
La France et l’Europe s’enfoncent dans la récession

Jamais l’économie française n’avait connu un tel choc depuis la Seconde Guerre mondiale. L’activité se serait contractée de 6% au premier trimestre, selon l’estimation publiée hier par la Banque de France (BdF). Cette chute est la conséquence directe des mesures de confinement prises pour lutter contre l'épidémie de coronavirus à partir du 17 mars et ayant entraîné la fermeture de nombreux secteurs économiques.
La dernière fois que l’économie française a subi un tel choc était en mai 68 avec une contraction au deuxième trimestre de 5,3%. Olivier Vigna, économiste chez HSBC, rappelle que les statistiques trimestrielles n’ont démarré qu’en 1949 et que les deux autres chocs importants ont été enregistrés en 1974 (choc pétrolier au quatrième trimestre -1,8%) et en 2009 (crise financière au premier trimestre -1,6%).
Les économistes de la BdF ont établi leur estimation à partir de l’enquête de conjoncture mensuelle réalisée, entre le 27 mars et le 3 avril, auprès d’entreprises dans l’industrie, les services marchands et le bâtiment. «À partir de cette photographie à fin mars, nous avons établi une estimation de la perte d’activité par secteur et au niveau agrégé (en termes de produit intérieur brut , PIB) au cours de la période de confinement», expliquent-ils, et une estimation de la variation du PIB au premier trimestre.
Plus bas historique des capacités industrielles utilisées
Dans l’industrie, les entreprises ont fait état de cinq jours de fermeture en moyenne, soit 50% d’activité en moins, et de six jours en moyenne dans les services, et jusqu’à quatorze jours dans la restauration. Dans l’industrie, l’utilisation des capacités a reculé en moyenne à un plus bas historique de 56%, dont 41% pour le secteur automobile. A partir de ces données, et de la contribution de chaque secteur à la valeur ajoutée, la BdF a estimé à 32% la perte d’activité dans l’ensemble de l’économie lors d’une semaine type. «Sur l’ensemble du mois de mars, la perte d’activité serait de -17%, compte tenu des deux semaines de confinement et de la baisse d’activité enregistrée dans certains secteurs dès le début du mois», ajoute l’institution.
La croissance en janvier et février ayant été marginale (la précédente estimation de la BdF tablait sur une croissance de 0,1% au premier trimestre), la contraction du PIB serait de 6% au premier trimestre, en rythme trimestriel. Chaque quinzaine de confinement pourrait amputer la croissance annuelle du PIB de 1,5 point de pourcentage, selon la BdF, ce qui confirme l’estimation de l’Insee pour qui chaque mois de confinement coûte 3 points de PIB à la France.
Cette estimation est importante car elle est la première prenant en compte deux semaines de confinement. La précédente, fournie par l’Insee, avait été réalisée peu de temps après le début du confinement. «L’estimation de la BdF permet de mieux jauger l’impact économique réel du Covid-19», affirme Olivier Vigna pour qui la photographie est toutefois incomplète car le Premier ministre Edouard Philippe a récemment indiqué que le confinement serait probablement étendu au-delà du 15 avril.
«Si l’ensemble du mois d’avril est en confinement, le repli de l’activité supplémentaire sera plus important car appliqué sur l’ensemble du mois, poursuit Philippe Waechter, économiste chez Ostrum AM. La BdF indique dans sa note que deux semaines de confinement retirent 1,5% à la croissance annuelle. Cela se traduirait ainsi par 3% en moins en 2020 si l’ensemble du mois d’avril était confiné. L’acquis à la fin du mois d’avril pour le PIB de 2020 serait de -9%».
Plus l’arrêt d’activité durera, plus les dommages économiques seront importants. «Le déconfinement ne pouvant s’opérer d’un seul coup et pour tout le monde, on doit faire l’hypothèse que le PIB va continuer de se contracter en mai et juin, probablement sur une base moins importante que le taux de 3% par mois associé à un confinement complet, ajoute Philippe Waechter. Pour les deux trimestres suivants, l’activité pourrait au mieux se stabiliser. Dès lors, sur l’ensemble de l’année, le PIB pourrait reculer au moins de 10 à 15% par rapport à 2019.»
Une récession sévère qui se profile également dans les autres pays européens. La Commission européenne a prévenu les ministres des finances de la zone euro, lors de l’Eurogroupe, que la contraction pourrait atteindre 10% cette année, selon Reuters. Les principaux instituts d'études économiques allemands s’attendent à une chute de 9,8% du PIB au deuxième trimestre, deux fois plus qu’après la crise de 2008. Entre janvier et mars, elle serait déjà de 1,9%. Les instituts tablent sur une diminution de 4,2% pour l’ensemble de l’année.
De son côté, le patronat espagnol (CEOE) anticipe une contraction comprise entre 5% et 9% en 2020, en fonction de la levée des arrêts d’activités. Le gouvernement espagnol n’a pas donné jusqu'à présent d’estimation chiffrée sur l’impact économique de la crise.
La banque centrale belge a de son côté indiqué que l’économie pourrait se contracter de 8% cette année, tandis que l’institut d’émission autrichien a évalué à 2,8 points de PIB l’impact des cinq semaines de confinement.
«Plus que l’ampleur de la contraction, ce qui compte désormais est la vigueur de la reprise», juge Olivier Vigna. La plupart de ces institutions anticipent une forte reprise dès 2021. Les instituts de conjoncture allemands précisent néanmoins que dans un scénario de confinement long la récession serait plus profonde et la reprise moins soutenue. La Banque centrale belge juge que ce rebond ne sera possible que si «la phase aiguë de la crise (concentrée sur la première moitié de 2020) n’inflige pas de dommage substantiel au potentiel productif de l’économie».
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