
« Le marché des ETF a encore une belle marge de progression »

Après une très bonne année 2017 pour les ETF et une collecte record pour iShares (+246 milliards de dollars), comment se présente 2018 ?
Sur le premier semestre, il y a eu un fort ralentissement de la collecte nette sur le marché global (+218 milliards de dollars au lieu de +340 sur la même période en 2017), avec des clients qui ont réduit le risque de leurs portefeuilles, et apprécient justement cette faculté des ETF de leur permettre de rentrer et sortir rapidement de certaines classes d’actifs. Mais attention, sur le long terme, il existe d’importants relais de croissance pour ce marché des ETF qui grossira encore de 15 % à 20 % par an pour atteindre environ 12.000 millards de dollars d’ici à 2023. Si les marchés devaient rester volatils, l’objectif sera alors atteint seulement en 2025, mais la tendance restera pour diverses raisons : un excellent rapport qualité-prix ; les difficultés des gérants actifs à générer de l’alpha ; une bonne alternative à d’autres dérivés (futures, credit default swaps) pour les institutionnels ; la bonne réponse aux gestions de patrimoine/gestions privées qui voient leurs manières d’être rémunérées évoluer.
Quel est l’impact de la réglementation MIF 2 en Europe ?
Les ETF devraient y croître encore plus pour gagner une clientèle « retail » auprès de laquelle ils sont encore peu présents, alors qu’elle représente la moitié des encours aux Etats-Unis. Evidemment, la demande pour plus de transparence sur les portefeuilles et sur les frais est un changement capital. MIF 2 accélère les modèles de gestion de patrimoine basés sur les commissions où les conseillers sont payés par l’investisseur et non par le produit comme avec les rétrocessions. Cette réglementation encourage une plus grande information sur les frais. Elle révèlera des coûts élevés compte tenu des rendements, incitant les conseillers à avoir recours aux ETF pour atteindre les objectifs de placement de leurs clients tout en réduisant les coûts.
En 2012-2013, quatre marchés avaient connu un mouvement similaire : l’Australie, le Royaume-Uni avec la Retail Distribution Review (RDR), les Pays-Bas avec l’interdiction sur les rétrocessions et la Suisse. Cette dernière a créé une obligation de transparence similaire à MIF 2 sur les différentes catégories de frais : l’approche des banques privées a radicalement changé. Elles se sont orientées vers un modèle tarifaire et une recherche des produits plus low cost. La gestion de patrimoine européenne devrait ainsi augmenter la part des ETF et de gestion indicielle dans les portefeuilles qui doublera d’ici 2023 : par exemple de 20 % à 30 % au Royaume-Uni, ou de 6 % à 18 % en Allemagne. Même si les clients privés ne placeront pas 100 % de leurs actifs en ETF, même à long terme, car leurs conseillers doivent encore avoir une « histoire » à raconter. Nous en sommes conscients, et c’est pourquoi nous ne pensons pas que les clients privés placeront 100% de leurs actifs en ETF, même à très long terme. Cela pourrait être 30%, le reste étant placé en valeurs mobilières ou en fonds actifs. Encore une fois, tant que les gestions de patrimoine étaient rémunérées sur le produit, il n’y avait pas vraiment de raison que ça change (quelles que soient les performances, ndlr), au contraire, il fallait maintenir les commissions élevées. Mais ce n’est plus le cas, et ces mêmes conseillers recherchent désormais à délivrer de l’alpha et proposer des produits moins chers, au bénéfice de la gestion indicielle dans les portefeuilles.
Est-ce que cela met en risque des sociétés de gestion ?
Pas forcément, cela reste un métier avec de belles marges, de l’ordre de 30%, une activité plutôt saine. Le problème n’est pas l’opposition entre la gestion active et la gestion passive. Le problème, c’est la question du nombre d’intervenants : il y a beaucoup de gestionnaires, mais la transparence accrue sur les marchés amène aussi tout le monde à avoir la même information, les mêmes données sur les résultats des sociétés, en même temps, et à investir de manière plus homogène. Cela rend plus difficile pour un investisseur de choisir les gestionnaires qui offriront en effet une performance supérieure à la moyenne. La croissance pour les gestionnaires actifs sera moins forte. Certains acteurs peuvent disparaître, mais les bons investisseurs alpha auront toujours leur place.
Quelle est la répartition des actifs d’iShares ?
Nous avons près de 1.800 milliards de dollars d’actifs sous gestion au sein de nos ETF, dont environ 1.400 milliards en ETF américains et 353 milliards en ETF Ucits. Environ 20% des investisseurs sur des ETF américains ne sont pas basés aux États-Unis (fonds de pension mexicains, gestionnaires de fortune chinois, compagnies d’assurance suisses, etc.) et investissent dans ces véhicules plutôt que dans des fonds européens pour bénéficier d’une meilleure liquidité (avec des spreads bid-ask de 1-2 pb contre 10-15 pb en Europe sur certaines expositions) et de possibilités d’arbitrage via des stratégies optionnelles. De nombreux clients non européens sont également investis dans des ETF européens, notamment pour des raisons fiscales.
Par classe d’actifs, les ETF actions représentent environ 1.300 milliards de dollars (dont 110 milliards en ETF smart beta), 403 milliards en ETF obligataires/de taux et 25 milliards en ETF matières premières (essentiellement de l’or).
Prévoyez-vous toujours un fort développement des ETF obligataires et des ETF smart beta ?
Placer les facteurs en tant qu’éléments fondamentaux dans les portefeuilles de nos clients reste un objectif-clé pour iShares. Ce sont des concepts relativement nouveaux pour les investisseurs en ETF, que nous pensons pouvoir aider à construire un portefeuille plus cohérent que via un indice par capitalisation en se basant sur un (ou des) facteur(s) de surperformances comme les actions momentum ou les actions value, mais aussi de manière plus rationnelle et à moindre coût par rapport à ce que proposent les gérants actifs. Concernant l’utilisation des ETF obligataires, nous sommes convaincus qu’elle passera de 815 à 2.800 milliards de dollars d’ici à 2023. Mais il faudra de la pédagogie : les ETF sont synonymes de transparence des prix, de simplicité et de liquidité, alors que les marchés obligataires sont souvent compliqués, opaques sur les prix et illiquides. Si les ETF ne sont forcément pas utiles pour certains grands institutionnels ayant les équipes pour investir sur les obligations et les détenir sur le long terme, ils peuvent en revanche être intéressants pour des compagnies d’assurance qui ont des difficultés à trouver de la liquidité pour construire ou liquider rapidement un portefeuille obligataire : elles peuvent par exemple commencer par acheter un ETF pour le liquider contre les titres sous-jacents ou échanger des titres existants dans leur portefeuille contre des parts d’un ETF correspondant qui est plus facile à liquider sans avoir besoin d’une table de trading. La gestion financière de ces institutions est souvent guidée par leur passif, et donc par des maturités bien définies, ce qui les amènent à nous interroger sur des ETF obligataires à échéance que nous pouvons construire efficacement avec les titres correspondant pour répondre à ces besoins spécifiques de liquidité.
Quels sont vos autres axes de développement ?
Nous croyons aussi beaucoup aux ETF « durables » ou ISR. Cela passe par une redéfinition des indices afin de tenir compte des champs d’exclusion (par exemple les armes à feu) et/ou d’atteindre un objectif extra-financier (réduction de l’empreinte carbone). Au départ, seuls quelques fonds de pension d’Europe du Nord ou du Japon nous interpelaient sur ces sujets, mais désormais, cette tendance est plus globale.
Que répondre aux critiques régulières sur les problématiques de gouvernance et d’allocation auxquelles ne répondraient pas les ETF ?
Larry Fink (PDG de BlackRock, NDLR) a rappelé dans sa lettre aux CEO notre responsabilité envers la société en général et pour soutenir une croissance durable au travers des entreprises inclues dans les indices que nos produits répliquent en les encourageant à adopter un objectif social qui permettra d’améliorer leur performance dans une logique de long terme. Nous avons par ailleurs nommé une de nos fondatrices, Barbara Novick, qui reporte directement à Larry Fink, à la tête de l’équipe « stewardship ».
Par ailleurs, les profils de nos clients sont multiples, tout comme leurs opinions, et être indépendant dans nos choix de votes est pour BlackRock la seule façon de représenter au mieux tous nos clients. Concernant les actions sans droit de vote, qui ont fait l’objet de discussions en 2017, c’est aux régulateurs de définir les normes en matière de gouvernance : une organisation globale (comme l’International Organization of Securities Commissions, IOSCO) serait bien placée pour suggérer des standards de listing que les régulateurs nationaux pourraient utiliser.
Quant à l’absence d’allocation (critique de l’« argent aveugle », NDLR), nous proposons quand même 320 ETF rien qu’en Europe, ce qui offre beaucoup de choix aux investisseurs. Plus généralement, il est important de noter que la gestion indicielle ne représente encore que 16 % des encours sur les actions globales (et beaucoup moins en termes de volume de trading ), ce qui laisse beaucoup d’autres outils aux investisseurs, et des opportunités pour les gérants actifs de générer de l’alpha. Cependant, les gérants qui délivrent une surperformance consistante sont difficiles à trouver, et il arrive que les fonds passifs puissent être amenés à surperformer les fonds actifs nets de frais de gestion.
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Yémen : 35 morts et 131 blessés dans des raids israéliens sur les Houthis
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