Les fonds verts pâlissent à vue d’œil

La perspective de l’application de règles plus strictes en janvier prochain pousse à un rétropédalage général des gestionnaires sur leurs fonds durables. Une séquence dont personne ne ressort grandi.
Alexandre Garabedian
Alexandre Garabedian, directeur de la rédaction de L’Agefi.  - 

Le reflux est brutal. Depuis quelques semaines, les gestionnaires d’actifs déclassent en masse leurs fonds les plus durables, dits «article 9» selon la réglementation européenne, pour les reléguer dans la division inférieure des «article 8». Rabattraient-ils leurs ambitions en matière de finance verte ? Leur prudente retraite signe surtout la montée en puissance du risque réglementaire et de la conformité face au marketing agressif des produits ESG.

Entrée en vigueur en mars 2021 en Europe, la Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) a offert à l’industrie deux enveloppes dont le potentiel de commercialisation n’a échappé à personne. Les fonds article 9 sont censés être les plus ambitieux en matière d’investissement durable, alors que les fonds article 8 déclarent seulement la prise en compte de certains critères environnementaux ou sociaux dans leur sélection de valeurs. Les gérants se sont engouffrés dans la brèche d’un texte qui laissait une large place à l’interprétation. Ils ont décerné un peu vite le meilleur de ces faux labels à des produits qui excluaient de leurs portefeuilles les entreprises les plus polluantes, mais n’hésitaient pas à financer des secteurs en transition, énergies fossiles incluses, ou peinaient à établir de vrais indicateurs d’impact de leurs investissements. Or, comme son nom l’indique, SFDR traite de l’information présentée aux clients. Les régulateurs ont mis fin au flou artistique en publiant cet été des standards techniques applicables au 1er janvier prochain, bien plus stricts. D’où le rétropédalage des fournisseurs, qui craignent d’être pris la main dans le pot de confiture du greenwashing.

Que des perdants

La cause de l’ESG ne sort pas grandie de l’affaire, et tous ses acteurs y perdent. L’industrie peut à bon droit critiquer l’élaboration des règles européennes sur la finance verte : ambitieuses sur le papier, effroyablement complexes en pratique, constituées de strates de textes dont les versions finales sont d’abord le fruit d’arbitrages politiques, comme en témoigne l’inclusion in extremis, et a posteriori justifiée par la guerre en Ukraine, du nucléaire dans la taxonomie. Les interprétations divergentes des autorités nationales dans l’Union européenne, sans même parler de l’absence de norme à l’échelle mondiale, renforcent l’impression de flottement. Mais les asset managers auraient gagné, dès l’an dernier, à se montrer plus prudents au moment de classer leurs fonds. Ils auraient évité à certains clients de prendre les vessies des affaires courantes pour les lanternes de la transition environnementale. Pour l’investisseur final, cet épisode interroge, une fois de plus, la capacité de la finance verte à délivrer des performances tout en pesant réellement sur les choix des entreprises.

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