Les révélations du Canard Enchaîné et de l’Argus de l’assurance sur les dysfonctionnements au sein du groupe Crepa ne sont pas restées sans effet. Première à réagir, la fédération des caisses de retraite complémentaire Arrco a diligenté un audit sur la gestion de Crepa rep, la caisse de retraite complémentaire des personnels des cabinets d’avocats. Et au terme de celui-ci, l’Arrco, selon nos informations, a écrit, la semaine dernière, aux instances de la caisse de retraite complémentaire pour leur demander de stopper immédiatement les pratiques de rémunération des administrateurs, totalement interdites par le code de la Sécurité sociale. Précision importante, ces rémunérations ne proviennent pas des caisses de la retraite, mais d’un fonds de financement du paritarisme dont la gestion a été déléguée au groupe Crepa. Regroupement obligatoire Dans le même temps, l’Arrco a rappelé à la Crepa rep qu’elle devait se rapprocher d’une autre caisse plus importante d’ici à la fin de l’année. L’encaissement de la Crepa rep est bien inférieur au seuil minimum fixé par les partenaires sociaux de la retraite complémentaire pour demeurer isolée. Lors de leur dernier accord, ils ont décidé de réaliser quelque 300 M€ d'économies de gestion, en accélérant notamment les regroupements. Un million d’euros de commission L’Arrco n’est pas intervenue sur les autres dysfonctionnements, pour la bonne raison qu’ils ne portent pas de préjudice aux assurés de la retraite complémentaire. Ces faits virulemment dénoncés par le syndicat d’avocats l’Avenir des barreaux de France, relèvent de l’institution de prévoyance Crepa. C’est notamment le cas là aussi de la rémunération de certains administrateurs. Comme pour la Crepa rep, les titulaires de la présidence et de la vice-présidence auraient perçu 1600€ par mois, alors que les autres membres du bureau auraient touché des sommes de l’ordre de 400€ ou 800€ mensuel. Il s’agit également, lors de l’acquisition de plusieurs immeubles sur Paris, du versement de commissions à une agence immobilière créée par le fils de la présidente de la Crepa, Gisèle Lapouméroulie, et située ... à Limoges. Commissions qui représenteraient « environ 1 million d’euros » selon un proche du dossier. Que fait l’ACPR ? Si le Centre technique des institutions de prévoyance (Ctip), comme son nom l’indique, n’a pas les pouvoirs pour intervenir sur ce dossier, beaucoup d’acteurs s’interrogent sur le silence de l’ACPR, l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution. « Son inaction est incompréhensible ! », s’exclame l’un d’entre eux. Il est vrai que la Crepa n’a pas de problème de solvabilité ou de fonds propres, mais au regard des accusations portées sur sa gestion, on peut se demander si les intérêts des salariés des cabinets d’avocats sont légitimement préservés. La justice est saisie Cela dit, à défaut de l’ACPR, c’est la justice qui pourrait bien mettre son nez dans les affaires de la Crepa. Le bâtonnier de Paris aurait effectué un signalement au procureur de la République. Et comme nous l'évoquions dans un précédent article, le syndicat d’avocats, l’Avenir des barreaux de France, a déposé plainte. Selon plusieurs sources, la CFE-CGC aurait fait de même. Mais nous n’avons pas pu confirmer l’information auprès de la présidente de la confédération des cadres, Carole Couvert. Cette dernière a toutefois tenté, en 2013, de retirer son mandat à la présidente CFE-CGC de la Crepa, qui a contre-attaqué, avec succès, en justice. Intérêts personnel et général La direction générale de la Crepa a justifié le recours à l’intermédiaire familial et refusé de s’exprimer sur la rémunération des administrateurs. Mais c’est surtout la présidente qui est mise en cause. « Elle fait partie de ses administrateurs qui, en poste depuis très longtemps, finissent par confondre leurs intérêts et ceux de l’institution », souligne un très bon observateur du monde paritaire. Gisèle Lapoumeroulie alterne vice-présidence et présidence depuis plus de 20 ans. Impossible pour le moment d’obtenir une réaction de sa part : elle aurait été très sérieusement affectée par les articles de presse et les attaques contre sa gestion, selon ses proches qui voient derrière tout cela la patte des « gros cabinets d’avocats » : ils lui auraient lancé une « déclaration de guerre » après que la présidente les ait obligés à participer au financement du régime de prévoyance. Le prix de la solidarité Dans un article prenant la défense de la Crepa, la Confédération nationale des avocats (CNA), l’un des sept syndicats employeurs de la branche, évoquait ainsi, en avril dernier, « la thèse ultra libéraliste (sic) soutenue par un syndicat de grands cabinets d’affaires qui refuse d’appliquer la règle de solidarité sociale ». « Nous sommes pour la solidarité, si elle est efficace, réplique un avocat. Lorsque les grands cabinets ont constaté qu’on leur demandait de payer deux fois plus cher, pour un régime deux fois moins favorable que celui qu’il possédait, alors oui, ils ont voulu savoir ce qui se passait à la Crepa. » Ironie de l’histoire, le débat sur l’obligation d’affiliation est désormais pour le moins dépassé avec la censure des clauses de désignation, une autre grosse épine dans le pied de l’institution de prévoyance.