Les marchés actions n’ont pas fini de purger leurs excès

La brusque envolée de la volatilité tient à des facteurs techniques. Mais un changement de paradigme semble à l’œuvre.
Xavier Diaz

Les marchés actions sont entrés dans une zone de turbulences. La correction de 10 % qu’ils viennent de subir pourrait être suivie de répliques. Deux changements majeurs perturbent leur direction : la crainte d’une inflation plus élevée et ses conséquences sur les taux longs et le changement de régime de volatilité. Le tout dans un contexte de valorisation élevée des actions.

Certes, la récente correction a quelque peu dégonflé les prix. A Wall Street, les valeurs de l’indice S&P 500 se paient 16,5 fois les bénéfices prévus à 12 mois, contre 19 fois avant la baisse. Du point de vue fondamental, ni la croissance économique, ni les prévisions de résultats n’ont été remises en cause. Le fait que la correction sur les actions ne se soit pas propagée rassure. « Le marché ne semble pas paniquer car les autres classes d’actifs ont peu évolué », note Cédric Baron, gérant chez Generali Investments. « Compte tenu de ces facteurs fondamentaux favorables, nous nous attendons à ce que les investisseurs de long terme achètent et offrent un soutien au marché », juge Mark Haefele, responsable des investissements chez UBS WM. Mais cela pourrait prendre du temps. « A court terme, certains investisseurs pourraient être forcés de réduire encore plus leur levier, tandis que ceux suivant des stratégies reposant sur la volatilité réalisée, les corrélations et le momentum de prix comme signaux pourraient encore avoir à ajuster leurs positions », nuance ce dernier.

La brutale hausse de la volatilité, provoquée par le débouclage forcé des positions vendeuses d’ETP (exchange-traded products), dont celui de Credit Suisse (VelocityShares Daily Inverse VIX Short-Term ETN) qui va être liquidé, a précipité la correction. Le VIX a plus que doublé à 37 % (bondissant à plus de 50 % en séance). Les positions étaient nettes vendeuses de volatilité (gamma positif dans le jargon financier) avant cet événement, selon les statistiques du CBoE. Elles se sont inversées depuis. Ces débouclements massifs sont arrivés dans un marché très peu liquide, relèvent les stratégistes d’UBS.

Difficile rebond

Depuis, la volatilité est restée élevée. Le VIX a du mal à passer sous 25 %. Tant que ce dernier restera à ces niveaux, le marché peinera à rebondir durablement. Lors des dernières corrections, ce fut le cas en août 2015, la volatilité a toujours mis du temps à se normaliser. Mais cette fois, la volatilité de la volatilité reste à un niveau historiquement élevé de 170 %. Il faut dire que les produits et stratégies permettant de vendre de la volatilité se sont popularisés à tel point qu’ils pesaient plus de 3 milliards de dollars avant la chute du 5 février. A ce réajustement de stratégies s’ajoute celui des fonds gérés en cible de volatilité, comme les fonds risk parity (175 milliards de dollars sous gestion), des CTA qui avaient un positionnement très long actions (plus de 200 milliards) et des autres fonds actions avec un levier important, comme les long-short actions, observent les stratégistes de Natixis. Les volumes sur l’indice S&P 500 ont doublé dans la correction, à près de 1.000 milliards traités quotidiennement, tandis que les fonds actions américaines ont subi une décollecte hebdomadaire de plus de 30 milliards de dollars. A lui seul, le plus gros ETF (exchange-traded fund) au monde, le SPDR S&P 500, a accusé près de 24 milliards de dollars de rachats.

Si le changement de régime de volatilité se confirme, les allocataires d’actifs risquent de devoir revisiter leurs expositions actions. « Il va être plus compliqué de détenir des actions », estime Cédric Baron. Mark Haefele note que les rendements américains sont revenus à leurs niveaux malgré la poursuite de la correction, ce qui tend à démontrer que les investisseurs craignent une résurgence de l’inflation et des taux d’intérêt. Le rendement à 10 ans américain reste proche de 2,9 % et le Bund de 0,8 %. De son côté, Patrick Moonen, stratégiste chez NN IP, pense que les marchés vont de plus en plus être dirigés par les facteurs techniques : « Plus encore à mesure que le soutien des banques centrales disparaît ». Après les actions, le prochain test pour les marchés pourrait avoir lieu sur les marchés de crédit. « Nous pensons qu’il faudra regarder du côté des marchés crédit, et en particulier du ’high yield’ américain, comme possible catalyseur futur d’une possible rotation durable hors des actifs risqués », selon Natixis. Les investisseurs ont intérêt à boucler leur ceinture.

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