« La finance verte est toute nouvelle dans le champ des acteurs non étatiques qui œuvrent pour limiter le réchauffement climatique », constate Ronan Dantec, président de Climate Chance. L’ONG vient de sortir le premier rapport intitulé «Observatoire Mondial de l’action climatique non étatique», en partenariat avec Finance for Tomorrow qui, à travers ses 600 pages, vise à synthétiser l’essentiel des données sur la transition écologique et la comprendre dans une vision holistique. « C’est un ‘méta’ rapport qui n’a pas d’équivalent sans doute dans le monde, présenté en français et en anglais, pour analyser l’action climatique réellement mise en œuvre dans le monde », a insisté Ronan Dantec lors d’une conférence de presse à Paris ce jeudi 19 novembre. « La responsabilité des acteurs financiers est considérable » Le rapport s’appuie sur les données d’autres études, citant plus de 1.000 sources. « Nous avons voulu réaliser un travail encyclopédique », explique Ronan Dantec. Dans ce tour d’horizon, la finance tient une place certes récente mais centrale (cahier 3). « La responsabilité des acteurs financiers dans la réussite de la transition vers une économie bas carbone est considérable et la transparence de leur action est un enjeu clé », estime Philippe Zaouati, président de Finance For Tomorrow. Fortes attentes sur la finance Pour l’heure, l’engagement réel de la finance à l’échelle mondiale reste une goutte d’eau. Les financements verts, même s’ils sont difficiles à identifier en l’absence de définition, représentent 0,5 % des portefeuilles des investisseurs, 0,5 % du marché obligataire et 15 % des crédits bancaires syndiqués (ce dernier pourrait être sur-estimé). 40% des investisseurs ignorent complètement l’enjeu du changement climatique en 2017 (contre 80% en 2016), rappellent les auteurs du rapport. L’impact de la finance sur le réel ne se voit pas encore. Les politiques d’exclusion, les plus largement utilisées, « devraient être développés massivement pour être efficaces et pouvoir provoquer un déclin du prix des actions des entreprises visées », affirme Maria Scolan, directrice de projet climat à la Caisse des Dépôts et coauteur du rapport sur la finance. La réallocation des portefeuilles des actifs bruns vers des actifs verts est censée rééquilibrer progressivement les valorisations des entreprises engagées pour le climat. Mais, « il n’existe pas aujourd’hui de signes montrant que la décarbonation des portefeuilles a un impact sur les conditions d’accès des entreprises au capital », constate-t-elle. Les auteurs du rapport espèrent que l’engagement actionnarial va se développer. « Depuis 2015, plusieurs initiatives collectives d’investisseurs, telles que Aiming for A, ont mené des campagnes de pression sur des entreprises fortement émettrices, en déposant des résolutions liées au climat en assemblées générales d’actionnaires », indiquent-ils. L’engagement actionnarial coordonné doit également s’installer, par exemple, à travers la coalition « Climate Action 100+ », lancée au One Planet Summit de 2017. Le marché des green bonds (160 milliards de dollars émis en 2017) connait quant à lui un engouement certain avec une croissance de 80% en 2017. Le rapport insiste également sur le rôle des banques publiques, en avance sur les autres et qui pourraient les entraîner, avec plus du quart des financements consacrés à la transition bas carbone. Mais leur effet de levier se monte au mieux à 1,5. « Elles devraient multiplier les outils de financement plus risqués tels que les financements en capital et les garanties », estime Maria Scolan. Les financements bancaires pour des énergies fossiles extrêmes repartis à la hausse Point noir du rapport : les banques. « Elles sous estiment leurs risques financiers car elles ne mesurent pas les risques liés au climat portés par les actifs et activités financés. Elles se soucient en priorité de la solvabilité des emprunteurs et ne connaissent en général pas l’usage précis d’une grande partie des financements qu’elles accordent sous forme de prêts », affirme Pierre Ducret, conseiller climat à la Caisse des Dépôts et coauteur du rapport. Surtout, les financements des banques pour des énergies fossiles extrêmes (charbon, forage en eau profonde, sables bitumineux, gaz de schiste liquéfié) sont repartis à la hausse de 11% en 2017 à 115 milliards de dollars après une contraction de 8% en 2016. Ceci dit, Les banques européennes sont les plus avancées et parmi elles, les banques françaises. ShareAction attribue à BNP Paribas une place de leader en Europe, suivi par UBS, HSBC, Crédit Agricole, Société Générale et ING. « Les économistes n’ont encore pas beaucoup investi la recherche sur le verdissement de la finance » Pour faire décoller la finance verte, le rapport identifie quatre pistes d’actions : en misant sur la concurrence entre les acteurs financiers sur les actifs verts ; en insistant sur le rôle de supervision des banques centrales qui commencent à se préoccuper du climat (Chine, Europe) ; en pilotant l’allocation des ressources publiques en faveur du climat en fonction de leur effet de levier sur les fonds privés ; enfin en développant la recherche et la formation. « Les économistes de la finance n’ont encore pas beaucoup investi le champ de la recherche sur le verdissement de la finance, qu’il s’agisse de recherche théorique - gestion des portefeuilles – ou empirique (« traçage » des flux d’investissement, élaboration de scénarios sectoriels...). Quant à la formation des étudiants en finance et en gestion, tout reste à faire ! », affirme Maria Scolan. TV