Orange veut arrêter les frais dans la banque

Soutenue à bout de bras par l’ancienne direction, Orange Bank ne fait plus partie des priorités du groupe.
Franck Joselin avec L’Agefi Dow Jones
Orange Bank, filiale de l’opérateur télécom historique Orange
La direction de l’opérateur télécom historique a des doutes sur la place à donner à Orange Bank dans le plan stratégique qui sera présenté en février 2023.  -  RK.

Toutes les pépites ne sont pas en or. Lors de son arrivée à la tête d’Orange au mois de mai dernier, Chrystel Heydemann s’est vite aperçue que sa filiale bancaire, Orange Bank, qui devait être un des moteurs de croissance du groupe, ressemblait plutôt à un puits sans fond. Après avoir accusé plus de 800 millions d’euros de pertes depuis son lancement en 2017, dont presque 170 millions en 2021, Orange Bank est sur la sellette.

L’opérateur télecom historique a mandaté la banque d’affaires Lazard en vue de la cession d’Orange Bank, ont révélé mercredi Les Echos, une information confirmée à L’Agefi par d’autres sources. «Comme pour l’ensemble de ses activités, Orange évalue ses opportunités afin de renforcer les positions de sa banque, dont une cession n’est pas à l’ordre du jour», prévient toutefois une source proche du dossier à l’agence Agefi-Dow Jones. «Mais dans le cadre d’une telle revue, le groupe pourrait ponctuellement mener des discussions préliminaires avec différents partenaires potentiels afin d’analyser l’intérêt d’un futur partenariat», a complété cette source.

Ce n’est pas la première fois qu’une vente est évoquée, mais cette éventualité prend de l’épaisseur avec la nouvelle direction. Le remplacement de Paul de Leusse, qui a porté un temps le projet de la banque en ligne d’Orange avec l’ancien PDG du groupe Stéphane Richard, a d’ailleurs été une des premières décisions emblématiques de la nouvelle dirigeante, venue de Schneider Electric. En 2021 déjà, Orange déclarait chercher un « partenaire bancaire ». BNP Paribas avait souvent été cité comme potentiel prétendant avant de se retirer du projet. Les rumeurs de cession n’avaient pas tardé à poindre, mais l’entrée au capital d’un éventuel partenaire avait buté sur des considérations techniques, financières, et aussi sociales, à une époque où Stéphane Richard se voyait bien rempiler pour un nouveau mandat.

« Orange ne cherche pas à vendre Orange Bank », avait assuré à l’époque Paul de Leusse, alors persuadé que la banque pourrait trouver des relais à l’international. Aujourd’hui, les changements à la tête d’Orange ont levé cette barrière psychologique à la vente. Si le développement à l’international fait bien partie des grands chantiers à venir de Chrystel Heydemann, la banque ne semble pas y avoir sa place. Les sondes lancées au marché sur une possible cession d’Orange Bank, ou l’entrée d’un autre actionnaire, montrent que la direction a des doutes sur la place qu’elle donnera à cette filiale dans le plan stratégique qu’elle présentera en février 2023.

De la bonne idée à sa difficile mise en place

Ces réflexions stratégiques sur la banque sont loin d’être simples. A l’origine, l’idée semblait séduisante. L’opérateur téléphonique pouvait profiter de son réseau pour développer à grande échelle un service de banque en ligne. Plusieurs solutions s’offraient alors à lui : créer ex nihilo sa propre structure – ce qui aurait été réglementairement complexe - ou racheter une banque existante. C’est cette option qui a été choisie, avec le rachat des systèmes de Groupama Banque. Mais ceux-ci se sont vite révélés vieillissants et peu adaptés à l’ambition de Stéphane Richard de devenir le «Free de la banque».

De plus, Orange Bank n’a jamais franchi la frontière que redoutaient les banques de détail françaises, à savoir offrir des ristournes sur les factures télécoms en fonction de l’utilisation des cartes de paiement aux couleurs de la banque en ligne. En conséquence, le décollage commercial s’est fait attendre et l’usage des moyens de paiement, une source importante des revenus pour toute néobanque, est resté celui d’une banque d’appoint. De quoi repousser sans cesse l’horizon du point mort qui devait être atteint en 2022 ou 2023.

La décision de vendre cette division qui fait du surplace devra être soigneusement pesée. Si le problème de la conquête clientèle n’est toujours pas résolu, la création d’une nouvelle plateforme informatique unique regroupant les activités de la banque en France et en Espagne (le «projet One Bank») pourrait redonner un nouvel élan à la structure. Ces développements en cours devraient être terminés fin 2023 et certains repreneurs potentiels, des banques établies sur la place, pourraient être intéressés par cette plateforme. Mais ce sont surtout les accords de distribution qui pourraient être noués avec l’opérateur télécom qui recèlent de la valeur : une banque pourrait y voir un moyen d'équiper les clients d’Orange en crédit à la consommation pour l’achat des mobiles ou en assurance contre le vol. Un tel accord pourrait faire baisser la facture que devra payer Orange : de source financière, l’opérateur devra en effet mettre la main à la poche pour se séparer de cette activité en perte.

Il resterait à gérer le volet social d’une banque qui compte plusieurs centaines de salariés. «C’est tout à fait gérable par Orange ou par une grande banque, on l’a vu avec d’autres plans de départs généreux dans le secteur», estime un bon connaisseur du dossier. Un argument qui ne milite pas pour que Chrystel Heydemann laisse longtemps ouverte la parenthèse bancaire.

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