La gestion durable n’est pas uniquement l’apanage des sociétés de gestion européennes. Née aux Etats-Unis en 1976, Calvert Research and Management s’est rapidement positionnée sur l’investissement responsable, à une époque où cela était loin d’être répandu. La société de gestion est désormais un spécialiste américain reconnu de ce domaine avec 37 milliards de dollars d’encours sous gestion à fin mars. « Nous avons lancé notre premier fonds aux Etats-Unis en 1982. A l’époque, en plus de critères traditionnels sur l’investissement responsable, nous avons été le tout premier investisseur à nous positionner sur l’apartheid. Nous avons défini une politique visant à ne pas investir dans les entreprises qui soutenaient l’apartheid en Afrique du Sud », raconte Anthony Eames, managing director, responsible investment strategy chez Calvert Research & Management, dans une interview accordée à NewsManagers. Aujourd’hui, la société américaine débarque en Europe, à la faveur du rachat par Morgan Stanley Investment Management de son ancienne maison mère, Eaton Vance. Devenue filiale à 100 % de MSIM, Calvert conservera son identité et un fonctionnement autonome comme avec son précédent actionnaire. Six fonds Ucits ont été créés spécifiquement pour le marché européen et ont été lancés tout récemment. Tous articles 9, ils seront prochainement rejoints par quatre autres fonds et ils cibleront tous les types de clients. Composante clé de la stratégie ESG de Morgan Stanley IM C’est la première fois que Calvert aborde le marché européen. Eaton Vance, sa précédente maison mère, entre 2017 et 2021, avait peu développé l’international. Il faut dire que le marché américain semblait suffire à son bonheur, puisque sur cette période, les encours de Calvert ont été multipliés par trois. Plus de 90 % des clients de la boutique sont issus des Etats-Unis. Morgan Stanley IM, qui affiche 1.400 milliards de dollars d’encours, compte bien faire profiter Calvert de son réseau de distribution dans tous les pays d’Europe où il est présent, dont la France. La société de gestion avait déjà des fonds ESG, qui continueront à exister, mais avec cette marque, elle s’offre un spécialiste du secteur. « Calvert est une composante clé de notre stratégie ESG », souligne Thomas Chaussier, responsable de la France de MSIM et managing director. Que peut toutefois apporter Calvert sur un marché européen de la gestion durable bondé ? « Nous arrivons en Europe avec une véritable crédibilité, ayant été pionniers dans ce domaine depuis 1982. En effet, nous avons été les premiers à lancer un fonds obligataire ESG en 1987 et les premiers à introduire une politique d’investissement sur les droits des peuples indigènes, en 1999. Ensuite, nous avons aussi créé les premiers principes d’investissement responsable basés sur le genre en 2004 et lancé la première stratégie d’obligations vertes en 2011 », énumère Anthony Eames. Le dirigeant met aussi en avant l’approche de Calvert qui repose sur ses propres principes, eux-mêmes basés sur des normes reconnues à l’échelle mondiale. Matérialité duale et impact Il souligne aussi l’importance accordée à la matérialité financières des critères ESG pris en compte. « Nous organisons les entreprises que nous étudions en 200 sous-secteurs. Pour chacun, nous identifions une série de critères ESG pertinents. Nous avons un modèle de notation qui regroupe des données d’une vingtaine de fournisseurs. Nous travaillons en outre avec une société européenne de data science qui nous aide à tester la qualité des données et qui identifie les sujets ESG qui sont les plus corrélés à la hausse des actions. C’est ce qui nourrit nos décisions d’investissement et nos portefeuilles », explique Anthony Eames. « Ce qui est tout aussi important, c’est l’impact que peuvent avoir les entreprises. C’est pourquoi nous parlons de matérialité duale. Nos clients veulent que nous leur offrions une performance financière compétitive, à laquelle les critères ESG participent, mais ils veulent aussi savoir que nous sommes investis dans des entreprises qui gèrent bien leurs impacts sur la société et sur l’environnement. Nous pensons qu’il y a un lien entre les entreprises qui ont un impact positif et la performance financière », poursuit Anthony Eames. Pour cela, Calvert peut compter sur une équipe de quinze analystes ESG, qui devrait s’agrandir pour atteindre une vingtaine de personnes d’ici à la fin de l’année. Anthony Eames mentionne aussi le travail d’engagement actionnarial réalisé par Calvert, notamment sur des sujets clés aux Etats-Unis comme la consommation d’opioïdes ou les inégalités raciales. Ce biais américain est d’ailleurs un atout pour Calvert auprès d’investisseurs européens, même si la plupart de ses fonds sont investis à l’échelle mondiale (et pas uniquement sur des entreprises américaines). Anthony Eames note que sa société est capable de s’adapter à la demande et d’offrir des stratégies sur mesure. Interrogé sur leurs objectifs, Thomas Chaussier et Anthony Eames n’ont pas souhaité répondre. Mais on peut imaginer que l’ambition est à la mesure de la croissance du marché de l’ESG. « Nous sommes déjà en discussion avec de grands institutionnels », assure Thomas Chaussier.