«Le professionalisme et la qualité de la gestion française sont reconnus à l’international, la France est un laboratoire d’innovation et de technologie, le secteur bénéficie d’un régulateur éclairé, l’AMF, toute la chaîne de valeur de la profession est d’excellent niveau. Et, de plus, la France abrite un vivier de 400 sociétés de gestion entrepreneuriales et 200 nouveaux gérants sont apparus ces cinq dernières années": après un tel panégyrique, Alain Leclair, président d’Emergence, pouvait se permettre de nuancer quelque peu le propos en explorant les aspects moins glamour de la situation. De fait, l’ancien président de l’Association française de la gestion financière (AFG) a peut-être noté avec satisfaction que les professionnels de la diaspora française ne s’adonnent pas au «French bashing» lorsqu’ils quittent leur entreprise à l’étranger, à la différence des Français restés en France. Mais il a surtout mis en évidence lors d’une table ronde organisée dans le cadre de la conférence Paris Europlace que la plus grande faiblesse de notre pays réside dans le fait que ce dernier ne dispose pas d’une épargne longue ou, du moins, d’une «boîte» qui permettrait, comme les fonds de pension aux Etats-Unis, de fournir un amorçage aux gérants émergents qui ne peuvent pas encore justifier d’un historique de performance.Cela posé, Alain Leclair a également souligné que, si la directive Solvabilité II a les conséquences désastreuses que l’on sait, Bâle III, paradoxalement, ne devrait pas s’avérer aussi néfaste pour les gestionnaires d’actifs. Car, après tout, cette réglementation va freiner l’intermédiation bancaire et donner leur chance aux professionnels de la gestion.Le rôle clé des incubateursLors de la table ronde de Paris Europlace consacrée aux gérants émergents, Jean-François Bay, CEO de Morningstar à Paris, a mis en perspective le changement d’environnement pour la profession, insistant entre autres sur l’effet de barbell entre la gestion à bas coût et la gestion «premium», qui rend la position des acteurs intermédiaires fort inconfortable.Antoine Rolland, PDG de Newalpha AM, a insisté pour sa part sur l’importance pour les nouveaux entrants de pouvoir compter sur des incubateurs (comme sa société et NextAM) qui constituent un maillon essentiel entre l’allocateur et le gérant entrepreneurial.Après les présentations de Ginjer, RCube et Keyquant, toutes trois de jeunes sociétés de gestion secondées par Emergence, Alain Leclair a déploré qu’en règle générale les Français soient «bons en mathématiques, bons en quantitatif, mais mauvais en commercial». Ce que corrobore Antoine Rolland, pour lequel la mortalité des sociétés de gestion ne tient souvent pas à la performance ou à l’organisation mais à une déficience en matière de marketing et de vente. D’autant que, s’il a jamais véritablement existé, le lien entre performance et souscriptions est rompu. Et le rôle de l’incubateur consiste justement à faire pénétrer son poulain dans les bons réseaux. Jean-François Bay corrobore cette analyse en soulignant que le point faible des nouveaux entrants sur le marché est justement qu’ils ne sont pas connus dans les réseaux traditionnels et par les consultants.