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Capital humain : vecteur essentiel de la création de valeur des entreprises

Columbia Threadneedle Investments
[Columbia Threadneedle Investments] Souvent négligé par les investisseurs, le capital humain constitue désormais un élément important de la stratégie de compétitivité des entreprises.
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Le processus de création de valeur des entreprises a subi une profonde transformation. Les actifs incorporels d’une entreprise tels que le capital humain et la propriété intellectuelle constitue désormais un élément important de la stratégie de compétitivité des entreprises. En 1985, les actifs incorporels représentaient 32 % de la valeur de marché du S&P 500, contre plus de 90 % aujourd’hui.1 De nombreux secteurs, dont la biotechnologie, les logiciels, la communication et la santé, montrent que le champs des compétences occupent une place croissante dans l'économie mondiale.

Toutefois, dans la mesure où les principes comptables ont été créés à une époque où les salariés étaient considérés comme un facteur de production peu qualifié en soutien des actifs physiques, la main-d’œuvre était comptabilisée comme une charge dans le compte de résultat plutôt qu’un actif au bilan. Cette charge forme généralement le principal poste des charges d’exploitation dans le compte de résultat, représentant en moyenne 20 à 35 % du chiffre d’affaires.2

Par conséquent, les investisseurs ne sont pas en mesure d’évaluer précisément comment les entreprises gèrent leur « plus grand atout », pour reprendre l’expression utilisée par Anne Mulcahy, ancienne CEO de Xerox, en 2003 pour désigner ses collaborateurs.3 Chez Columbia Threadneedle Investments, nous sommes convaincus que les entreprises qui envisagent leur capital humain comme un atout et qui alignent leurs investissements stratégiques dans la gestion de ce capital sur leur stratégie opérationnelle en tireront un avantage concurrentiel.

Présentation du cadre des « Cinq S de la gestion du capital humain »

Pour évaluer la façon dont les entreprises en portefeuille gèrent leur capital humain, nous avons créé le « Cadre des cinq S de la gestion du capital humain ». Ce cadre, qui expose les cinq facteurs qu’une entreprise devrait prendre en compte dans la gestion du capital humain (illustration 1), permet à nos analystes d’identifier les « bons élèves ». Ces « bons élèves » font office de référence dans leur secteur et constituent le point de départ des échanges avec les équipes de direction sur leur gestion du capital humain. A plus long terme, ce cadre nous permettra d’identifier et de valoriser les entreprises qui gèrent de manière efficace et proactive les risques et opportunités liés à la gestion du capital humain, ce qui devrait soutenir la performance.

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Site (situation géographique)

Cela fait plusieurs siècles que les entreprises délocalisent leur production vers des pays où la main-d’œuvre est bon marché. Mais aujourd’hui, plusieurs facteurs incitent celles-ci à relocaliser le capital humain afin notamment de bénéficier de bassins d’emploi plus vastes, de pouvoir recruter plus facilement les talents et de sécuriser les chaînes d’approvisionnement.

Le facteur « Site » consiste à évaluer dans quelle mesure une entreprise exploite les éventuelles opportunités liées à la localisation de son capital humain et atténue les risques potentiels.

La prise en considération du facteur « site » dans la gestion du capital humain peut offrir quatre opportunités :

1. Bien que le taux de croissance des échanges commerciaux de biens ralentisse, la mondialisation n’a pas dit son dernier mot. La relocalisation de la main-d’œuvre dans des régions à bas coûts peut encore être source d’opportunités, même si l’émergence de la classe moyenne dans les économies en développement est un facteur potentiellement limitant.

2. Les opportunités futures de la mondialisation résident dans les services. Si le commerce de biens dépasse de loin les échanges de services, la croissance de ces derniers est supérieure de 60 % à celle des premiers.4 Le télétravail durant la pandémie, tout comme les avancées technologiques, ont incité les entreprises à relocaliser leur capital humain dans le secteur des services.

3. La gestion des chaînes d’approvisionnement est de plus en plus axée sur la résilience, notamment parce que les perturbations occasionnées par la pandémie ont mis en lumière les failles des chaînes existantes. Les entreprises cherchent à accroître la visibilité, l’efficacité et la résilience en modifiant l’implantation physique de leurs chaînes d’approvisionnement.

4. Les Etats veulent sécuriser la production des industries critiques dans leur pays et prennent des mesures pour encourager les entreprises à relocaliser leur production. Les mesures incitatives prévues par la loi américaine sur la réduction de l’inflation et le plan industriel du Pacte vert de l’UE poussent de nombreuses entreprises à modifier leur stratégie d’investissement dans le capital humain.

Etude de cas concernant le facteur « Site » – Publicis

Publicis, groupe publicitaire français, illustre parfaitement la gestion efficace du capital humain du point de vue du facteur « site ». Michel-Alain Proch, nouveau CFO du groupe depuis 2020, issu du secteur de la technologie, a entrepris de relocaliser le capital humain. Cette stratégie a été incontestablement accélérée par l’impact de la pandémie et Arthur Sadoun, CEO de Publicis, a reconnu que celle-ci avait dévoilé le potentiel et les avantages d’une main-d’œuvre disséminée dans le monde entier. Publicis reconnaît que cela constitue un avantage concurrentiel et explique en grande partie pourquoi ses marges sont plus élevées que ses pairs. Le groupe est parvenu à ces résultats dans un contexte d’inflation significative des coûts du travail tout en continuant de verser des primes record à ses collaborateurs.

L’approche de Publicis en matière de gestion du capital humain constitue un point de référence clair sur lequel nos analystes actions peuvent s’appuyer pour échanger non seulement avec Publicis, mais aussi avec ses pairs. Grâce à notre cadre des cinq « S », nous pouvons évaluer les éventuelles opportunités pour ses pairs (WPP, Omnicom) d’augmenter leurs marges en externalisant leur production vers des pays où la main-d’œuvre est à moindre coût, d’élargir leurs réserves de talents et d’atténuer certains des risques posés par le manque de personnel hautement qualifié pour la stratégie de l’entreprise.5

Substitution

Depuis la révolution industrielle, les sociétés ont eu recours aux machines pour remplacer leurs salariés. Mais aujourd’hui, de nombreux éléments les amènent à s’intéresser spécifiquement à cette question. La flambée des coûts de l’énergie et l’inflation des salaires ont coïncidé avec de fulgurantes avancées technologiques permettant de répliquer toujours plus de processus de manière robotisée ou numérique. Par ailleurs, une grave pénurie de talents limitant la disponibilité du capital humain, à laquelle se sont ajoutés les impératifs de résilience des chaînes logistiques et d’efficacité opérationnelle, incite d’autant plus les entreprises à évaluer leur gestion du capital humain et, le cas échéant, à appliquer des méthodes alternatives. Alors que les progrès de l’intelligence artificielle (IA) générative ont récemment monopolisé l’attention, la transition numérique a permis d’accélérer la prise de décision et d’améliorer la productivité dans divers secteurs. L’automatisation, depuis des siècles, reste la principale voie utilisée par les entreprises pour remplacer le capital humain. Par exemple, Tesla a récemment annoncé avoir réduit les interventions humaines de 95 % dans l’assemblage de ses ordinateurs embarqués, qui contiennent plus de 7.000 composants.6

Grâce à la substitution du capital humain, les entreprises dans lesquelles nous investissons disposent de belles opportunités de modifier radicalement leur base de coûts et leur productivité. Selon McKinsey, 50% des activités professionnelles actuelles sont techniquement automatisables, tandis que près de 30% des tâches pourraient être automatisées pour six postes sur dix.7 Les répercussions des progrès technologiques pourraient se faire sentir sur un grand nombre de postes existants et un éventail de secteurs encore plus vaste (illustrations 2 et 3).

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On ignore quel sera précisément l’impact à long terme des récents progrès technologiques tels que l’IA sur l’emploi. Selon

Goldman Sachs, l’IA générative pourrait entraîner l’automatisation de quelque 300 millions d’emplois à temps plein.8 Toutefois, l’expérience montre que les emplois remplacés par l’automatisation ont été compensés par la création de nouveaux emplois qui complètent la nouvelle technologie ou l’apparition de nouveaux métiers découlant de cette innovation technologique.

Les investisseurs continueront d’évaluer les risques liés à la substitution pour les stratégies d’entreprise et les économies. Dans un premier temps, les entreprises pourraient enregistrer une hausse des mouvements sociaux en réaction aux suppressions d’emplois, ce qui aura des répercussions sur les ventes et les prévisions des bénéfices. Elles pourraient également avoir besoin d’investir dans leurs effectifs restants afin de s’assurer qu’ils disposent des compétences suffisantes quant à l’utilisation des nouvelles technologies. Enfin, si l’IA se révèle aussi déstabilisante que certains le prédisent, le pouvoir d’achat des personnes ayant perdu leur emploi pourrait en être lourdement affecté, ce qui aura des implications à long terme sur les objectifs de croissance des économies et des entreprises.

Qu’est-ce que la transition du capital humain ? La question a été posée à des chatbots optimisés par l’IA générative. Temps de réponse : <90 secondes. « La transition du capital humain désigne le processus par lequel les sociétés évoluent d’une économie fondée sur les formes de travail traditionnelles vers une économie reposant sur la connaissance et les compétences. Cette transition à l’œuvre depuis des siècles s’est accélérée ces dernières décennies sous l’effet du progrès technologique et de la mondialisation. » BARD

« La transition du capital humain désigne le processus par lequel les économies essentiellement fondées sur le capital physique (machines, bâtiments et infrastructures) évoluent pour reposer principalement sur le capital humain (connaissance, compétences et aptitudes). Cette transition est portée par différents facteurs, dont le progrès technologique, la transformation des structures économiques et l’évolution des valeurs sociales et culturelles. » CHAT GPT

Supply (offre)

Les changements démographiques sont à l’origine d’une baisse de la population en âge de travailler dans de nombreux pays de l’OCDE, ce qui a de lourdes conséquences sur l’offre de main-d’œuvre (illustration 4).

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Ce n’est pas un problème propre aux marchés développés. En effet, les pays émergents tels que la Chine et le Brésil ont également enregistré une forte diminution de la population en âge de travailler qui affectera non seulement les pays mais également l’économie mondiale. La baisse de l’offre de main-d’œuvre n’est pas seulement due aux départs à la retraite des baby-boomers non remplacés, mais tient également au changement d’attitude radical des nouveaux travailleurs qui aspirent à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée que leurs parents, à davantage d’opportunités, à plus d’avantages offerts par les employeurs,, et qui n’hésiteront pas à bouder certains secteurs contraires à leur éthique.9

On observe également une tendance de fond au niveau du volume d’heures travaillées : en Europe, les heures travaillées ont en moyenne baissé de 6,8% entre 1995 et 2019.10 Autre phénomène affectant l’offre de main-d’œuvre, la diminution de la participation au marché du travail. Dans le sillage de la pandémie, nous avons assisté à une « grande démission », lorsque les travailleurs ont estimé que l’équilibre vie privée/vie professionnelle, redécouvert à l’occasion des confinements, était très important. Aux Etats-Unis, près de deux millions de personnes n’ont pas réintégré la vie active. D’après le Bureau of Labor Statistics américain, il n’y a plus que 0,6 personne sans emploi par poste vacant.11 Au Royaume-Uni, 300.000 à 500.000 personnes ne seraient pas retournées travailler.12

Les sociétés les plus exposées à ce facteur sont celles à forte intensité de main-d’œuvre ou disposant d’employés peu

qualifiés, et qui ont subi un taux de rotation du personnel significatif. C’est en observant la façon dont les équipes

dirigeantes parviendront à gérer cette problématique tout en atteignant leurs objectifs de croissance et de bénéfices que

nous obtiendrons des indications sur leur capacité à gérer le capital humain sur le long terme.

Skills (compétences)

Un marché de l’emploi vigoureux, un faible taux de chômage et le vieillissement démographique alimentent une pénurie de compétences à l’échelle mondiale. Ce phénomène touche un vaste éventail de secteurs : d’après ManpowerGroup13, 77% des employeurs ont du mal à recruter les talents dont ils ont besoin. L’année dernière, certaines entreprises actives dans la santé14 et la défense15 ont déclaré que la pénurie de talents avait un impact opérationnel sur les annonces de résultats.

Les entreprises qui engagent une transition vers un modèle économique plus durable dans un monde bas carbone sont parmi celles les plus en demande de compétences. Pour atteindre leurs objectifs de transition, elles doivent soit requalifier leur personnel existant, soit recruter. Lors de la conférence sur la transition énergétique récemment organisée par Columbia Threadneedle Investments, la disponibilité de la main-d’œuvre a été identifiée comme l’un des principaux points de tension soulevés par les équipes dirigeantes avec lesquelles nous avons échangé.

Les incitations gouvernementales à travers le monde visant à augmenter la production d’énergies renouvelables domestiques et à réduire les émissions de carbone pourraient exacerber la pénurie de talents. La loi américaine sur la réduction de l’inflation entend créer 537.000 emplois par an sur les dix prochaines années.16 Pour sa part, le plan industriel du Pacte vert de l’UE estime qu’environ 800.000 travailleurs auront besoin d’une reconversion ou d’un perfectionnement professionnel d’ici 2025 pour que l’Europe puisse devenir un acteur incontournable dans la technologie des batteries durables.17 Les politiques sont adaptées à travers le monde en vue d’inciter les travailleurs disposant des compétences recherchées dans le cadre d’une économie durable à entrer sur le marché de l’emploi.

De nouvelles compétences sont requises pour la construction d’éoliennes dans le secteur des énergies renouvelables ou l’adaptation des flottes des constructeurs automobiles aux véhicules électriques. Certaines entreprises telles que Bosch18 et Shell19 pallient la pénurie de compétences en investissant massivement dans la reconversion de leurs collaborateurs, ce qui leur permet de profiter d’aides de l’Etat et d’atténuer les risques vis-à-vis de leurs objectifs de croissance. En tant qu’investisseurs, cet aspect joue un rôle clé dans notre dialogue avec les entreprises. Nous échangerons avec elles sur la façon dont elles abordent ce facteur, sur les risques qu’une pénurie de compétences peut faire courir à leurs stratégies opérationnelles et à leurs objectifs de résultats, et, au final, sur l’impact qu’elle peut avoir sur leur performance globale.

Stratégie

Dernier « S » du cadre, la stratégie. Ce facteur recouvre les différentes composantes de la stratégie interne de l’entreprise

en matière de capital humain, telles que la planification de la main-d’œuvre (personnel temporaire ou permanent) ou le degré de flexibilité dont bénéficient les employés au niveau de leurs conditions de travail. D’autres aspects incluent les budgets de formation pour les collaborateurs en place et la portée de la stratégie en matière de diversité, d’équité et d’inclusion.

La culture, la vision et les valeurs défendues par les équipes de direction font partie des éléments les plus importants de la stratégie interne. De nombreuses études mettent en évidence le lien entre culture et performance. Selon Alex Edmans et al., il existe une corrélation positive entre la satisfaction du personnel et le rendement pour les actionnaires20, tandis que la satisfaction des employés favorise un taux de rétention plus élevé et une hausse de la productivité, ce qui soutient la rentabilité future. L’analyse de régression a également montré que les entreprises dotées d’une forte culture ont particulièrement surperformé pendant les années de crise, notamment celles qui ont suivi la crise financière mondiale et la pandémie.

La culture permet de toute évidence d'évaluer quelles seront les performances d’une entreprise, mais évaluer la culture d’une entreprise à partir d’une seule analyse théorique peut être délicat. Columbia Threadneedle a développé une liste de contrôle essentiellement basée sur des mesures quantitatives pour effectuer une première évaluation de ce facteur. Les mesures incluent les taux de départs volontaires, les investissements dans la formation et le rôle de l’ancienneté dans l’attribution des plans d’intéressement à long terme.

Conclusion
Le capital humain est souvent négligé par les investisseurs. Or, la croissance des actifs incorporels, dont le capital humain constitue une composante clé, tend de plus en plus à constituer un vecteur de performance et de valorisation. En conséquence, les entreprises qui gèrent efficacement le capital humain sont susceptibles d’en tirer un avantage concurrentiel.


1 Ocean Tomo, Intangible Asset Market Value Study, 2021.
2 Chron – How to Calculate the Employee Labor Percentage, 31 janvier 2019.
3 Forbes – Growing Your Business: Tips For Finding Top Employees, 27 mai 2014.
4 McKinsey Global Institute – Globalization in transition: The future of trade and value chains, janvier 2019.
5 Remarque : les références à des actions ou des obligations spécifiques ne sauraient être considérées comme une recommandation d’investissement.
6 Présentation lors de la Journée des investisseurs de Tesla, 1er mars 2023.
7 Rapport de McKinsey & Company – jobs lost, jobs gained: workforce transitions in a time of automation, décembre 2017.
8 Goldman Sachs: The potentially Large Effects of Artificial Intelligence on Economic Growth (Briggs/Kodnani), March 26, 2023.
9 BBC, Gen Z: The workers who want it all, 14 juin 2022.
10 Our World in Data, Working Hours, décembre 2020.
11 US Bureau of Labor Statistics, nombre de personnes sans emploi par poste vacant, mai 2023.
12 Reuters, Half a million UK workers drop out of workforce, citing long-term illness, 10 novembre 2022.
13 Enquête de ManpowerGroup sur les perspectives d’emploi, deuxième trimestre 2023.
14 IQVIA, rapport quatrième trimestre 2022.
15 BAE Systems, rapport second semestre 2022.
16 Reuters, Insight: Biden’s climate agenda has a problem: Not enough workers, 12 janvier 2023.
17 Industry Europe, New European Battery Academy to upskill 800,000 workers, 25 février 2022.
18 Unleash – Bosch to spend €2bn on reskilling. Remarque : Les références à des actions ou des obligations spécifiques ne sauraient être considérées comme une recommandation d’investissement. 19 Energy Voice – Shell boss touts £100m UK jobs investment as part of 2030 growth plans. Remarque : Les références à des actions ou des obligations spécifiques ne sauraient être considérées comme une recommandation d’investissement.
20 SSRN : Employee Satisfaction, Labor Market Flexibility and Stock Returns Around the World.

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