Nous publions ici l’intégralité de la table ronde (voir par ailleurs) qui s’est tenue à Paris jeudi 6 janvier où, dans le cadre d’un partenariat exclusif entre amLeague et Newsmanagers, cinq investisseurs institutionnels et deux représentants de sociétés de gestion ont répondu aux questions de la rédaction, concernant le championnat mis en place par amLeague (voir Newsmanagers du 07/06/2011). Ce dernier, à partir de portefeuilles notionnels, permet aux investisseurs de juger de la qualité de la gestion de plusieurs sociétés très différentes par la taille des encours gérés, leur origine, etc (cf. article du 03/11/2011). A l’occasion de cette première table ronde, les investisseurs se sont surtout exprimés sur l’intérêt de disposer d’un outil d’aide à la décision comme le championnat d’amLeague sur leurs attentes également en matière de comparabilité des performances. Ils ont également précisé leurs attentes en matière d’informations et de transparence avant de confier des capitaux à une société de gestion. De leur côté, les gérants qui figuraient à cette table ronde, ont justifié leur présence dans cette compétition en souhaitant, notamment, que celle-ci devienne une norme de place. Vous trouverez également les performances arrêtées au 31/12/2010 de l’ensemble des concurrents au sein des trois catégories mises en place depuis le 30 juin 2010, date de début du championnat. Newsmanagers : Quelles sont les motivations qui vous ont conduits à vous inscrire dans une démarche de comparabilité de performances des sociétés de gestion et à adhérer à un tel championnat, et pensez-vous que celui-ci soit nécessaire pour pouvoir juger de la qualité d’un investisseur avant de lui confier un mandat ? Jean-Claude Guimiot (directeur général d’Agrica) : Pour nous, la gestion est une question d’hommes. Ce n’est pas une question de techniques ou de chiffres, même s’il en faut. L’important est d’essayer d’avoir des informations un peu personnelles. Ce qui est intéressant, c’est de connaître les motivations du gérant et d’arriver à comprendre comment il fonctionne. C’est sur ce genre de critères que nous serons amenés à prendre des décisions d’investissement ou de désinvestissement. Nous devons savoir ce qu’il fait, ce qui le motive, s’il est capable de tenir des positions, s’il ne se laisse pas influencer par une surperformance momentanée pour changer de style, d’idée, alors que rien d’autre ne le justifie. La performance est une chose, mais l’on voit dans le classement que certains qui étaient en queue de liste il y a peu sont repassés en tête. Tout cela est donc très volatil. L’intérêt est de savoir ce qui motive le gérant et d’avoir l’information qui va avec la performance brute. En elle-même, elle ne nous intéresse pas tellement.Newsmanagers : Dans un cadre extrêmement précis comme ce championnat, pensez-vous que les gérants vont gérer comme s’il s’agissait d’un portefeuille classique ?Jean-Claude Guimiot : La performance est intéressante mais il ne faut certainement pas se focaliser uniquement sur cette information. Ce qui est intéressant, c’est ce qu’il y a derrière le résultat, comment celui-ci est obtenu. Il vaut mieux avoir une performance peut-être un peu moins bonne, mais obtenue d’une manière qu’on arrive bien à cerner, qu’on comprend et que le gérant maîtrise et peut expliquer, plutôt qu’une performance obtenue par quelque chose qui peut s’apparenter à de la chance. Nous avons tous des expériences où nous savons qu’une performance annuelle d’un produit peut être due à une position un peu limite sur un titre… Nous aimons bien pouvoir juger la cohérence du gérant et sa solidité. Thierry Dissaux (président du directoire du Fonds de Garantie des Dépôts ) : Je suis d’accord, mais je rajouterais tout d’abord que nous soutenons la démarche d’amLeague avec beaucoup de plaisir car c’est un grand confort pour un investisseur institutionnel de disposer de cette manière de données objectives et comparables entre un certain nombre de types de gestion. C’est un élément très appréciable pour nous qui sommes en train de lancer un appel d’offres précisément dans le domaine des actions, et quand bien même nos critères ne sont pas exactement les mêmes, nous pouvons ainsi comparer les performances. Non seulement nous pouvons comparer, mais aussi réaliser une analyse des performances. Bien sûr, nous n’allons pas nous arrêter à la performance brute, notamment sur une observation de six mois. Des données plus longues sont nécessaires, car elles vont donner une évolution des performances et raconter simultanément une histoire.Nous avons à notre disposition notamment des graphiques qui vont servir de base de dialogue avec le gérant. Certains vont se trouver en queue de classement à un certain moment sur la base des paris qu’ils ont fait à un instant donné. Puis ces paris vont s’avérer payants à un moment donné dans une configuration de marché précise. C’est l’histoire qu’on va pouvoir lire ainsi qui est particulièrement intéressante. On est alors en mesure d’apprécier la stratégie et le caractère du gérant.Sylviane Masson (directrice de la multigestion d’AG2R La Mondiale ) : J’ai trouvé l’idée d’amLeague séduisante. En s’intéressant principalement à la multigestion, nous pestons sur le fait que les bases de données que nous consultons ne sont pas toutes équivalentes. Nous avons du mal à distinguer un gérant. Si cela n’apporte pas forcément quelque chose lorsqu’on connaît très bien la gestion d’un gérant, en revanche, il est intéressant de pouvoir le comparer à d’autres. De ce point de vue le championnat est très intéressant pour la comparabilité des données. Il est également très courageux de la part des gérants qui y participent d’avoir accepté de rentrer dans le jeu ! Henry Jacks (directeur financier de B2V) : Bien évidemment, en tant qu’investisseur, les performances m’intéressent, mais également le risque qui a été pris. Aujourd’hui, ce qu’offre amLeague, c’est la possibilité de véritablement pouvoir jauger les gérants. Je suis un ancien gérant avec une longue expérience des sociétés de gestion. Je sais que ce que l’on présente en vitrine et aussi ce qu’il y en arrière boutique... En vitrine, on met ce qu’il y a de plus joli. Lorsqu’on lance un appel d’offres, on a des normes GIPS (Ndlr : Global Investment Performances Standards) qui sont tout à fait intéressantes et qu’on suivra ... sauf que ces normes ne sont pas forcément ce qui va nous intéresser dans la catégorie dans laquelle on va lancer l’appel d’offres...Pour revenir au championnat, j’aime l’idée de jeter tout le monde dans la piscine, pour reprendre la terminologie de Vincent Zeller, qui est tout à fait appropriée pour cette compétition. Et que les meilleurs gagnent ! Pour notre part, ce n’est pas forcément le meilleur que nous retiendrons dans un appel d’offres demain, car une periode d’observation de six mois ne dit rien. Cependant, nous commençons à avoir des indications. Sans donner de noms, je suis à ce titre ravi de ce que j’ai découvert. En l’occurrence, aujourd’hui, nous travaillons avec un gérant que je peux juger avec un prisme légèrement différent. Je ne dis pas si c’est mieux ou moins bien, mais cela m’apporte une information qui me manquait réellement. Je dis donc bravo.Thierry Dissaux : Pour rester sur la comparaison, cela donne de la profondeur à la piscine ! Tout le monde n’est pas sur une surface d’eau limitée. Nous disposons d’une profondeur pour comparer le marché et le comprendre.Newsmanagers : Allez-vous donc avoir tendance à exiger cette information avant de vous décider si vous lancez un appel d’offres ?Henry Jacks : Je regarderai à deux fois les résultats de l’appel d’offres et, très clairement, je regarderai aussi avec le prisme amLeague. Cela dit, nous avons des gérants qui sont en situation monopolistique en France et ils ne figurent pas ici. Il est facile de comprendre leur réaction plutôt défensive. Je suis cependant convaincu que demain, ils viendront et que la liste des concurrents va s’allonger. J’ai été un peu étonné de la réaction des premiers gérants au démarrage d’accepter la compétition. Une société qui n’a rien à perdre, qui se lance, peut se dire qu’après tout c’est une bonne entrée en matière et une bonne vitrine pour se lancer. En revanche, j’aurais été étonné de retrouver des sociétés ayant pignon sur rue et disposant d’une part de marché significative.Newsmanagers : Allez-vous recouper les résultats de ce genre de palmarès avec ce que vous aurez en sortie d’appel d’offres ?Henry Jacks : Oui. Quand nous lancerons un appel d’offres qui, pour des raisons de coûts et surtout de temps, sera limité à quelques établissements, nous regarderons avant de choisir une première «short list» les résultats de cette compétition.François Marbeck (directeur du portefeuille de diversification de La Banque Postale) : Pour ma part, le côté appel d’offres et banc d’essai permanent du championnat m’intéresse depuis le début. Au départ, je voyais dans le principe un «appel d’offres» gratuit pour institutionnels. Je pense que pour des petites sociétés de gestion qui jouent un peu le rôle de «challenger» et qui n’ont pas toujours les structures pour répondre aux «RFP"(Ndlr : Request for Proposal) avec des équipes solides, ce championnat est une voie détournée de participer facilement à la compétition institutionnelle. Par ailleurs, des règles communes établies de façon indiscutable sont très appréciables. En tant que gérant il y a quelques années, j’ai pu constater qu’en dépit d’une compétition officielle menée par un institutionnel entre des fonds similaires, les règles n'étaient pas toujours les mêmes. Cette fois, les gérants n’ont pas à se plaindre de cela. C’est positif.Il y a également un point important : les sociétés de gestion qui ont le courage de se mettre sur la ligne de départ démontrent qu’elles maitrisent bien leur process et leurs équipes pour concourir. C’est un gage de confiance. Enfin, c’est un métier d’hommes, et cet observatoire a un rôle important dans la durée pour vérifier la régularité des performances des différents intervenants. Newsmanagers : Selon vous, ce championnat sert-il les grands établissements ou les petites sociétés de gestion qui ont la possibilité de montrer leur savoir-faire ?Jean-Claude Guimiot : Je dirais que ce championnat profite probablement aux petites maisons qui peuvent se faire connaître. Cela dit, nous avons aussi des outils pour voir leurs performances et nous n’avons donc pas vraiment besoin de cela. Nous savons aussi ce que font les grandes maisons. En revanche, je pense que les sociétés qui ne viennent pas savent qu’elles ne sont pas compétitives. Il n’y a qu’à regarder un certain nombre de produits avec une gestion très souvent collée au benchmark et qui ne sait pas s’adapter à certains critères comportementaux même si on demande à la société de le faire. Pour elles, c’est un autre problème. Après, nous n’avons pas de gestion aussi pure que celle imposée par le championnat dans sa catégorie «full invested». Nous ne travaillons donc pas comme cela. Mais ce qui est intéressant, ce sont les analyses des courbes, pouvoir apprécier le risque pris. Il y a donc un certain nombre d’informations à saisir, et qui nous intéressent. La capacité d’un gérant par exemple à avoir un peu de liquidité, ou sa capacité à tenir des positions, si le coût que cela va induire à un moment sera compensé, etc. J’en reviens toujours là, c’est le comportement du gérant qui est important. Thierry Dissaux : Pour nous, le sujet des petites ou grandes sociétés de gestion ne se pose pas véritablement. Cela dépend évidemment de la masse d’actifs que vous voulez mobiliser sur telle ou telle stratégie ou telle ou telle classe d’actifs. En l’occurrence, nous ne sommes pas un gros investisseur actions et nous avons la particularité d’être un investisseur court terme. Nous faisons le pari que cette initiative va être rejointe par d’autres sociétés de gestion et nous le ferons savoir d’une manière ou d’une autre notamment dans le cas des appels d’offres. Tout ceci va s’étoffer. On trouvera, je l’espère, aussi de plus en plus de grosses sociétés. On ne pourra qu’interpréter négativement le fait qu’elles restent complètement en dehors de l’initiative. Si les petites sociétés de gestion se mobilisent plus que les autres, c’est la preuve de leur courage, de leur dynamisme. Pour nous, la taille n’est pas un critère qui va nous gêner. Sylviane Masson : Pour répondre aux questions sur les grandes et les petites sociétés, cela me semble assez asymétrique. Si une grande société se lance dans le jeu et ne fait pas de bons résultats, cela va lui coûter plus cher qu’une petite société. Le risque est plus petit pour une petite société à qui cela peut rapporter beaucoup et ne pas lui coûter énormément. Voilà ce que je pense intuitivement. Les grandes maisons ont aussi d’autres moyens de se faire connaître et d’autres moyens de marketing que les petites. Par ailleurs, en multigestion, nous n’investissons que dans des fonds ouverts. Nous sommes complètement confrontés aux ratios d’emprise ce qui fait qu’il y a d’excellents gérants que nous ne pouvons pas retenir parce qu’ils sont trop «petits». Nous ne pouvons effectivement pas détenir plus de 10 ou 15% dans un fonds ouvert car nous pourrions mettre en péril la gestion en cas de sortie des capitaux. Comme nous n’utilisons pas de fonds dédiés, cela peut poser un problème... Thierry Dissaux : Rien n’oblige à sélectionner un seul de ces gérants pour investir dans différents OPCVM à la fois et régler le problème de la taille de cette manière.Sylviane Masson : Par exemple, Roche-Brune affiche des fonds dont l’encours n’excède pas 20 millions d’euros. Nous, nous investissons un minimum de 50 millions d’euros dans un fonds. Antoine Briant : Je voudrais répondre à Sylviane Masson notamment au sujet du ratio d’emprise auquel vous êtes forcément confrontée à la différence d’investisseurs institutionnels en direct. Nous ne désespérons pas prochainement d’apporter une solution à cela. Concernant les tailles des sociétés de gestion dans le panel amLeague, vous semblez dire qu’il y a que des petites ou moyennes sociétés de gestion. Allianz Global Investors n’est pas un acteur de petite taille ! Et il y en a beaucoup d’autres...François Marbeck : Ce sont des challengers. Ce sont des sociétés qui sont plutôt en conquête de parts de marché. Finalement, ceux qui risquent quelque chose n’y sont pas et ceux qui ont quelque chose à gagner jouent.Antoine Briant (CEO d’amLeague) : Cette approche me paraît plus cohérente que de parler de petites ou de grosses. D’abord, où est la limite ? Les remarques qu’a eues amLeague sur la vingtaine de participants, c’est que les gens étaient plutôt surpris de voir des sociétés de gestion de taille relativement importante, avec une marque reconnue. En revanche, ils étaient plutôt surpris de voir très peu de petites sociétés de gestion.Henry Jacks : Concernant la question sur la taille des structures, pour la gestion en direct, je rejoins ce qui a été dit. En OPCVM ouvert, ce serait difficile d’investir si la structure est petite. En revanche, je confie déja à une structure de taille intermédiaire une part d’actifs très importante au regard d’autres sociétés de gestion qui gèrent pour nous. Catherine Garrigues (responsable de la gestion actions d’Allianz GI) : A quel moment une maison devient petite, intermédiaire ou grande ? Quels sont les critères ? La taille des actifs ou autre ? Comment évalue-t-on une maison qui est petite et une maison qui devient moins petite ?Henry Jacks : Cela dépend de sa spécialité. La maison que j’ai citée est une structure obligataire. En obligations, on lui a confié une bonne partie de sa gestion. Cela ne veut pas dire 50% mais c’est conséquent en pourcentage.François Marbeck : Honnêtement, une société de gestion sous le milliard d’euros de gestion, n’est pas très grande pour nous. Je pense que les grands étrangers, «pure players» de la gestion, pas vraiment adossés à un groupe bancaire et qui ne se sont construits que sur leur track record ont la possibilité là de le prouver à armes égales avec d’autres sont les grands gagnants potentiels de ce championnat, au-delà du fait que tous ceux qui jouent normalement ont quelque chose à gagner. Les autres grands gagnants sont probablement les sociétés figurant dans le deuxième tiers dans le classement, de type intermédiaires en termes d’actifs sous gestion et un peu spécialisées. Par contre, les membres classés dans le troisième tiers, de petite taille, peuvent ainsi se faire connaître, mais sans nous convaincre d’investir chez eux. Thierry Dissaux : Il y a un sujet qu’on a à peine effleuré qui concerne les différences existant nécessairement entre les mandats qui sont proposés dans la compétition et ceux que nous pratiquons et que nous avons besoin de pratiquer. Nous n’allons jamais trouver exactement ce que nous cherchons nous-même, mais ce n’est pas nécessairement rédhibitoire. Encore une fois, nous allons surtout regarder une stratégie, des performances, un degré de risque, une histoire, etc. Après, il nous appartient à travers un dialogue avec le gérant, évidemment ,de comprendre dans quelle mesure cette manière d’appliquer cette stratégie peut s’appliquer à ce que nous cherchons.Jean-Claude Guimiot : Je voudrais revenir sur les petites sociétés de gestion. Ici, c’est une question de mentalité. Nous n’avons pas ce critère chez nous. Nous nous attachons à regarder si la société de gestion est viable en fonction de ses volumes. Ensuite, tout institutionnel, s’il le souhaite, peut mettre en place des solutions qui lui permettent de travailler avec des petites sociétés. En effet, même si nous disposons de gros volumes, nous avons des petits portefeuilles, des institutions qui ont des actifs d’environ 100 ou 150 millions d’euros. Si l’on établi une ligne de 2 millions d’euros, c’est déjà significatif. Nous pouvons parfaitement intervenir dans un fonds de 20 millions d’euros, pour peu que nous ayons fait toutes les due diligences sur la solidité de la société de gestion. Il n’est pas besoin d’avoir 1 milliard sous gestion pour avoir une structure stable et rentable ! Tout dépend ensuite de la mentalité de chacun. Nous, nous avons souhaité pouvoir participer au développement des petites sociétés de gestion, voire à leur lancement et pour cela, nous nous sommes dotés d’un fonds de fonds dans lequel, nous mettons des petites participations dans un certain nombre de fonds. Nous avons au total une douzaine de participations. Je comprends que ce n’est pas le métier d’autres institutionnels. Pour autant, il me semble qu’un investisseur institutionnel doit pouvoir, comme une banque, financer les grands établissements mais également faire naître des petits. Bien sûr, il y a des réussites mais aussi des échecs. Je pense que lorsqu’on a détecté une idée, une idée que vous partagez ou qui correspond aux orientations de la gestion que vous souhaitez avoir, il faut lui donner la possibilité d’éclore en faisant attention à ce que la société de gestion soit viable et qu’elle utilise un produit sécurisé. Newsmanagers : Quand prendrez-vous la décision de confier un mandat ou un ticket à un asset manager qui concourt ?François Marbeck : Deux ou trois «asset managers» étaient dans notre viseur. Il y en a clairement un sur lequel on va investir ou confier un mandat, mais pas forcément sur la catégorie en question. Il y a deux modèles qui nous sont présentés en matière de gestion. Soit on nous présente un process unique commun à toutes les équipes, et peu importent les zones, les tailles de capitalisation. On nous vend ici une expertise globale dans la société de gestion qui s’applique à tous les portefeuilles. Soit nous achétons ici ou là quelque chose, un bon gérant, etc, et dans ce cas, il n’est pas représentatif de l’ensemble des produits. Dans la première catégorie, nous avions au moins deux sociétés dans le viseur. L’une d’entre elles sort du lot et je pense que cela va déboucher sur un investissement. Ce n’est pas amLeague qui déclenche l’investissement, mais cela accélère les choses.Sylviane Masson : Le championnat peut éveiller des curiosités et donner envie de creuser. Ensuite, le process de due diligence peut nous aider.Newsmanagers : Donc ce n’est en aucun cas un examen de passage ?Sylviane Masson : Non, car nous connaissons déjà quelques sociétés de gestion. Disons que cela peut permettre de découvrir des talents ou d’accélérer quelques décisions. Nous disposons de bases de données qui sont très larges, et amLeague apporte un éclairage. Pour l’instant, c’est un peu jeune, il faut plus de temps, voir si cela se développe et disposer de données sur une plus longue période. Thierry Dissaux : Nous sommes dans un process continu. Même pour nous, Fonds de Garantie des Dépôts, nous choisissons nos gérants pour quelques années. Sur ces quelques années, nous regardons aussi l’évolution de leurs performances. En théorie, nous ne touchons pas aux mandats pendant cette période. On pourrait donc penser que nous allons utiliser amLegue qu’au moment de l’appel d’offres, comme un éclairage pour la sélection initiale. En fait, c’est un process continu. Concrètement, nous allons regarder la performance de nos gérants qui pourront aussi figurer dans le panel sur la période considérée. Et quand bien même les gérants qu’on irait sélectionner seraient totalement en dehors de cette population, nous pouvons aussi à partir de là trouver une base de comparaison pour «challenger» ceux avec qui nous travaillons. Je le repéte, nous sommes dans un process permanent même s’il y a des moments plus forts que d’autres.Newsmanagers : Parlons des performances arrêtées au 31 décembre. Certains établissements en affichent d’excellentes avec de très bons indicateurs tandis que d’autres affichent une volatilité plus importante. Est-ce une information dont vous tenez compte ou avez-vous dans ce championnat une confirmation ?François Marbeck : Nous sommes très sensibles, et cela pourra évoluer dans le temps, aux provisions pour dépréciation durable. Cela se comprend car nous sommes en prise directe avec la comptabilité de La Banque Postale. En d’autres termes, il nous faut des fonds qui soient résistants à la baisse. C’est vrai que nous sommes très attentifs aux notions de bêta et à la capacité d’un fonds à démontrer de l’asymétrie de performance selon les configurations de marché. Cela se voit assez bien sur certains fonds. Nous suivons naturellement ces statistiques. Comme nous faisons de la gestion d’allocation d’actifs, nous ne sommes pas spécialement intéressés par la catégorie flexible en tant qu’investisseur potentiel. Cela dit, dans la catégorie flexible, nous constatons que le bêta de la société UFG-LFP est de 0,28 tandis que celui d’Allianz est de 0,84. Pour autant, ils occupent des rangs assez similaires et appliquent une gestion radicalement différente. C’est intéressant de voir qu’il y a des millions de chemins pour arriver à des résultats assez proches. Certes, sur six mois seulement. Jean-Claude Guimiot : En dehors des courbes dont on a parlé, ce qui me frappe c’est la richesse de l’information qu’on peut tirer de ces tableaux. J’avais d’autres illustrations en tête que celles de François Marbeck. Si vous prenez la catégorie Europe Equity Full Invested par exemple, celle où Petercam ressort en numéro un, il est frappant de voir l’écart de performance qui ressort pour ces gérants. C’est assez considérable. Ce qui est intéressant dans ces données c’est aussi que le tracking error du premier de la liste est en même temps quasiment la note la plus basse. La prise de risque par rapport au benchmark est évidemment limitée. Le «Max DrawDown» va nous intéresser également.François Marbeck : Dans la catégorie Europe, il est frappant de voir qu’Invesco affiche un bêta de 0,58. Si la société est loin dans le classement, la différence de performance n’est pas impressionnante. En revanche, le profil de la gestion affiche une sécurité incroyable. Sylviane Masson : Sur un mois, il y a tout de même des écarts de 4% ! François Marbeck : C’est le début mais cela devrait se normaliser peu à peu.Antoine Briant : Je voudrais faire une remarque sur ce que j’ai entendu au début quand nous avons créé amLeague : 75% des gérants seraient en-dessous du benchmark et tous pratiquant la même gestion, tout le monde fera benchmark + ou – epsilon.Sylviane Masson : Si on regarde tous les classements, vous avez benchmark +ou- 3 ou 4. Cet ordre changera dans le temps.Antoine Briant : Sur la catégorie Europe, au-delà du fait que 6 mois reste une petite période, on a 8 gérants sur 11 qui sont au-dessus du benchmark.Newsmanagers : Nous allons consacrer la dernière partie du débat aux asset managers. Quelles sont les raisons qui vous ont amené à accepter de participer à ce championnat et seriez-vous prêts à concourir dans ces catégories si vous avez des fonds dans ces parties ?Catherine Garrigues : J’ai accepté de participer, pour deux raisons. En tant qu’institution, nous avons bien compris que nous n’avions pas le choix, et puis nous n’avons rien à cacher. La plupart des investisseurs intéressés par ce concept sont déjà des clients. Est-ce du courage ? Oui car on met tout sur la table ! Concrètement, le 30 juin, j’ai pris mon portefeuille-maître Sicav que je gère depuis longtemps et je l’ai répliqué. Ce n’est pas plus compliqué que cela. Dans la gestion au quotidien, tout ce que je fais dans ma Sicav, je le fais dans ce portefeuille. Pour le portefeuille dans la catégorie flexible c’est différent car je ne le gère pas ; il s’agissait de mon premier exercice et cela me demande un petit travail supplémentaire.Henry Jacks : Ne serez-vous pas tentée demain de prolonger cet exercice ?Catherine Garrigues : Non, la flexibilité n’est pas mon domaine. Pour être aussi très transparente avec vous, je connais mon attribution de performance puisqu’on a rentré dans nos systèmes les deux portefeuilles, donc je vois bien ce qui se passe. Une partie importante de la surperformance sur le flexible vient du stock picking. Quand on a démarré, je n’avais franchement aucune idée de ce que le marché pouvait faire. Fin juin, on était en plein marasme. J’ai investi à 80%, tout simplement, donc entre 60 et 100%. C’était un peu tactique de ma part, je le reconnais. Je n’ai pas pris de risque. Après les vacances, le marché a baissé, et je suis passée de 80 % à 110 %. Mais je n’ai rien changé sur le stock picking. Je n’ai fait qu’augmenter l’exposition actions. Aujourd’hui je suis à 97%.Marc Renaud (président de Mandarine Gestion) : Je ne pense pas qu’il s’agisse de courage. Nous n’avons pas de réseau captif et, si nous n’avons pas de performances, nous n’avons rien à vendre. Je n’ai rien de plus à risquer à montrer à tout le monde ce que je fais. Cette idée qu’on vit face à des concurrents dans des classements moins homogènes que celui-là, constitue notre quotidien. Ce n’est pas du courage car c’est une pratique habituelle pour nous. Nous avons participé à ce championnat car nous croyons que cela peut devenir une norme de place. Si cela devient une norme de place, nous serons contents d’avoir été présent au début. C’est un «jeu» qui méritait d’être joué parce que c’est stimulant. En termes d’émulation, rien ne vaut un classement pour que le gérant soit «titillé». Cela dit, nous ne sommes pas là pour faire de la performance au jour le jour, mais bien connaître son univers d’investissement, savoir ce que font les autres et comment se comportent les fonds sont des données intéressantes. Evidemment, six mois c’est trop court, on le sait bien ; en ce qui concerne les actions, on ne peut pas en tirer grand-chose même si nous commençons quand même à voir quelques tendances. Nous avons donc participé à ce championnat car nous battre face à un marché et face à des concurrents constitue notre quotidien. Mais cela ne rajoute pas de la transparence par rapport à ce que nous communiquons dans nos reportings. En cela, ce n’est pas très audacieux. En termes de travail, c’est un vrai sujet. Je me suis plaint auprès d’amLeague parce que je n’avais pas le droit de mettre quelques valeurs hors MSCI que j’avais en portefeuille. Comme Catherine Garrigues, je ne veux pas travailler en plus. J’ai donc fait un clone mais un clone n’est jamais un clone, nous le savons tous, nous gérants. Il y a des flux, il y a des interdictions même si elles restent marginales, l’indice MSCI proposé étant large. Pour nous, il est important que cela ne nous rajoute pas trop de travail. Par ailleurs, je veux présenter une gestion qui soit conforme à celle que je pratique, sinon cela ne sert à rien. L’exercice n’est donc pas chronophage. J’ai un fonds maître, j’ai des clones pour des investisseurs institutionnels ou des circuits de distribution ; j’en ai rajouté un, sauf qu’il est notionnel.Newsmanagers : Est-ce que cela vous gêne qu’on donne toutes ces informations, ces ratios et autres données ? N’est-on pas surtout tenté de faire de la performance pour séduire? Marc Renaud : Mon intérêt réside dans le fait que ce qui va être publiable corresponde à ce que le client va vouloir acheter. Sincèrement, et visiblement, c’est aussi le cas pour Catherine Garrigues, ce championnat a du sens si j’y pratique ma gestion. Car c’est cela que je veux montrer au marché. On ne peut pas rentrer dans une logique de manipulation. J’étais deuxième début décembre dans la catégorie Europe, et je termine septième au 31 décembre. Mais je sais pourquoi. En étant structurellement sous-pondéré «Royaume-uni» notamment. Cela dit, cela reflète exactement ma gestion et je vais le dire à mon client. Cela ne me gêne pas. Mon portefeuille est un peu «contrarian», mais conforme à mon style de gestion. En ce moment, je trouve que les banques ne sont pas chères sur le marché. Quand vous faites cela et que vous rajoutez de la volatilité, vous n’avez pas forcément raison très rapidement. Je l’expliquerai comme cela et ce sera conforme à ce que je pratique. Cela ne me dérange aucunement. Je ne dévoile rien en plus.François Marbeck : Est-ce que les classements vous apportent de l’information ? Marc Renaud : On verra sur la durée. Six mois c’est court, on ne peut pas en tirer des enseignements. Au-delà du classement où il y a 370 fonds qui ne sont pas homogènes, nous avons repéré quinze fonds à qui nous nous comparons. Certains figurent dans le championnat, d’autres non. Sur l’Europe, il y en a huit qui sont au-dessus du benchmark. Et cela m’intéresse de voir comment ils se comportent.Newsmanagers : Ce sont des gens que vous aviez déjà dans votre univers ?Marc Renaud : Certains, pas tous. J’en découvre, je suis comme vous.Newsmanagers : Vous en tirez aussi de l’information ?Marc Renaud : Bien sûr.Catherine Garrigues : Tous les éléments communiqués dans les tableaux sont des chiffres que nous donnons et que nous mettons tous les mois dans nos reportings à nos clients. Ce sont des chiffres que nous donnons, que nos clients regardent… ou ne regardent pas. Tous les trois ou quatre mois, je vais voir des clients institutionnels pour qui nous gérons depuis des années. Et nous ne parlons que de valeurs ou de secteurs. Newsmanagers : Nous vous remercions.