Qu’il s’agisse des organismes paritaires ou professionnels, les caisses de retraite font face à de sérieuses difficultés : les réserves diminuent car le nombre de cotisants par retraité se réduit depuis plusieurs années. Si on considère le régime général, ce ratio est passé de 4,4 au milieu des années 1960 à 1,3 au 30 juin 2013, selon l’Insee. Ayant bénéficié d’un effet marché positif ces dernières années, les caisses de retraite liées au régime général de la Sécurité sociale ont continué de voir leurs encours augmenter, pour atteindre 176 milliards d’euros fin 2013, selon l’Af2i. Mais pour éviter leur érosion à la suite des décaissements programmés à l’avenir, les pouvoirs publics continuent de réfléchir à une réforme du système. En 2001, la création du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) visait précisément à alimenter le régime à partir de 2020 et ce jusqu’en 2040. L’échéancier des décaissements du FRR a été reprécisé dans le cadre de la dernière réforme des retraites de 2010, puisqu’il doit, depuis cette date, allouer tous les ans 2,1 milliards d’euros à la Cades (Caisse d’amortissement de la dette sociale). Il devra également, à partir de 2020, verser 4,4 milliards d’euros à la Cnav (Caisse nationale d’assurance-vieillesse). Pour faire face à cette situation, le FRR a dû modifier son allocation d’actifs. Ses encours, qui s’élevaient à 37,2 milliards d’euros fin 2014, se répartissent désormais entre une poche de couverture (53 % du total des actifs gérés) et une poche de performance (47 %). «Les actifs de couverture servent à sécuriser le paiement du passif, indique Yves Chevalier, membre du directoire du FRR. La deuxième poche cherche à dégager un rendement significatif grâce à la diversification dans un cadre de risque maîtrisé.» En termes d’allocation, la poche de couverture accueille des OAT et des obligations d’entreprise de qualité de la zone euro et des Etats-Unis, tandis que la poche de performance est investie dans des actifs à risque. «Le poids médian indicatif des dettes émergentes représente 15 % de la poche de performance et celui des actifs d’entreprises 85 %, les actions, à elles seules, concentrant 75 % de la poche de performance en moyenne», détaille Yves Chevalier. Du côté des régimes complémentaires, la réforme est en cours et doit aboutir avant la fin du semestre, les réserves étant proches de l’épuisement. «Les sorties actuelles au titre des régimes Agirc et Arrco s’élèvent à 5 milliards d’euros par an, précise Philippe Goubeault, directeur financier de l’Agirc-Arrco. A paramètres inchangés, les estimations anticipent une extinction des réserves de l’Agirc à l’horizon 2018 et des réserves de l’Arrco en 2027.» Pour faire face aux décaissements, le portefeuille a été organisé en différentes strates. «Le portefeuille de court terme s’élève à 7 milliards d’euros, il est investi en OPCVM monétaire, dans des fonds dédiés investis sur des obligations à court terme et adossés au calendrier des décaissements, et dans des comptes rémunérés et livrets bancaires», détaille Philippe Goubeault. La strate à moyen terme sera alimentée à partir du 1er janvier 2016 par une opération de mensualisation des cotisations qui devrait rapporter au régime 9 milliards d’euros. Enfin, l’allocation stratégique de la strate moyen/long terme se répartit entre 30 % d’actions et 70 % de taux, des mouvements tactiques étant également mis en œuvre. «La gestion tactique est pilotée à travers des fonds diversifiés en gestion active et des fonds spécialisés», précise Philippe Goubeault. D’autres caisses de retraite issues de régimes professionnels disposent, quant à elles, d’un peu plus de latitude dans leur gestion, grâce à un nombre de cotisants plus élevé que de retraités. «Nos ressortissants médecins libéraux sont au nombre de 120 000 cotisants, mais ce chiffre va décliner car le “numerus clausus” (nombre d’élèves de première année admis en seconde année) était tombé à 3 000 à la fin des années 1990. Toutefois, il a été récemment relevé à 8 000, ce qui permettra à terme d’augmenter le nombre de cotisants», indique Michel Manteau, responsable gestion taux à la Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf). Une évolution bienvenue car, comme pour l’ensemble de la population active, le nombre de retraités augmente, le nombre actuel de cotisants par retraité étant de 2,4. Ces régimes ont également constitué des réserves : la Caisse autonome de retraite des médecins a pu accumuler 6,5 milliards d’euros de réserve, celle des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes 3,5 milliards… Elles sont placées avec un objectif de rendement. «Les réserves sont investies à hauteur de 20 % dans l’immobilier, 45 % en actions et 35 % en obligations de la zone euro», détaille Michel Manteau. Parmi les acteurs dédiés à une certaine catégorie de personnel, certains ont encore davantage de marge de manœuvre. C’est le cas de l’Etablissement de retraite additionnelle de la fonction publique (Erafp), qui bénéficie à 4,5 millions de fonctionnaires et affiche 21 milliards d’euros d’encours sous gestion. Un décret publié au mois de février dernier lui a permis de revoir son allocation d’actifs stratégique afin de privilégier davantage les actifs qui apportent du rendement. La part dédiée aux actifs à revenu variable va ainsi passer de 25 % maximum à 40 %, dont 3 % dans des fonds non cotés, l’immobilier reste cantonné à 10 % des encours, tandis que la part dévolue aux obligations passera de 65 % à 50 % maximum. Autre évolution majeure, l’Erafp pourra à la marge investir directement dans des fonds sans avoir besoin de recourir à des appels d’offres, ce qui lui permettra d’augmenter sa réactivité. De nouvelles règles d’investissement qui sont en train d’être mises en œuvre et qui pourraient faire école.