
Alfred Le Léon (JP Morgan AM) : « La gestion active sera le principal moteur de la croissance du marché des ETF dans les années à venir »

Quinzième fournisseur d’ETF en Europe, JPMorgan Asset Management arrive toutefois en tête sur le segment – petit mais en forte croissance – des ETF gérés activement. Depuis le début de l’année, il a attiré 1,8 milliard de dollars de collecte sur ces derniers, selon les chiffres de Trackinsight.
Ces derniers mois, vous avez enregistré une forte collecte sur les ETF de gestion active. Pourquoi misez-vous sur ce segment de marché ?
Environ 70 % de nos 13 milliards de dollars d’encours en ETF sont gérés activement, c’est-à-dire de manière discrétionnaire et non systématique. Nous pensons que la gestion active sera le principal moteur de la croissance du marché des ETF dans les années à venir, une fois que l’ensemble de la communauté financière sera familiarisé avec ce type d’instruments. Les investisseurs cherchent à réduire le coût de leurs solutions, quelle que soit leur approche, active ou passive : l’ETF offre une efficience opérationnelle qui le rend généralement plus avantageux qu’un fonds. C’est aussi la transparence qu’offre ce véhicule qui séduit : en pleine crise des valeurs bancaires, les investisseurs ont apprécié de savoir les positions exactes en portefeuille le jour-même.
Aux Etats-Unis, les ETF actifs rencontrent un fort succès, mais le contexte fiscal et surtout réglementaire y est bien différent, avec des marges de manœuvre sur la question de la transparence justement…
L’histoire n’est effectivement pas la même d’une rive à l’autre de l’Atlantique, d’où le positionnement intéressant de JP Morgan AM avec une jambe de chaque côté. Aux Etats-Unis, les réflexions sur les ETF actifs remontent à 2008 et les premiers lancements à 2016. Le débat s’y est structuré autour de la question de la transparence parfaite du portefeuille d’actifs sous-jacents. Pour le régulateur américain, cette transparence est la seule manière d’aboutir à une fixation efficiente des prix. Pour certains gérants actifs au contraire, dévoiler ses positions au jour le jour, c’est prendre le risque de faire face à du « front-running » (achat ou vente de titres en amont d’opérations importantes grâce à des informations privilégiées, ndlr). En 2020, la SEC a finalement autorisé un modèle de semi-transparence, où le fournisseur d’ETF peut par exemple brouiller les positions du portefeuille pour en dissimuler les pondérations exactes. C’est une approche plus complexe que nous n’avons pas adoptée. Sur le marché américain, le succès de ces ETF semi-transparents reste d’ailleurs paradoxalement assez limité. Le fait que le régulateur européen ne prévoit pas ce type d’approche n’est donc en aucun cas un frein à la croissance des ETF actifs de ce côté-ci de l’Atlantique.
Le risque de « front-running » n’est-il pas réel ?
Les stratégies actives que nous proposons sous format ETF sont très larges et diversifiées, et il serait très coûteux, pour un individu, de reproduire ces portefeuilles, surtout lorsqu’on ne dispose pas des économies d’échelle dont bénéficie JP Morgan AM. Il en irait différemment de stratégies très concentrées avec de grandes convictions sur quelques titres. Se poserait aussi la question de la liquidité intra-journalière offerte par l’ETF.
Le fait que le fonds soit coté en Bourse – et donc puisse être acheté et vendu à tout moment –devrait-il jouer un rôle dans l’essor des ETF actifs ?
L’aspect « exchange-traded » de l’ETF, y compris indiciel, est, dans les faits, peu utilisé en Europe, l’essentiel des ordres étant passés hors Bourse, de gré à gré. C’est toutefois une option intéressante. A l’entrée, cela permet à des investisseurs institutionnels comme les assureurs d’entrer à un point de valorisation très précis. C’est aussi utile à la sortie, pour vendre rapidement une position en cas d’événement de marché exceptionnel. C’est une couche supplémentaire de liquidité que les clients peuvent ou non utiliser. Nous aimerions qu’elle le soit davantage, car plus il y a de liquidité naturelle sur le marché secondaire, plus il est facile d’effectuer des transactions.
Vous parliez de frais plus faibles pour les ETF. Le fait qu’ils soient gérés activement n’augmente-t-il pas les coûts ?
Tout dépend des économies d’échelle réalisées : les stratégies actions et crédit que nous proposons sous forme d’ETF s’appuient sur les équipes d’analystes de nos fonds traditionnels. Cela permet d’optimiser les frais de fonctionnement de nos ETF actifs à des niveaux entre vingt et trente points de base en moyenne, permettant ainsi d’offrir une solution efficiente avec une tarification similaire à une gestion indicielle.
Pour quels besoins vos clients optent-ils pour des ETF actifs ?
Les mauvaises performances des marchés sur l’année 2022 ont conduit les investisseurs à revoir leur appétence au risque, notamment pour les positions cœur de portefeuille. Ils ont été nombreux à se tourner vers des solutions actives de type « enhanced » qui allient notre analyse fondamentale – et donc une option de générer de l’alpha – et un budget de risque faible. Cette approche plaît aussi aux investisseurs passifs qui apprécient d’avoir accès à la capacité d’analyse et de gestion de JP Morgan AM tout en restant proche de l’indice.
En 2022, nous avons également observé une dynamique significative de collecte sur les ETF classifiés « article 8 » selon le règlement SFDR. En gestion passive, convertir un véhicule « article 6 » en « article 8 » nécessite de se reposer sur l’approche choisie par le fournisseur d’indices, qui peut amener le client à être exposé à un univers relativement différent de celui souhaité. Avec les ETF actifs, ce sont nos propres vues ESG qui sont appliquées dans le portefeuille à travers le budget de risque prévu. Nous cherchons à neutraliser les biais en sélectionnant les meilleures entreprises dans chaque secteur. La gestion discrétionnaire et active est plus adaptée à l’ESG qu’une approche purement systématique. La logique est également la même pour le segment du fixed income où la gestion active permet de corriger les défauts inhérents à la construction des indices obligataires.
C’était déjà la promesse des gestions « smart beta »…
Le smart beta est un premier pas hors de l’approche des pondérations par la capitalisation. Nous l’utilisons pour certaines expositions comme la dette émergente ou le high yield où nous avons la possibilité de reconstruire un univers permettant d’éviter les principaux écueils des indices obligataires.
Quelles sont vos prochaines priorités d’enrichissement de votre gamme ?
Nous avons adopté une stratégie de lancement de produits raisonnée, avec 33 ETF créés en cinq ans d’existence. Notre gamme doit être une boîte à outils pour construire des allocations et elle est déjà assez complète. Nous avons cependant un certain nombre de produits en projet, en particulier sur le segment obligataire. Ce dernier devrait fortement croître dans les années à venir car l’enveloppe ETF est très adaptée au marché obligataire dont elle simplifie considérablement l’accès et facilite le processus de découverte des prix.
Avez-vous aussi des projets sur le segment des actions ?
Tout comme nous avons accompagné les investisseurs dans le passage de véhicules « article 6 » à « article 8 », nous pourrions lancer des briques catégorisées en « article 9 », pour répondre aux contraintes auxquelles font face les investisseurs spécialisés sur l’ISR. Plus le marché se familiarisera avec la gestion active sous format ETF, plus nous pourrions envisager de proposer des stratégies avec un budget de risque élevé.
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