
Les banques allemandes sont prises au piège des taux bas

Deutsche Bank et Commerzbank ne sont pas les seules malades de la banque allemande. Alors que l’avenir demeure incertain pour les deux piliers de la finance outre-Rhin, Moody’s a abaissé hier de neutre à négative sa perspective sur les banques du pays. «Nous anticipons un affaiblissement de la profitabilité et de la solvabilité globale des banques du pays dans les 12 à 18 prochains mois», indique le rapport de l’agence de notation. Leur marge d’intérêt souffre toujours davantage de la faiblesse des taux dans la zone euro.
En septembre, le taux directeur de la Banque centrale européenne (BCE) s’est encore enfoncé un peu plus en territoire négatif, à -0,5%. Quelques jours plus tard, S&P Global Ratings avait révisé de positive à négative sa perspective sur les banques coopératives allemandes, sans pour autant abaisser leur note de crédit. Parmi les facteurs de risques, l’agence citait «la faible rentabilité, les risques croissants liés à la rupture technologique, et la perspective d’un environnement de taux bas persistant».
La conjonction de la situation inédite des taux et du ralentissement de l’économie allemande va peser davantage sur les banques du pays car elles auront plus de mal à compenser la baisse des revenus d’intérêt par une hausse des volumes de crédit, estime Moody’s, qui note 45 établissements de crédit représentant 80% du système bancaire allemand. En outre, elles ont «connu un succès limité dans l’adaptation de leur structure de coûts élevée à leur profil de faible risque et faible marge de crédit, et à leur insuffisante génération de revenus de commissions», pointent les analystes de l’agence de notation. Entre 2015 et 2018, les revenus nets d’intérêt du secteur sont passés de 96 milliards à 87 milliards d’euros, selon les chiffres de la Bundesbank. Soit une baisse de 9 milliards en trois ans. En parallèle, les commissions facturées aux clients sont restées quasi stables, à 30 milliards d’euros.
Coefficient d’exploitation de 80%
Faute de relais de croissance et de plans d’économies drastiques, le coefficient d’exploitation (ratio des coûts sur dépenses) des établissements de crédit allemands n’a cessé de croître ces dernières années pour atteindre en moyenne 79% en 2018, contre 70% en France, et 67% en moyenne dans la zone euro, selon les calculs de Moody’s. Dans un paysage bancaire très morcelé outre-Rhin, la situation est très contrastée, avec des ratios s’étalant de moins de 50% à plus de 100%.
Dans ce contexte, les prêteurs allemands sont de plus en plus tentés de taxer les dépôts des particuliers et des PME. Ces actifs coûteux pour les banques, en raison de la facturation des liquidités centralisées à la BCE, représentent plus de 40% des bilans bancaires du pays. Les petites caisses d’épargne et banques coopératives dépendent même entièrement de ces ressources de court terme, contrairement aux grands établissements qui peuvent se refinancer sur les marchés. Une coopérative bavaroise, Volksbank Raiffeisenbank Fürstenfeldbruck, vient ainsi d’annoncer un taux d’intérêt négatif de 0,5% dès le premier centime d’euro déposé sur un compte à vue ouvert à partir du 1er octobre. Ce cas est inédit : les banques ayant déjà opté pour ce type de politique appliquent en général un plancher de 100.000 euros. L’affaire risque aussi de relancer le débat politique tendu sur la facturation des dépôts des épargnants allemands.
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Gaza : Israël accusé de "génocide" par une commission mandatée par l’ONU
Genève - Pour la première fois, une commission d’enquête internationale mandatée par l’ONU a accusé mardi Israël de commettre un «génocide» à Gaza depuis octobre 2023 avec l’intention de «détruire» les Palestiniens, mettant en cause le Premier ministre et d’autres responsables israéliens. La commission, qui ne s’exprime pas au nom de l’ONU, est arrivée "à la conclusion qu’un génocide se produit à Gaza et continue de se produire» dans ce territoire palestinien, a déclaré à l’AFP sa présidente, Navi Pillay. C’est la première fois qu’une commission d’enquête mandatée par l’ONU accuse Israël de «génocide». Selon Mme Pillay, le rapport devrait «inciter les hauts dirigeants de l’ONU» à en faire autant. Après la publication du rapport, le chef des droits de l’homme de l’ONU, Volker Türk, a indiqué voir des «preuves grandissantes» d’un «génocide» à Gaza. Israël a «rejeté catégoriquement» ce «rapport biaisé et mensonger» et appelle à la «dissolution immédiate» de cette commission mandatée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Chris Sidoti, l’un des trois commissaires, a balayé en conférence de presse les réponses israéliennes, affirmant qu’elles semblaient sorties de «ChatGPT» : «Ils disent toujours la même chose» et n’apportent «jamais de preuves». Selon la commission, les autorités et forces de sécurité israéliennes ont commis «quatre des cinq actes génocidaires» définis par la Convention de 1948 sur le génocide. A savoir: «meurtre de membres du groupe; atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe; soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; et mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe». «Peuple israélien trahi» Cette commission a conclu que le président israélien, Isaac Herzog, le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, et l’ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, avaient «incité à commettre un génocide et que les autorités israéliennes (n’avaient) pas pris de mesures» pour les en empêcher. «La population israélienne a été trahie par son gouvernement (...) qui poursuit depuis deux ans cette guerre génocidaire», a affirmé M. Sidoti. «Le traumatisme» du 7-Octobre a été «manipulé par Netanyahu et ses acolytes», a-t-il dit. La guerre à Gaza a été déclenchée par l’attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre 2023 en Israël, qui a entraîné la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP. Depuis, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a juré de détruire le mouvement islamiste qui a pris le pouvoir en 2007 à Gaza. La campagne de représailles militaires dans le territoire palestinien a fait près de 65.000 morts, selon des données du ministère de la Santé de la bande de Gaza, des données jugées fiables par l’ONU. «Il existe une intention de détruire les Palestiniens à Gaza», a relevé Mme Pillay, qui fut présidente du Tribunal pénal international pour le Rwanda et juge à la Cour pénale internationale (CPI). Les plus hauts dirigeants israéliens «ont orchestré une campagne génocidaire», a ajouté la Sud-Africaine de 83 ans, ancienne Haute-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme. «Complicité» La commission n’est pas une instance juridique mais ses rapports peuvent accroître la pression diplomatique et servent à recueillir des preuves que les tribunaux peuvent utiliser. Mme Pillay a expliqué la commission a l’obligation de partager ses informations avec les institutions judiciaires, qu’elles soient nationales ou internationales. Elle a appelé les États membres à «agir maintenant» car «il n’est pas nécessaire d’attendre que la Cour internationale de Justice déclare un génocide». «Lorsque des signes et des preuves manifestes de génocide apparaissent, l’absence d’action pour y mettre fin équivaut à une complicité», a-t-elle averti. Depuis le début de la guerre, Israël a été accusé à plusieurs reprises de commettre un génocide à Gaza, par diverses ONG, des experts indépendants de l’ONU, et jusque devant la justice internationale, à l’initiative de l’Afrique du Sud. Les autorités israéliennes rejettent vigoureusement ces accusations. A La Haye, la Cour internationale de justice (CIJ) avait sommé Israël dès janvier 2024 de prévenir tout acte de génocide. Quatre mois après, le procureur de la CPI avait demandé que des mandats d’arrêt soient délivrés à l’encontre de MM. Netanyahu et Gallant, soupçonnés de crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Agnès PEDRERO © Agence France-Presse -
Gaza sous les bombes : offensive israélienne majeure, drames humains et scènes de ruines
Gaza - «Nous avons sorti des enfants déchiquetés», lance Abou Abed Zaqout devant les décombres d’un immeuble qui a été frappé dans la nuit à Gaza-ville, où l’armée israélienne a lancé une nouvelle offensive majeure. Au matin, il tente avec d’autres hommes de retrouver d'éventuels survivants ou les dépouilles des personnes qui se trouvaient dans ce bâtiment avant qu’il soit visé par une frappe aérienne israélienne, selon son récit. La Défense civile de Gaza, qui dispense les premiers secours dans le territoire palestinien, a indiqué à l’AFP avoir découvert 12 corps après huit heures d’opérations de recherche sur ce site. Interrogée sur ce bombardement dans le quartier d’al-Tuffah, dans le nord-est de la ville, l’armée israélienne a dit qu’elle se renseignait. «Il y avait environ 50 personnes à l’intérieur, dont des femmes et des enfants, je ne sais pas pourquoi ils ont été bombardés», a indiqué Abou Abed Zaqout, avec émotion. Alors que des hommes peinent à extraire un corps d’un tas de morceaux de béton, le bourdonnement des drones israéliens ne cesse pas. «Notre mort est proche, comme celle des autres habitants», commente une voisine, Mayssa Abou Jamaa, 38 ans, qui raconte que ses enfants ont été réveillés en pleine nuit, «terrifiés» par le bombardement. «Des cris sous les décombres» L’armée israélienne a intensifié son offensive dans la ville de Gaza ces dernières semaines, annonçant mardi avoir commencé à étendre ses opérations terrestres «dans ce principal bastion du Hamas» palestinien dont l’attaque sans précédent le 7 octobre 2023 a déclenché la guerre dans le territoire palestinien. «Nous savons qu’il y a des milliers de terroristes du Hamas», a indiqué un responsable militaire israélien devant des journalistes, disant que les troupes entraient dans le centre de la ville. D’après des témoignages d’habitants recueillis par l’AFP, les véhicules de l’armée se trouvent principalement dans le nord de la ville, ainsi que dans le sud, dans le quartier de Tel al-Hawa. «Nous avons très peur», confie Ibrahim al-Bacheti qui vit dans le sud de la ville, «beaucoup de personnes autour de nous sont parties, et nous ne savons pas ce qui nous attend.» Après avoir entendu des explosions dans la nuit, il raconte être sorti dans son quartier, Sabra, pour découvrir un paysage de destructions. «Nous avons entendu des cris sous les décombres» d’un bâtiment détruit, dit l’homme de 35 ans. L’armée a largué des tracts sur son quartier dans la matinée, sommant les habitants de quitter les lieux, «même à pied», en raison de l’imminence d’opérations militaires. «Stop!» A la frontière avec le territoire palestinien, un photographe de l’AFP qui se trouvait côté israélien, a vu de gigantesques nuages de fumée s'élever autour de paysages dévastés par les bombardements. Dans l’ouest de la ville de Gaza, lundi, la tour al-Ghafri a également été détruite par l’armée israélienne. «Ils nous ont informés de leur intention de démolir la tour, alors nous sommes sortis», a raconté Ossama Abou Hassira, qui rejette les déclarations de l’armée israélienne affirmant que des bâtiments sont visés car ils servent à des «terroristes». «Le seul objectif de Netanyahu, c’est nous pousser vers le sud», ajoute-t-il. Les autorités israéliennes ont dit préparer l’accueil de Palestiniens fuyant le nord de la bande de Gaza vers le sud, dans une zone qu’elles qualifient «d’humanitaire», ce que contestent de nombreuses ONG opérant dans le territoire assiégé. «Les dirigeants du Hamas, du Jihad, du Front populaire et du Fatah doivent faire la paix avec les Juifs, stop! Chaque jour, nous avons 200 martyrs», supplie M. Abou Hassira, en référence à des groupes palestiniens. Autour de lui, tout est gris. Les passants, comme ceux qui se tiennent devant l’immeuble effondré d’al-Tuffah, regardent sonnés ce décor apocalyptique, un océan de ruines à perte de vue. © Agence France-Presse