SIX Financial Information (SIX FI) est l’une des quatre activités du groupe SIX, l’opérateur boursier suisse. Cette filiale représente 40% des revenus du groupe et emploie plus de 1.000 personnes. Depuis quelques années, ce serait un euphémisme de dire que son activité a évolué. Poussé par l’empilement de nouvelles réglementations de protection et d’information aux investisseurs entre MIFID 2 et Priips mais aussi les changements de lois fiscales propres à chaque pays et en particulier aux Etats-Unis, SIX FI joue désormais dans la cour des grands fournisseurs d’information financière. Mais il a la particularité, contrairement à ses grands concurrents, de ne pas être américain et de ne pas fournir des services annexes comme le trading, la valorisation ou même les «chats». La filiale se concentre sur une activité: les données financières. Elle les agrège, les filtre, les normalise et les enrichit quotidiennement. Cette activité concerne toutes les classes d’actifs, soit un total de 32 millions d’instruments financiers dont 500.000 fonds. En France, elle est connue pour avoir racheté il y a quelques années Europerformance, une structure qui analyse la performance des fonds d’investissements. Parmi les évolutions réglementaires qui ont fortement touché l’activité de SIX FI, citons celle de la fiscalité américaine. On pense en général à Fatca, mais il existe aussi la fiscalité dite IRC (Internal Revenue Code) Section 871(m) qui concerne la retenue à la source des dividendes sur actions américaines pour tout produit financier qu’il soit américain ou non. Cette norme, entrée en vigueur cette année en Suisse et qui devrait arriver dans le reste de l’Europe fin 2021, stipule que tout établissement financier doit informer le fisc américain dès lors qu’un de ses produits détient un titre d’une entreprise américaine. C’est le cas par exemple d’un fonds international qui détiendrait une action Apple. Les dividendes versés doivent être déclarés et les banques ont l’obligation d’informer leurs clients non seulement sur les produits cash mais aussi sur les produits dérivés. «C’est d’une très grande complexité pour tout le monde», note Robert Jeanbart, directeur général de SIX FI de passage à Paris à la rédaction de L’Agefi. En Europe, MIFID 2 et Priips obligent aussi par exemple un émetteur à définir son marché cible et le profil de risque de son émission. Une obligation dont SIX a su tirer profit pour développer d’autres services. «Nous avons enrichi cette obligation légale par la création d’une plateforme centrale, une sorte de «hub», où un émetteur, un distributeur et un investisseur peuvent à travers cette plateforme valider plusieurs questions avant la réalisation d’une transaction», explique Robert Jeanbart. Des éléments laborieux et très manuels que la plateforme propose de faire à la place de ses clients assets managers ou banques. «Nous avons plus de 20 millions de types de documents réglementaires. C’est un chiffre gigantesque lié à la multitude d’instruments financiers mais aussi au fait qu’ils sont traduits dans 8 langues différentes», explique le dirigeant. Sans compter que si certains produits financiers sont voués à disparaitre car ils ont une durée de vie limitée (comme certains produis structurés), tout document doit rester disponible des années au cas où une procédure d’audit serait nécessaire. Le défi des données ESG Comme si cela ne suffisait pas, un autre défi est venu s’ajouter, celui des données ESG (Environnement, social et gouvernance), de plus en plus réclamées par les investisseurs pour mieux contrôler leurs risques ou se conformer à leurs législations. «Pour vous donner un exemple, nous répertorions de façon classique 32 millions d’instruments financiers qui vont chercher des données dans 1.800 sources d’informations financières. Sur l’économie verte, c’est potentiellement 300.000 sources d’informations supplémentaires », explique Robert Jeanbart. Le groupe a aussi développé un service spécialisé sur les sanctions financières et pénales qui touchent les entreprises et les personnes. Des sanctions souvent liées à des pays sous dictature comme l’Iran. «Mais parfois, les choses changent. Si par exemple demain les Etats-Unis décident que l’Iran n’est plus un pays sanctionné, il faut pouvoir mettre à jour rapidement nos bases de données», explique Robert Jeanbart. Ce service (appelé Sanctioned Securities Monitoring Service) à destination des banques a été lancé il y a 5 ans mais connaît un fort développement depuis peu. La société fait un important travail d’analyse et décortique notamment les organigrammes des sociétés pour retrouver ceux qui se cachent derrière des sociétés écrans. Un service qui pourrait bien intéresser les services fiscaux ou de police, mais jamais une telle demande n’est arrivée à SIX FI, affirme Robert Jeanbart. Tout l’enjeu pour SIX FI est de pouvoir définir quelles sont les sources d’informations fiables. Les réseaux sociaux, par exemple, n’en font pas partie. Et ensuite de compiler, trier, standardiser ces informations, comme la société le fait aujourd’hui pour les autres données. «Cela fait 30 ans que nous faisons de la donnée de référence. Avec l’avènement d’Internet, on nous disait que la donnée serait comme une commodité, qu’elle serait disponible gratuitement partout et que notre business ne pourrait pas durer. Aujourd’hui, l’information c’est juste le pétrole de l’économie. Tout le monde est tellement noyé dans l’information que l’on nous demande justement de la trier, la fiabiliser, de développer des infrastructures et des technologies qui vont pouvoir faciliter la vie de nos clients». La filiale compte encore de beaux jours devant elle...