
Transparence des ETF actifs, la France relance le débat

Simples d’accès, bon marché et transparents. Les caractéristiques des exchange-traded funds (ETF) qui ont permis à leurs encours de dépasser les 13.000 milliards de dollars (chiffres de Trackinsight à fin août) sont bien connues. Pourtant, l’innovation récente du marché, qui consiste à proposer des stratégies de gestion active sous cette enveloppe alternative aux fonds traditionnels (non cotés), pourrait rebattre les cartes.
13.000 milliards de dollars, c’est le montant des encours des ETF
C’est tout particulièrement leur troisième spécificité qui est remise en question : la transparence quotidienne sur l’ensemble du portefeuille sous-jacent. L’Autorité des marchés financiers (AMF) a en effet publié début juin une recommandation permettant la mise en œuvre d’un « régime de transparence différenciée » pour les ETF actifs. « Nous voulons mettre à la disposition des sociétés de gestion un canal de distribution qui n’existait pas et qui pourrait potentiellement aider le développement des ETF de gestion active », explique Franck Raillon, adjoint à la direction de la division de la régulation de la gestion d’actifs à l’AMF.
Préserver la « sauce secrète »
De fait, la transparence quotidienne peut poser un problème à certains gérants actifs, qui redoutent de divulguer le moteur de performance de leur stratégie. « Cela peut aussi être dans l’intérêt du client qui paie la stratégie active que la ‘sauce secrète’ de leur gérant ne soit pas révélée », relève Hector Mc Neil, cofondateur de HANetf.
La question de la transparence des ETF actifs est loin d’être nouvelle : elle a animé de vifs débats outre-Atlantique à la fin des années 2010 jusqu’à aboutir à la décision historique de la Securities and Exchange Commission (SEC) en 2019 d’autoriser les ETF « semi-transparents » et « non transparents ». La nuance entre les deux tient au délai accordé pour publier l’inventaire. Cette dérogation avait à l’époque fait l’effet d’un électrochoc pour le marché des ETF actifs américains qui a vraiment commencé à décoller après cette date, passant d’une centaine de milliards de dollars en 2018 à plus de 850 milliards aujourd’hui. Cinq ans plus tard, c’est au tour de l’AMF d’offrir sa propre réponse au problème.

Face à la multiplicité et à la complexité des modèles retenus outre-Atlantique, la solution du régulateur français se veut plus simple. « Le régime américain repose sur l’idée de donner des informations sur le portefeuille suffisamment précises pour que les teneurs de marché puissent les valoriser et couvrir leurs risques, mais pas trop pour éviter qu’il soit répliqué, indique Franck Raillon. De notre côté, nous avons conçu un régime de transparence différenciée qui distingue les teneurs de marché avec lesquels la société de gestion a choisi de contracter et le reste des participants de marché. » Il explique ainsi que les sociétés de gestion peuvent divulguer aux premiers la composition exhaustive et quotidienne du portefeuille, de sorte qu’ils soient en mesure de proposer des cotations les plus serrées possibles. Pour tous les autres participants de marché, la publication des portefeuilles peut intervenir de manière moins fréquente et différée. « D’autres conditions sont préconisées pour nous assurer que ce mécanisme préserve l’intégrité des marchés et protège l’investisseur », conclut Franck Raillon.
Ce cadre de semi-transparence arrive deux ans trop tard
Un modèle « peu contraignant et sensé », selon les termes d’un acteur de l’industrie. Ainsi, cette dernière salue globalement la démarche de l’AMF… tout en s’interrogeant sur son utilité. « Nos ETF actifs reposent sur des stratégies diversifiées et les paris que nous prenons sont répartis sur plusieurs centaines de titres au sein de nos portefeuilles : nous sommes donc très à l’aise avec la publication quotidienne de nos inventaires », témoigne Alfred Le Léon, responsable de la distribution des ETF pour la France chez JPMorgan Asset Management, premier gérant d’ETF actifs en Europe. La transparence est même un argument commercial dont les fournisseurs d’ETF ne veulent pas se priver. « Les clients nous posaient des questions sur le profil ESG des titres que nous avions en portefeuille et attendaient une réponse réactive de notre part, ce qui est difficile s’il nous faut nous retourner vers les fournisseurs d’indices, relate Lorraine Sereyjol-Garros, responsable globale du développement ETF et fonds indiciels chez BNP Paribas Asset Management. La transparence est donc au cœur des facteurs qui nous ont conduits à lancer des ETF gérés activement sur le plan extra-financier. » Le débat sur la transparence serait ainsi quelque peu dépassé. « C’est un sujet que nous abordons dans nos conversations avec les asset managers qui envisagent de lancer des ETF actifs, mais beaucoup moins que par le passé : ce cadre de semi-transparence arrive deux ans trop tard », tranche Hector McNeil.
Même aux Etats-Unis, l’enthousiasme initial a fait long feu. Si le marché des ETF actifs y a explosé, ce n’est absolument pas le fait des ETF semi-transparents : selon le rapport JPM 2024 Global ETF Handbook, leurs encours plafonnent à 10,7 milliards de dollars à fin mai, soit moins de 2 % du marché des ETF actifs. Certains acteurs qui s’étaient positionnés sur ce régime de semi-transparence, comme Fidelity Investments, ont même fait marche arrière.
Paris, futur domicile pour les ETF actifs ?
La résurgence du débat côté européen interroge. Pour l’AMF, il pourrait y avoir une motivation d’attractivité de la place de Paris : alors que la France était le dernier grand marché européen à ne pas autoriser la domiciliation ni la cotation d’ETF actifs, le verrou a été levé au printemps dernier. Avec cette proposition de régime de semi-transparence, réservé aux ETF domiciliés en France, l’AMF en profite donc pour prendre un coup d’avance par rapport à ses homologues luxembourgeois et surtout irlandais. La Banque centrale d’Irlande – dont dépendent 72 % des ETF émis en Europe (en encours) – a bien le projet de créer à son tour un régime de semi-transparence. Mais « elle attend la validation de l’Autorité européenne des marchés financiers pour avancer », croit savoir un observateur. Entre-temps, les ETF actifs qui voudraient se créer sous un régime de transparence différenciée pourrait le faire depuis Paris. « Cela peut convaincre des acteurs locaux de se lancer, mais ce ne sera probablement pas suffisant pour attirer des acteurs étrangers », balaie un autre. L’écosystème (administrateurs, dépositaires…) y est en effet trop peu développé.
Et si, finalement, la semi-transparence n’était pas arrivée trop tard, mais plutôt trop tôt ? « Les ETF actifs sont un marché nouveau pour les investisseurs, rappelle Brieuc Louchard, head of ETF capital markets chez Axa IM. Ces derniers sont habitués à ce qu’ETF soit synonyme de frais de gestion faibles, d’écarts réduits par rapport au benchmark et de spreads de cotation serrés. La première étape est donc de leur proposer des produits avec une part active limitée. Mais il est probable que cela évolue avec le temps. Le régulateur français anticipe les besoins du marché et se positionne comme mieux-disant. Il faut le saluer. »
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