A vouloir être trop disruptif, on se prend parfois les pieds dans le tapis. C’est ce qui semble être en train d’arriver à Stuart Kirk, en charge de l’investissement responsable chez HSBC Asset Management, qui lors d’une conférence organisée par le Financial Times et intitulée «FT Live Moral Money Summit Europe», a déclaré que «le changement climatique n’est absolument pas un risque financierdont nous devons nous inquiéter». On peut même lire dans sa présentation, visible sur YouTube depuis que le Financial Times l’a mise en ligne, que «les avertissements apocalyptiques non fondés, stridents, partisans et intéressés ont TOUJOURS tort». Sa direction s’est depuis lors désolidarisée de ces propos et le banquier a été suspendu de ses fonctions, selon un article du FT publié dimanche. Stuart Kirk commence sa conférence en déclarant qu’au cours de ses 25 années de carrière dans le secteur financier, «il y avait toujours un cinglé qui [lui] parlait de la fin du monde», faisant référence par exemple «au bug de l’an 2000". Il se dit ainsi en total désaccord avec les présentations précédentes de la conférence prévenant que «l’humanité n’allait pas survivre(au réchauffement climatique)». «Mais pourtant, personne n’est sorti de la salle en courant malgré que l’on vous ait dit que vous n’alliez pas survivre. Vous avez tous continué à faire comme si de rien n’était et à consulter vos téléphones mobiles». La raison? Les avertissements de ce genre sont tellement catastrophiques, qu’ils ne sont plus audibles. Mais plus encore, ce sont des risques de long terme qui sortent du champ d’activité de la plupart des financiers. Il cite ainsi l’exemple de sa propre banque dont les durées moyennes des prêts sont de 6 ans. « Ce qui arrive à la planète la septième année n’est en fait pas pertinent pour notre portefeuille de prêts », fait-il part avec une franchise assez déconcertante. Il mentionne également le fait que les indices boursiers ont grimpé depuis 1930 malgré la traversée des guerres mondiales, des catastrophes naturelles, des pandémies, etc. mettant en avant le sens de l’adaptation de l’humanité face à tous les dangers. «Les êtres humains se sont adaptés d’une manière fantastique au changement, aux urgences climatiques, et nous continuerons à le faire. Qui se soucie que Miami soit six pieds sous le niveau de la mer dans 100 ans ? Amsterdam est six pieds en dessous du niveau de la mer depuis des lustres et c’est un endroit très agréable à vivre », commente-t-il. Pourtant, les évolutions réglementaires sur le changement climatique lui demandent « un niveau de travail considérable ». Tout cela alors que, pendant ce temps, l’action de la chaîne de supermarchés américaine Target avait perdu 25% en une seule séance à cause d’une baisse des ventes liée à l’inflation. Et que dans le même temps sa banque «est attaquée par les cryptos, qu’il y a des régulateurs aux Etats-Unis qui essaient de nous arrêter, que avons le problème de la Chine , une crise du logement qui se profile, que nous avons des taux d’intérêt qui augmentent, de l’inflation qui arrive par tous les tuyaux, et on me dit de passer mon temps à examiner quelque chose qui va se produire dans vingt ou trente ans, a-t-il expliqué. «C’est complètement disproportionné.» Des stress tests biaisés des banques centrales Durant son intervention, il s’en prend également aux banques centrales et plus particulièrement à la banque d’Angleterre et celle des Pays-Bas. Reprenant les propos de l’ex-gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney, qui avait dit que « le changement climatique éclipsera la douleur du coût de la vie,» Stuart Kirk commente ainsi : « je comprends tout à fait qu'à la fin de votre carrière dans une Banque centrale, il reste encore beaucoup, beaucoup d’années à remplir. Vous devez dire quelque chose, vous devez voyager dans le monde entier pour participer à des conférences, vous devez faire mieux que le type d’après, mais j’ai l’impression que cela devient un peu hors de contrôle.» Allant encore plus loin, Stuart Kirk suggère que les modèles financiers des Banques centrales relatifs stress tests climatiques sont biaisés pour obtenir le résultat qu’elles recherchent. « Même avec une taxe sur le carbone, même en frappant la croissance, elles n’ont pas réussi à faire bouger le risque climatique. Alors elles ont dû demander à leurs astucieux techniciens en coulisse de faire passer un gigantesque choc de taux d’intérêt dans leurs modèles afin de faire les gros titres.» La vidéo, vue plus de 20.000 fois a suscité des réactions de la part des dirigeants de HSBC. Nicolas Moreau, le directeur général de HSBC Asset Management, a ainsi réagi auprès d’Investment Week en assurant que les propos de Stuart Kirk « ne reflètent en aucun cas le point de vue de HSBC Asset Management ou du groupe HSBC». « HSBC Asset Management s’engage à conduire la transition vers une économie mondiale durable et a la responsabilité fiduciaire de s’assurer que les fonds de ses clients sont gérés pour des résultats environnementaux et sociaux positifs à long terme », ont-ils déclaré. « HSBC considère le changement climatique comme l’une des urgences les plus graves auxquelles la planète est confrontée, et s’engage à soutenir ses clients dans leur transition vers le zéro net et un avenir durable et, comme HSBC Asset Management, s’engage à atteindre le zéro net d’ici 2050. »