La data ne fait pas le bonheur de tous au sein des marchés financiers européens. Certains participants de marché se plaignent du coût exorbitant qu’induit selon eux la mise en place d’une base de données européenne consolidée (consolidated tape) sur les transactions de marché – surtout en temps réel – mais aussi du fait que ces données sont mal ou insuffisamment utilisées par les autres acteurs dont les régulateurs. Natasha Cazenave, directrice exécutive de l’Autorité européenne des marchés financiers (Esma), entend les critiques au sujet de la data, notamment celles sur les coûts engendrés, comme elle l’a rappelé vendredi 8 octobre durant une conférence de l’Association européenne des marchés financiers (AFME). L’occasion a été pour l’ex-secrétaire générale adjointe de l’AMF de souligner que la data, «priorité principale de l’Esmapour les prochaines années», sert «d’élément central» à toutes les révisions et élaborations de réglementations et de cadres de supervision en Europe ces dernières années. Elle sera aussi clé pour atteindre l’union des marchés de capitaux attendue de longue date dans l’UE. L’Esma souhaite nouer une discussion profonde avec tous les participants avec l’objectif final que toutes les entités concernées en Europe «rendent compte des mêmes choses de la même façon peu importe leur marché.» Natasha Cazenave parle d’une occasion manquée jusqu’alors par l’UE lorsqu’elle évoque la base de données consolidée sur les transactions de marchés en temps réel. Elle a aussi insisté sur le fait que les nouvelles technologies et les entreprises qui leur sont liées (regtechs, fintechs, …) pouvaient aider à résoudre les problématiques de coût, soulignant par ailleurs que l’Esma continuait d’affiner ses outils technologiques pour analyser les volumes de données de marché toujours plus conséquents à traiter mais aussi ceux issus des nouveaux reportings demandés par l’Europe sur l’extra-financier aux entreprises et au secteur financier. Relations un peu fraîches avec le Royaume-Uni Interrogée sur les relations entre l’Esma et le superviseur britannique Financial Conduct Authority (FCA), Natasha Cazenave n’a pas varié dans son discours. Elle évoque des relations au beau fixe et constructives et assure, comme elle l’a fait à de nombreuses reprises auparavant, qu’il est naturel que le Royaume-Uni comme l’UE effectuent des changements dans leurs réglementations financières respectives au bénéfice de leurs marchés et investisseurs respectifs. «Il y aura des divergences, il faut simplement trouver le moyen de s’en accommoder», dit-elle. Les relations entre l’Europe et le Royaume-Uni peuvent paraître pourtant encore un peu fraiches. En témoigne cette petite passe d’armes dans le débat sur la directive MiFID qui a suivi l’intervention de Natasha Cazenave, entre Fabio Braga, responsable de la politique de conduite sur le trading et la finance de gros (wholesale) à la FCA, et Tilman Lueder, responsable de l’unité des marchés d’instruments financiers à la direction générale de la stabilité financière et des marchés de capitaux (DG Fisma) de la Commission européenne. Revenant sur les «divergences» entre les futures réglementations européenne et britannique dans le secteur financier, Fabio Braga a sous-entendu que le Royaume-Uni serait « moins intrusif et moins directionnel» que l’UE dans certains domaines. Il a ajouté que le pays «pourrait avoir des standards plus relevés que ceux hérités de la directive MiFID», plus adéquats pour le marché britannique. Une sortie qui n’a pas laissé Tilman Lueder de marbre: «L’Union européenne n’est ni intrusive ni directionnelle. Nous devons casser ce mythe. Je dis toujours aux gens qui rejoignent mon équipe de ne pas apprendre tout sur Mifid/Mifir ou d’autres régulations comme on lirait un manuel parce que cela est trompeur par rapport à ce qu’il se passe réellement sur les marchés. Si on lit les règles telles quelles, elles vous paraissent forcément intrusives et directionnelles. Mais en tant que policymaker, c’est comme cela que vous les codifiez(…) Nous voulons que les marchés fonctionnent, nous voulons être une juridiction compétitive. Le fait que nous attendions un peu avant de revoir plus en profondeur nos cadres réglementaires, en rassemblant de la data, me paraît une approche prudente.»