu un enjeu majeur pour les investisseurs institutionnels, qui doivent réallouer leurs portefeuilles. Dans cette perspective, la recherche d’une exposition à des titres à taux variables est clé. Historiquement, la dette privée à taux variable a bien joué ce rôle d’assurance contre le risque de remontée des taux et elle devrait continuer à le tenir en 2023, face à des marchés obligataires structurellement composés de titres à taux fixes.
Une dynamique haussière sur les taux
Un maintien d’une tendance haussière est en effet le scénario privilégié. L’inflation, les politiques restrictives des banques centrales ne constituent pas un contexte passager. La stagflation guette la zone euro, le consensus du marché anticipant une croissance nulle en 2023 combinée à une inflation à 5,90% (source: Bloomberg, 05/01/2023). Nous partageons le consensus: les banques centrales devraient continuer à resserrer progressivement le crédit avec des taux directeurs en hausse mesurée (3,5% pour le taux d’intervention de la BCE), une courbe de structure des taux croissante (Swaps à 10 ans à 4,5%) et des taux d’intérêt réels qui restent modérément négatifs. Les ressorts de cette nouvelle dynamique sont en effet liés au contexte géopolitique (guerre en Ukraine, politique budgétaire post-crise du Covid expansionniste), mais sont aussi structurels. Ils découlent en particulier de la nécessaire transition climatique (rapprochement des zones de production et de consommation, investissements lourds dans la décarbonation de l’économie et l’efficacité énergétique générateurs d’inflation verte),ainsi que de l’évolution démographique, avec un vieillissement de la population dans les pays riches et une forte croissance de la population en Afrique.
Un besoin de sécurisation face à la dégradation de la conjoncture
Face à ce constat, d’une orientation désormais modérément haussière des taux, la dette privée à taux variable, et en particulier la dette privée sécurisée, devrait encore accroître sa place dans les portefeuilles. Elle répond non seulement au besoin d’assurance contre les mouvements haussiers des taux, mais aussi au besoin de protection des positions dans une perspective de dégradation de la conjoncture économique. Entre le ralentissement économique, la hausse des coûts, la moindre capacité à prêter des banques, la santé des entreprises est mise à mal et les défaillances se multiplient. Il s’agit d’abord d’un retour à la normale, après la période du «quoi qu’il en coûte» qui s’est traduite par des niveaux de défaut historiquement et artificiellement bas. Selon Moody’s, les taux de défaut sur le crédit high yield vont doubler en Europe en 2023 (de 2,3% à 4,3%). Le marché des obligations d’entreprise investment grade et high yield a d’ailleurs bien anticipé le double mouvement de hausse des taux directeurs et des défauts, avec un indice crossover autour de 5 % à fin 2022 (Swap + 300 points de base).

Une «double peine» pour les investisseurs
Cependant, l’écartement des spreads de 100 pb (points de base) sur le high yield euro sur les 12 derniers mois ne reflète que l’anticipation d’un rebondde 200 pbdu taux de défaut et non l’augmentation, attendue aussi et constatée sur des dossiers comme Orpea, des pertes en cas de défaut. La protection offerte par la dette privée sécurisée est d’autant plus cruciale que la hausse des défauts des entreprises s’accompagne historiquement d’une baisse des taux de recouvrement. Un phénomène qui s’apparente souvent à une «double peine» pour les investisseurs. En 2008, le taux de recouvrement sur les prêts non-sécurisés a ainsi chuté à 29,8%, contre 52,5% en moyenne. A l’inverse, l’impact des hausses de défaut est nettement plus limité pour les prêteurs « sécurisés » : toujours en 2008, le taux de recouvrement sur les prêts sécurisés n’a reculé que de 5 points à 63,4%. Or, si les emprunteurs étaient ces dernières années en position de force pour imposer un allégement des covenants, les prêteurs reprennent désormais la main, pour obtenir un renforcement des covenants et des sûretés. Mais structurer une dette sécurisée ne s’improvise pas. Mieux vaut avoir déjà systématisé cette pratique en tant que prêteur, dans ses relations avec les emprunteurs. Et avoir su aussi prendre en collatéral des actifs réels (outils de production, stocks, immobilier…) plus facilement monétisables et moins sujets à dépréciation en cas de difficulté de l’entreprise.
La protection offerte par la dette privée sécurisée est d’autant plus cruciale que la hausse des défauts des entreprises s’accompagne historiquement d’une baisse des taux de recouvrement.
Structurer des prêts à impact
Cette capacité à négocier des conditions spécifiques dans le cadre d’un financement bilatéral s’illustre aussi en matière de durabilité. Il faut savoir mettre en place avec l’emprunteur des objectifs ESG, en phase avec son activité et structurer ainsi un prêt à impact («sustainability linked loan»), susceptible de bien correspondre aux nouvelles attentes des investisseurs, qui cherchent à renforcer leur stratégie d’investissement responsable. Sur un horizon moyen-long terme le pouvoir de diversification de la dette privée justifiera sa présence dans une allocation stratégique. En complément du portefeuille obligataire, elle offrira un rapport rendement-risque sensiblement différent de celui de titres crédit ou souverains, avec un rendement observé comparable à celui du high yield, grâce à une prime d’illiquidité de l’ordre de 150 pb, pour une volatilité bien inférieure, ce qui représentera un atout complémentaire dans un environnement plus incertain.
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