La faillite de Thomas Cook va chambouler la filière du tourisme

Les négociations de la dernière chance menées dimanche soir ont échoué. Thomas Cook, le plus ancien voyagiste au monde, a été contraint de se placer en liquidation judiciaire hier matin, mettant en difficulté plus de 600.000 personnes, dispersées dans de nombreux pays, qui devront être prochainement rapatriées. «Nous regrettons profondément, ainsi que les autres membres du conseil d’administration, de ne pas avoir réussi», a déclaré le directeur général, Peter Fankhauser. Comptant 21.000 employés dont 9.000 au Royaume-Uni, Thomas Cook est présent dans 16 pays.
Fondé en 1841, le groupe britannique, qui ployait sous une dette atteignant 1,7 milliard de livres (1,92 milliard d’euros), semblait prêt à être remis sur les rails après avoir approuvé cet été les modalités d’unplan de sauvetagede 900 millions de livres proposé par le chinois Fosun Tourism, ses banques et une majorité de ses créanciers. En finalisant les termes de l’accord, l’entreprise a été contrainte de solliciter un prêt d’urgence de 200 millions de livres supplémentaires pour faire face à ses échéances financières. Le gouvernement britannique, sollicité à hauteur d’environ 150 millions de livres, a expliqué qu’il avait rejeté cette demande de soutien afin de ne pas créer «un aléa moral», ajoutant que cela aurait représenté «une charge importante pour les contribuable».
Fosun, déçu par l’échec des discussions, a stipulé que le plan de recapitalisation n'était «plus applicable compte tenu de la liquidation judiciaire» du groupe. La société de conseil Alix Partners supervisera le processus de démantèlement, aidée par KPMG pour certaines filiales. Les actionnaires seront totalement évincés et les créanciers récupéreront une fraction de leur mise au fur et à mesure des cessions d’actifs réalisées, ce qui pourrait prendre plusieurs années. L’action Thomas Cook, suspendue hier, a plongé de 89% depuis le 1er janvier dernier, tandis que ses 750 millions d’euros d’obligations à échéance juin 2022 ont perdu lundi plus de la moitié de leur valeur. Les investisseurs, notamment des hedge funds, qui avaient acheté des CDS (crédit default swaps) pour se protéger d’un risque de faillite de la société, devraient en revanche percevoir jusqu’à 260 millions de dollars au total.
Suite à l’annulation de l’ensemble des vols du voyagiste, l’Autorité de l’aviation civile (CAA) a fait savoir qu’elle travaillerait avec le gouvernement pour rapatrier les quelque 150.000 clients britanniques durant les deux prochaines semaines. Elle a aussi pris contact avec les hôtels accueillant des clients du voyagiste pour les prévenir qu’ils seraient payés par le gouvernement, via un système d’assurance. Pour des voyageurs issus d’autres pays, des arrangements alternatifs devront être trouvés, comme en Allemagne où des compagnies d’assurance coordonneront les opérations de rapatriement.
Plan de soutien au secteur décidé en Turquie
Quelque 35.000 ressortissants de pays nordiques sont touchés, de même que 10.000 touristes français. La législation européenne prévoit le retour des vacanciers en cas de faillite et le remboursement des acomptes versés par ceux qui ne sont pas encore partis. Thomas Cook France précise que les remboursements débuteront dès que le voyagiste sera placé en cessation de paiements.
Cette faillite est susceptible d’affecter le secteur touristique dans les principales destinations desservies, comme l’Espagne, la Grèce, la Tunisie ou la Turquie, obligeant des centaines d’agences de voyage à fermer leurs portes. Le ministère turc du Tourisme a déclaré qu’il préparait un plan de soutien aux entreprises du pays potentiellement touchées par ce sinistre industriel. L’agence de voyages australienne Webjet a estimé que la liquidation de Thomas Cook «réduira son excédent brut d’exploitation d’environ 7 millions de dollars locaux (4,3 millions d’euros) sur l’exercice 2020». La compagnie allemande Condor, filiale du voyagiste, a annoncé que 240.000 touristes qui avaient réservé sur ses lignes étaient en attente de rapatriement et demandé un prêt-relais au gouvernement fédéral.
A contrario, les deux principaux bénéficiaires de cette disparition seront l’allemand TUI et la compagnie britannique à bas coût EasyJet, selon les analystes de Citigroup. «Nous notons également que TUI est désormais le seul voyagiste à disposer d’une importante base de détaillants captifs au Royaume-Uni et le seul grand voyagiste européen entièrement intégré», ajoutent-ils. Gerald Khoo, analyste chez Liberum, relève que la baisse de capacités découlant de cette faillite «devrait favoriser une hausse du prix des billets des compagnies aériennes durant la prochaine saison d’hiver».
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