
Le marché des EuroPP entre dans sa phase de maturité

Les EuroPP se sont fait un nom. Véritablement lancées en 2012, en réponse à la volonté des entreprises de réduire leur exposition aux banques dans la foulée de la crise de la zone euro, ces émissions de dette par placement privé font aujourd’hui partie du paysage du financement en France. Selon les chiffres compilés par L’Agefi, près de 4 milliards d’euros ont été émis en 2014 via les différentes formes d’EuroPP. C’est moins que les 4,8 milliards de 2013 mais le nombre de transactions a considérablement augmenté d’une année sur l’autre. Une soixantaine de transactions a été recensée en 2014, contre une quarantaine en 2013 et une vingtaine en 2012.
«Le marché s’était ouvert sur les émetteurs les plus solides et de taille importante. Il s’est depuis tourné vers des entreprises plus petites et avec des profils de crédit plus risqués», indique Guy Silvestre, co-responsable global capital markets chez SG CIB. Les deux tiers des émetteurs de 2014 affichent un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 milliard d’euros alors que la proportion ne dépassait pas 10% durant les premiers trimestres du marché. De même, la taille moyenne des EuroPP a chuté de moitié, passant de 150 millions d’euros environ en 2012 à une soixantaine de millions en 2014, signe de la démocratisation de cet outil de financement.
La publication de la charte EuroPP début 2014 a beaucoup joué, améliorant la communication, la transparence et surtout en permettant d’accorder les positions des différents intervenants: entreprises, investisseurs, intermédiaires… Les pratiques se sont peu à peu standardisées. L’EuroPP est par exemple de plus en plus fréquemment proposé par les banques lors des refinancements de crédit bancaire. Les investisseurs, assureurs ou fonds de dette privée, y trouvent leur intérêt, explique Hugues Delafon, responsable debt capital market Europe chez CA CIB, car «cela permet de répondre à leur volonté exprimée d’être pari passu avec les banques. Et pour ces dernières, c’est la possibilité d’accompagner leur client corporate vers un financement de marché diversifiant.» Avec surtout l’avantage pour les banques de ne pas avoir à mobiliser leur propre bilan en ces temps de durcissement réglementaire.
«Pour les ETI, l’EuroPP permet d’obtenir des maturités plus longues et de lever des montants significatifs que le crédit bancaire ne peut assumer à lui seul», ajoute Thibault Hescot, responsable midcap debt capital market chez BNP Paribas. Profitant de la recherche effrénée de rendement des investisseurs, la maturité moyenne des EuroPP est montée autour de 7 ans. Certains émetteurs parviennent même à aller au-delà comme Gaumont en décembre avec du 10 ans. Même le groupe de data centers OVH a obtenu une ligne à 8 ans alors que son secteur d’activité est peu connu des investisseurs. «Les investisseurs ont renforcé leurs compétences ce qui leur permet de regarder des opérations plus complexes, sur des secteurs qui n’auraient pas pu être explorés il y a deux ans», explique Hugues Delafon. Au final, les émetteurs y trouvent leur compte. «En moyenne, le spread n’a pas trop évolué depuis 2012, oscillant entre 250 et 300 points de base. Mais comme le marché s’est orienté vers des émetteurs plus petits, donc considérés plus risqués, sur des maturités plus longues, il y a eu un resserrement sous-jacent», reconnait Floriano Ascensao, l’un des quatre membres de l’équipe dédiée aux EuroPP de CA CIB.
Installé, l’EuroPP doit maintenant s’étendre pour devenir l’égal du Schuldschein allemand. «L’objectif pour 2015 est de donner un vrai coup de fouet à l’internationalisation du marché, du côté des émetteurs et des investisseurs. Le travail de l’Icma et de la LMA doit permettre de rendre moins étanches les différents marchés nationaux», annonce Hugues Delafon. L’objectif est également de séduire de nouveaux émetteurs alors que le vivier naturel a déjà été bien exploité. Les captives immobilières de groupes industriels pourraient par exemple faire de bons émetteurs d’EuroPP. La démocratisation pourrait également se poursuivre même si «en dessous d’une notation implicite investment grade à BB- cela devient plus compliqué», reconnaît Thibault Escot, et nécessite un travail «au cas par cas». Enfin, les entreprises elles-mêmes devront retrouver un rythme d’investissement plus soutenu, car comme le fait remarquer Carol Agard, directeur global capital markets chez SG CIB, outre la concurrence du crédit bancaire, la baisse des volumes s’explique aussi par «des besoins de new money des entreprises limités».
Selon SG CIB, dans un environnement macroéconomique stabilisé et avec une reprise plus marquées des fusions-acquisitions, le marché pourrait atteindre 6 milliards d’euros par an.
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Le gouvernement en voie d'enterrer le service national universel
Paris - «Mise en extinction": l’exécutif semble en voie d’enterrer le service national universel (SNU), un projet cher à Emmanuel Macron qui a connu beaucoup de vicissitudes et pourrait être remplacé par un service militaire «volontaire». Au détour d’un communiqué publié vendredi, le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté ministre démissionnaire des Armées, a annoncé la suppression de plusieurs structures, dont la délégation générale en charge du SNU le 1er janvier prochain, du fait de la «mise en extinction» du dispositif et de la «création prochaine du service militaire volontaire». Sauf que la suppression du SNU en soi, un dispositif promis par le candidat Emmanuel Macron en 2017, n’a jamais été officiellement annoncée. Le président de la République avait annoncé en mars «une grande refonte» du SNU et dit en juillet qu’il voulait «donner à la jeunesse un nouveau cadre pour servir, selon d’autres modalités, au sein de nos armées», promettant des annonces "à l’automne». Un service militaire volontaire était alors envisagé, sans être acté. La France a suspendu la conscription en 1997. Destiné aux jeunes âgés de 15 à 17 ans, le SNU comporte une «mission d’intérêt général» et un «séjour de cohésion» comprenant des activités sportives, culturelles et intellectuelles, avec des journées qui débutent par la «levée des couleurs» (drapeau et hymne national) et le port de l’uniforme. «Parcours d’engagement» Depuis mars 2024, ce dispositif d’engagement citoyen est aussi intégré au temps scolaire, avec un stage de douze jours pour les élèves en classe de seconde, volontaires. La promesse initiale du candidat d’En Marche était d’instaurer un «service national» obligatoire d’une durée d’un mois pour les jeunes âgés de 18 à 21 ans, encadré par les armées et la gendarmerie nationale. Le SNU va désormais être transformé en «parcours d’engagement» piloté par la Direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA), qui dépend du ministère des Sports, a précisé à l’AFP Matignon, sans plus de détails. Lancé en 2019, avec des crédits depuis rabotés, le SNU n’a jamais trouvé son rythme de croisière. «On a tous fait le constat que c'était extrêmement cher et à la fin on ne sait pas tellement à quoi ça a servi. Et ça ne répond pas aux besoins du ministère des Armées en termes opérationnels», résume une ministre. La piste de sa généralisation pour la rentrée 2026, lancée par le Premier ministre Gabriel Attal (9 janvier - 5 septembre 2024) et qui s'était heurtée à de vives résistances, a été abandonnée. L’objectif était d’attirer 66.000 volontaires en 2025 (après 80.000 en 2024), mais seuls 35.700 jeunes s'étaient inscrits à l’automne 2024. Et les crédits alloués par le gouvernement étaient passés à l'époque de 130 à 80 millions d’euros. Depuis, la dissolution, l’absence de majorité à l’Assemblée nationale et les coups de rabots budgétaires semblent avoir sonné le glas de cette «ambition» promise par le chef de l'État. - «Coût significatif» - La Cour des comptes avait dressé en outre, il y a un an, un bilan sévère du SNU, critiquant des objectifs «incertains», un coût «largement sous-estimé», et des «difficultés de déploiement». Dans un document annexe au rapport de la juridiction, le ministère des Armées lui-même admettait «la nécessité de clarifier» les objectifs du SNU «et de créer les conditions d’un pilotage» qui soit «adapté à l’ambition gouvernementale retenue». Mercredi, la commission des Affaires culturelles et de l'éducation de l’Assemblée nationale a examiné un rapport de deux députés de l’opposition (Idir Boumertit pour LFI et Maxime Michelet pour l’UDR) sur les «conditions d’accueil et d’encadrement» des séjours de cohésion du SNU, qui préconise la «suppression» du dispositif. «Cinq années après une mise en place pour le moins chaotique, où la communication ministérielle a primé sur le fond, force est de constater que le SNU (...) demeure un dispositif expérimental, en évolution constante, dont la généralisation reste un leurre», estiment les rapporteurs, qui pointent des objectifs «pas (...) atteints» et un «coût financier significatif». Anne RENAUT © Agence France-Presse -
Rhône : inquiétude et tensions parmi les éleveurs bovins face à un nouveau foyer de dermatose nodulaire
Saint-Laurent-de-Chamousset - La détection d’un foyer de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) dans un cheptel bovin du Rhône, à bonne distance de l'épicentre français de cette maladie animale, ravive les craintes d’une propagation plus large mais aussi les tensions entre syndicats sur l’abattage systématique des foyers infectés. Un foyer de DNC a été détecté jeudi dans un troupeau de vaches laitières du Rhône, une première pour ce département hors de la zone réglementée, a annoncé vendredi le ministère de l’Agriculture. Aucun des éleveurs à Saint-Laurent-de-Chamousset, bourgade de 2.000 habitants sur les Monts du Lyonnais où le foyer a été recensé, n’a souhaité s’exprimer auprès de l’AFP avant d’en savoir plus sur les suites données à la découverte. Les rues de la localité étaient désertes vendredi, sous un soleil de plomb. Dans les prés verdoyants des collines alentour, paissent ça et là de petits troupeaux de vaches montbéliardes. Un marché aux veaux se déroule chaque lundi dans le centre-ville, mais il est désormais suspendu. «Cela fait remonter chez moi des souvenirs terribles de la vache folle (au début des années 1990, ndlr). Trois élevages avaient été détruits en une seule nuit», se remémore Christian Ferrière, un ancien éleveur de 70 ans rencontré dans sa ferme à l’extérieur de la ville. «Je ne comprends pas pourquoi on met en place des mesures aussi traumatisantes, abattre tout un troupeau pour une seule vache qui serait contaminée», regrette-t-il. «C’est trop radical, trop inhumain, trop froid». Cela porte à 79 le nombre de foyers détectés dans 47 élevages depuis la première apparition fin juin en France de cette maladie virale non transmissible aux humains, qui conduit à des pertes de production laitière importantes et entraîne parfois la mort d’une partie du cheptel infecté. La propagation, qui se fait entre bovins infectés ou par des piqûres d’insectes, avait commencé en Savoie et Haute-Savoie, avant de toucher des communes de l’Ain. Une campagne de vaccination et de restriction drastique des mouvements dans une zone réglementée a permis selon le ministère d’endiguer sa diffusion fin août. Emotion et tensions L’abattage total et systématique des foyers infectés a toutefois causé une vive émotion et un conflit exacerbé entre syndicats sur la stratégie à adopter. L’Etat et l’alliance FNSEA-JA soutiennent cette mesure drastique quand la Coordination rurale et la Confédération paysanne, qui ont tenté de bloquer des abattages, regrettent que d’autres méthodes n’aient pas été envisagées. Le nouveau foyer a été détecté à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Lyon. La zone réglementée s'étendait sur l’Ain, l’Isère, la Savoie et la Haute-Savoie, et s’arrêtait à quelques kilomètres à l’est de la métropole. Pour la Coordination rurale, ce cas illustre la nécessité de «réinterroger la stratégie» du gouvernement et «d’anticiper un protocole sanitaire adapté, moins radical que les mesures actuellement en vigueur, si la maladie devait s’y propager», selon un communiqué. «Le dépeuplement (l’abattage, NDLR) est en cours et une nouvelle zone réglementée a été définie», a indiqué vendredi le ministère, pour qui ce nouveau cas «illustre l’importance de maintenir une vigilance accrue». Le dernier foyer détecté remontait au 6 septembre, dans un troupeau avec des animaux non vaccinés malgré l’obligation dans la zone, une «négligence», selon Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA. Cela remet à zéro le compteur de 45 jours à partir desquels, sans nouveau cas, les restrictions de mouvement peuvent être levées. Le gouvernement a déjà permis, dans des conditions très strictes, des descentes d’estives. Avec les températures qui se rafraîchissent, il devient compliqué de laisser les vaches dans les pâturages en altitude. Au Salon de l'élevage qui s’est tenu de mardi à jeudi à Rennes, la Confédération paysanne a simulé mardi l’assassinat d'éleveurs sur le stand du ministère, dénonçant une stratégie «mortifère» sans prise en compte des avis vétérinaires «divergents» par rapport à la stratégie de l'État. Arnaud Rousseau a répondu mercredi lors d’une conférence que son syndicat et l'État s'étaient basés sur des expertises scientifiques, contrairement aux «épidémiologistes autoproclamés», dénonçant l’irresponsabilité des opposants aux abattages. Les éleveurs touchés, qui ont accès à des aides psychologiques et ont déjà reçu une avance de l'État pour indemniser les pertes d’animaux, espèrent aussi des aides pour les pertes indirectes et pour reconstituer leur cheptel. La région Auvergne-Rhône-Alpes a annoncé vendredi une «aide d’urgence», de 300 à 400 euros par bovin euthanasié. Emmanuel GIROUD avec Mathilde DUMAZET à Paris © Agence France-Presse