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Un marché en pleine mutation

Au cours des dernières années, le marché obligataire à haut rendement a connu des évolutions structurelles qui ont façonné son fonctionnement actuel. Premier fait notable, les notations de crédit du high yield se sont améliorées quand celles de l’investment grade ont eu tendance à se dégrader, réduisant de ce fait l’écart de qualité entre les deux segments. « Il y a quinze ans, l’investment grade était composé à plus de 75 % de papier noté A- et au-dessus, donc la proportion de BBB était faible (moins de 25 %), se rappelle Erwan Guilloux. Désormais il comporte 50 % de notations BBB, l’échelle de rating la plus basse. » Sur le haut rendement, le phénomène inverse s’est produit. « Le pourcentage de BB s’élevait à 58 % il y a quinze ans et à 70 % aujourd’hui sur le high yield européen », complète Erwan Guilloux. Cette évolution s’explique notamment par le fait que les crédits les plus risqués ont pu faire appel aux marchés du prêt bancaire et de la dette privée pour se refinancer. « Ainsi les fonds de dette privée ont vu leur taille doubler au cours des six dernières années aux Etats-Unis quand le marché du high yield est resté relativement stable, rapporte Violaine de Serrant. Celui-ci a pu se focaliser sur les entreprises les plus saines. »
En revanche, la taille de ce marché est restée assez stable dans le temps, autour des 350 milliards d’euros, en fonction de la santé des entreprises. « Nous avons connu un pic après-Covid autour de 420 milliards d’euros, car beaucoup de sociétés ont vu leur notation dégradée, décrit Alexia Latorre. Cependant, au fur et à mesure que le marché primaire s’est tari en raison de la hausse des taux d’intérêt et que les ‘rising stars’ ont retrouvé l’univers investment grade, le gisement s’est réduit. » Il s’est en revanche enrichi avec l’essor des obligations hybrides corporate. « L’accroissement du poids des hybrides dans l’indice a permis d’améliorer la diversification sectorielle, avec notamment une forte présence de ces titres dans l’immobilier et les services aux collectivités, deux secteurs qui étaient jusqu’alors peu présents sur le marché », remarque Alexia Latorre. Cela a contribué à dynamiser le high yield. « Les hybrides corporate ont permis de créer des sous-classes d’actifs qui réagissent différemment aux événements de marché », commente Alain Krief. En parallèle, les sociétés de gestion ont multiplié les stratégies, permettant ainsi de satisfaire différentes typologies d’investisseurs, professionnels comme particuliers. « Fonds datés, benchmarkés, de duration courte… la diversité des types d’investissement, tant en termes de sous-jacents que de stratégie, a permis un élargissement du périmètre d’investisseurs et, globalement, une démocratisation de la classe d’actifs », poursuit le spécialiste d’Edmond de Rothschild Asset Management. Aux Etats-Unis, 47 % de la base d’investisseurs dans l’univers du high yield est désormais institutionnelle. « Ces acteurs fonctionnent avec des allocations de long terme et une exposition structurelle au high yield, ce qui apporte de la stabilité à la classe d’actifs et réduit la volatilité », constate Violaine de Serrant.
La hausse de la demande pour une offre constante a eu pour effet de soutenir la valorisation du marché. Et ces paramètres techniques restent en soutien de la classe d’actifs. « Le high yield est encore sous-représenté dans les allocations mais on voit quand même de plus en plus d’intérêt pour cette classe d’actifs qui offre beaucoup de rendement pour un risque de taux limité », souligne Erwan Guilloux. Quant aux nouvelles émissions, elles demeurent limitées à l’heure actuelle et n’auront pas d’impact sur la taille du marché tant qu’il s’agira exclusivement de refinancement.