
ETF BTC Spot, au tour de la France d’innover ?

aPar une décision du 10 janvier 2024, la Securities and Exchange Commission (SEC) a approuvé la commercialisation aux Etats-Unis de 11 fonds d’investissement indiciels cotés (ETF) investissant directement en bitcoins, dits « ETF BTC Spot ». Cette décision marque un tournant dans l’approche adoptée jusque-là par l’autorité américaine face à ce type de produits financiers et possiblement pour cette industrie.
L’historique : des réticences initiales de la SEC
Des produits financiers permettant une exposition indirecte aux crypto-actifs existent depuis longtemps aux Etats-Unis. Pourtant, la SEC n’avait jusque-là jamais autorisé de fonds d’investissement régulé, visant des investisseurs non-professionnels, à détenir directement des crypto-actifs tels que le BTC.
Pour autoriser de tels produits, la SEC doit valider la modification des règles de fonctionnement des places de marché où seraient cotés ces fonds et s’assurer que ces règles permettent de prévenir les fraudes et les manipulations de marché. Or, en matière d’ETF BTC Spot, la SEC a considéré jusque-là que ce critère n’était pas satisfait.
Toutefois, elle a été contrainte de revoir son approche par une décision de la cour d’appel du district de Columbia d’août 2023, la cour ayant estimé que la SEC n’avait pas suffisamment justifié, dans ses décisions passées, les raisons de son refus.
La décision : l’autorisation de produits retail avec des BTC comme sous-jacent direct
Le 10 janvier dernier, la SEC admet pour la première fois que l’accord conclu entre les places de marché où seraient cotés les ETF BTC Spot et le Chicago Mercantile Exchange (CME) – où sont traités des contrats dérivés sur BTC – peut être considéré comme un moyen adapté à la prévention des fraudes et des manipulations de marché. Elle s’appuie notamment sur les analyses de marché fournies par les requérants démontrant une corrélation entre le prix du BTC sur certaines plateformes et les dérivés afférents traités sur le CME.
La SEC semble aussi raisonner en opportunité. Elle souligne que le BTC est un actif volatil, possiblement risqué pour certains investisseurs et que sa conservation peut faire l’objet d’attaque. Elle rappelle toutefois que les parts ou actions des ETF autorisés sont des instruments financiers. En tant que tels, leur commercialisation sera encadrée, notamment par les obligations fiduciaires imposant aux intermédiaires financiers de veiller à la compréhension par les investisseurs des risques des produits dans lesquels ils investissent.
L’impact marché aux Etats-Unis : une demande manifeste des investisseurs
Avec cette décision, la SEC permet la commercialisation d’ETF (exchange-traded funds) gérés par certains leaders mondiaux de l’industrie de la gestion d’actifs, dont BlackRock ou Fidelity. Elle officialise clairement une nouvelle étape dans l’implication croissante de l’industrie financière institutionnelle dans le marché crypto.
Cette implication ne se restreint pas aux seuls gestionnaires des ETF mais touche tout l’écosystème afférent, dont les participants autorisés ou leurs dépositaires comme Macquarie ou Bank of New York Mellon. Ces acteurs interviennent aux côtés de certains pure players crypto, comme Coinbase, chargé de la conservation des BTC dans lesquels la plupart de ces ETF investissent. L’autorisation de ces produits apporte une preuve supplémentaire des synergies possibles entre ces deux catégories d’acteurs et de la dissipation des frontières entre elles.
D’un point de vue financier, le développement des ETF BTC Spot connaît un franc succès. Certains d’entre eux atteignaient plus d’un milliard de dollars d’encours à peine quinze jours après leur autorisation. Cette collecte record témoigne de l’attrait des investisseurs pour s’exposer à cette classe d’actifs via un produit régulé.
Le corollaire de ce succès sur le marché américain est une compétition accrue entre gestionnaires pour attirer les investisseurs. Tous les ETF ayant été autorisés en même temps, ils doivent se démarquer notamment via des frais significativement réduits. La procédure suivie par l’autorité pour autoriser les 11 ETF en même temps pourrait d’ailleurs avoir été guidée par la volonté de n’octroyer aucun « first mover advantage » (voir le statement de M. T. Uyeda du 10 janvier 2024).
En parallèle, l’industrie de la gestion d’actifs américaine prépare des produits comparables ayant pour sous-jacents d’autres crypto-actifs, en particulier l’ether. Toutefois, l’autorité américaine a récemment repoussé sa décision sur ces produits, laissant planer le suspense sur la portée à donner à sa décision du 10 janvier et son applicabilité à d’autres cryptos.
Les perspectives en Europe : la France pionnière ?
Face à cette nouveauté sur le marché américain, l’Union européenne ne compte pas de produit similaire permettant aux non-professionnels de s’exposer au marché des crypto-actifs via un produit financier régulé de façon harmonisée au niveau européen.
La principale raison est que les ETF européens prennent le plus souvent la forme d’OPCVM. Ils sont soumis à des exigences strictes en termes d’actifs éligibles et de diversification incompatibles avec la création d’un fonds ETF mono sous-jacent tel que le BTC.
Pourtant, à la différence des Etats-Unis, l’Union européenne vient d’adopter un régime harmonisé pour les activités sur crypto-actifs : le règlement MiCA, dont l’application débute en juillet 2024. MiCA apporte des réponses solides sur différentes préoccupations structurantes pour la SEC, dont les conditions dans lesquelles les crypto-actifs comme le BTC se traitent sur les exchanges, la prévention des abus de marché pouvant s’y produire ou les exigences pour sécuriser leur conservation.
En outre, si la réglementation des OPCVM empêche la création d’ETF BTC Spot en Europe sous cette forme, les fonds indiciels cotés peuvent également être structurés comme fonds d’investissement alternatifs (FIA). Or le fonctionnement de ces derniers est régi par le droit national. En France, certains FIA destinés aux professionnels sont déjà autorisés expressément à investir en actifs numériques.
Les évolutions de marché aux Etats-Unis, les réponses spécifiques aux crypto-actifs introduites par MiCA et la volonté politique de faire de la France un leader de l’innovation en matière de finance numérique pourraient justifier un pas supplémentaire, en envisageant les réformes nécessaires pour créer en France des produits similaires à ceux récemment autorisés outre-Atlantique. A cet égard, le projet de loi actuel sur la compétitivité pourrait être le véhicule approprié, pour asseoir le leadership de la France sur ces sujets et encourager plus largement un débat européen sur ce sujet.
Plus d'articles du même thème
-
State Street IM et Blackstone s'associent pour créer un ETF sur la dette collatéralisée européenne
Ce lancement s'appuie sur le partenariat déjà existant entre les deux sociétés de gestion aux Etats-Unis. -
UBS AM liste quatre ETF construits autour des «Mega Cap»
Le fournisseur segmente les indices MSCI World et MSCI USA en expositions autour des plus importantes capitalisations et... sans elles. -
BNP Paribas AM se dote d’une gamme complète d’ETF actifs
La filiale de gestion de BNP Paribas vient de lancer six ETF « enhanced alpha » en s’appuyant sur ses équipes de gestion quantitative.
A la Une

Dimensional Fund Advisors va lancer ses premiers ETF en Europe
Contenu de nos partenaires
-
Editorial
Un Premier ministre en zone de grand danger
Le nouveau locataire de Matignon devra lutter contre les apparences, celles d’être le simple représentant d’un Président isolé et sans majorité, recroquevillé sur ses proches -
Portait
Lecornu à Matignon : Sébastien le discret, fidèle parmi les fidèles
Politique jusqu'au bout des ongles, ministre passionné des Armées, plus ancien ministre d'Emmanuel Macron, le gaulliste Sébastien Lecornu est peu connu du grand public -
Nouveau Premier ministre : Sébastien Lecornu, fidèle et discret soldat d'Emmanuel Macron
Paris - Venu de la droite, discret au point d'être quasi inconnu du grand public, Sébastien Lecornu, nommé Premier ministre à 39 ans, est un compagnon de route du chef de l’Etat depuis 2017, devenu un rouage essentiel de la macronie. De tous les gouvernements depuis la première élection d’Emmanuel Macron, il a déjà manqué de peu Matignon l’année dernière. Celui qui n’a «jamais complètement défait» ses cartons depuis la dissolution devait déjà être nommé rue de Varenne le 13 décembre avant que François Bayrou ne s’impose au forceps. Malgré l’absence de majorité et l’instabilité politique qui en découle depuis 2022, Sébastien Lecornu s’est maintenu au poste stratégique de ministre des Armées depuis trois ans, où il a connu pas moins de quatre Premiers ministres, Elisabeth Borne, Gabriel Attal, Michel Barnier, et François Bayrou. Peu loquace publiquement à son poste de gardien de la «grande muette», Sébastien Lecornu est aussi un homme politique réservé. C’est en grande partie en coulisses qu’il a étendu son influence. «C’est un fidèle de Macron qui ne lui fera pas d’ombre. Son bilan à la défense est plutôt bon», relève auprès de l’AFP un diplomate sous couvert de l’anonymat. Leur proximité remonte en partie au mouvement des Gilets jaunes, après lequel M. Lecornu avait co-animé les «grands débats». «Lecornu, c’est le bon soldat qui par ailleurs n’a pas trop de charisme», ajoute un conseiller ministériel. «Manoeuvrier» Proche de Gérald Darmanin et d’Edouard Philippe, issus comme lui de la droite, il s’est illustré politiquement par ses négociations pied à pied avec les parlementaires de tous bords pour faire adopter, à la quasi unanimité, la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, en hausse de 40% par rapport à la précédente. «Il est apprécié sur tous les bancs de l’Assemblée», selon un ancien membre de la commission Défense de l’Assemblée qui décrit «un animal politique": il maîtrise ses dossiers, répond sans regarder ses notes et distribue alternativement à ses adversaires flagorneries et tacles appuyés. Mais «ce n’est pas difficile» de faire passer un budget en hausse, modère un responsable du bloc central, qui le voit davantage «manœuvrier» et pointe la montée du RN dans son département de l’Eure. Reste à savoir si cet homme, jugé «habile» par un responsable socialiste, saura convaincre le PS avec qui Emmanuel Macron a demandé de travailler. «Il comprend vite les choses», mais «il est plus à droite que Bayrou», note le même. Il a été épinglé dans la presse pour un dîner avec Marine Le Pen, ce qui en fait «l’homme de la négociation avec le RN dans la psyché socialiste», selon une ministre. Sur le budget, alors que son prédécesseur a été accusé de dramatiser la question de la dette, Sébastien Lecornu affirmait récemment ne pas croire que le FMI soit «aux portes de Bercy» mais se dit certain que «si nous ne faisons rien, le pays va s'étouffer à petit feu». Réserviste Il reste conscient qu’"accepter ce job (de Premier ministre), c’est accepter de mettre les deux doigts dans la prise et que ça continue de grésiller», glisse un proche. Originaire de Normandie, petit-fils de résistant, il a un temps pensé faire Saint-Cyr mais s’est lancé très jeune en politique. Sa carrière a débuté à droite, à l’UMP puis chez les Républicains (LR), battant plusieurs records de précocité. Assistant parlementaire à 19 ans, il devient en 2008 le plus jeune conseiller dans un cabinet ministériel -celui de Bruno Le Maire aux Affaires européennes- puis en 2015, le plus jeune président d’un département, l’Eure, après avoir été maire de sa ville, Vernon. Propulsé au gouvernement à 31 ans, il passe par plusieurs ministères : l’Ecologie, les Collectivités, l’Outre-mer, puis les Armées. Réserviste de la gendarmerie dans l’Eure, cet amateur d’histoire élu sénateur en 2020 répétait vouloir rester aux Armées, citant régulièrement l’action de son lointain prédécesseur Pierre Messmer, inamovible titulaire du portefeuille sous le général de Gaulle. S’il reste discret dans les médias, il a pris la lumière avec la guerre en Ukraine, s’efforçant de mettre en musique le «réarmement» du pays ordonné par le chef de l’Etat ou les garanties de sécurité que les Européens seraient susceptibles d’apporter à Kiev. Il a été aussi en première ligne dans l’intensification de la coopération européenne en matière d’industrie de défense, notamment avec l’Allemagne. Face à ce qu’il voit comme le «plus gros dérèglement géopolitique depuis la Seconde guerre mondiale», il a bénéficié pour son ministère d’un budget en ascension constante, à l’inverse de la plupart de ses collègues. Après l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, c’est lui qu’Emmanuel Macron a envoyé en tournée régionale pour négocier la libération d’otages français retenus dans la bande de Gaza et incarner la position française. Anne RENAUT © Agence France-Presse