Les tourments boursiers de mars 2020 liés à la pandémie de Covid-19 ont été un «événement exogène sévère» pour le marché des fonds d’investissement, en particulier les fonds monétaires, mais le marché s’en est finalement bien relevé. Si sa nature diffère grandement de la crise financière mondiale de 2008, cet épisode a cependant révélé quelques failles. Ce constat a été partagé, vendredi 19 novembre, par les participants d’un panel consacré à l’éventuelle introduction d’un cadre macro-prudentiel pour l’industrie des fonds lors du forum de l’investissement de l’association européenne des gestionnaires d’actifs Efama. «Nous sommes dans une bien meilleure position qu’il y a dix ans au sortir de la crise financière mondiale de 2008. Le système financier a démontré sa résilience suite à la crise de mars 2020. Nous devons cependant tirer des leçons de cet épisode qui a dévoilé des vulnérabilités structurelles de la finance de marché que nous devons prendre au sérieux. Nous devons évaluer ce qu’il peut signifier en termes de stabilité financière pour le futur», résume Lee Foulger, directeur du risque et de la stratégie de stabilité financière de la Banque d’Angleterre, se référant entre autres aux énormes sorties constatées dans les fonds monétaires et obligataires. SelonLee Foulger, une approche macro-prudentielle réglementaire unique consisterait à faire en sorte que plus le niveau de levier ou d’asymétrie de liquidité (liquidity mismatches) est élevé, plus la régulation doit être la plus étroite et la plus appropriée possible. Le hicreste que les régulateurs n’ont aucun moyen de mesurer efficacement l’ampleur d’asymétries de liquidité et du levier dans le marché des fonds, souligne-t-il. Pour Franck Raillon, senior policy advisor dans la division de la réglementation de la gestion d’actifs à l’Autorité des marchés financiers, les réformes de l’industrie des fonds adoptées post-crise de 2008 ont été très utiles pour éviter une catastrophe en mars 2020. Il souligne le rôle important des outils de gestion de liquidité des fonds tels que les mécanismes de swing pricing et de droits ajustables acquis aux fonds (anti-dilution levies) mais regrette néanmoins que leur disponibilité et utilisation ait été très différente d’un pays européen à un autre. «Un cadre règlementaire pourrait être pertinent sur ce point», dit-il. Mais il faut garder à l’esprit que l’annonce de la mise en place d’un cadre macro-prudentiel peut propager du stress dans le marché, et ce, de deux façons, ajoute-t-il. «D’un côté, cela peut envoyer un mauvais signal aux marchés et miner la confiance des investisseurs qui déclencheront des ventes de certains actifs. De l’autre, si c’est un cadre punitif pour les investisseurs, ils chercheront à avoir l’avantage d’être les premiers à bouger et de par leurs actions, précipiteront le besoin d’une intervention publique», prévient-il. Faux narratif En outre, Franck Raillon estimequ’il faut laisser au gérantle choix d’utiliser l’outil de gestion de liquidité qui lui semble le plus adéquatet qu’une différentiation doit être faite entre fonds qui investissent dans des actifs illiquides et fonds ouverts qui investissent dans des actifs peu liquides car les investisseurs investissent en connaissance de cause pour aller chercher la prime d’illiquidité. Outre les monétaires et les fonds illiquides, la croissance du marché des fonds indiciels cotés (ETF), pour lesquels les questions de liquidité et de levier se posent aussi, reste sous surveillance accrue des régulateurs. «Si l’industrie des ETF continue de croître en Europe, cela peut causer des problèmes», concède Franck Raillon. Simon Janin, directeur des affaires publiques de la société de gestion française Amundi, insiste sur le fait que les outils de gestion de liquidité doivent être tous disponibles dans l’ensemble des juridictions européennes mais aussi que le bon diagnostic doit être posé concernant les fonds monétaires. «Il y a un problème avec le marché du financement court-terme. Aussi le setup du programme de la BCE a -t-il occasionné quelques challenges, notamment sur le plan de la transparence du programme», dit-il.Simon Janin rejette une approche unique, arguant qu’on ne peut pas traiter les fonds Ucits et leur promesse de liquidité quotidienne pour la plupart d’entre eux comme les hedge funds. Greg Dulski, responsable des affaires gouvernementales internationales chez Federated Hermes et président du groupe dédié aux fonds monétaires à l’Efama, estime de son côté que les fonds monétaires ont bien géré la crise de mars 2020 et que le régulateur européen a bien joué son rôle. S’il reconnaît aux banques centrales d’avoir bien restauré la confiance des investisseurs, leur narratif autour des fonds monétaires exacerbant la crise était faux et non démontré par les données, affirme-t-il, assurant en outre que les mécanismes de swing pricing ne fonctionnent pas pour ce type de fonds.